Après 11 ans et 1 mois de procédure, la Cour suprême de Grande-Bretagne vient enfin de mettre un terme au litige qui opposait la société Marks & Spencer (M&S) à l’administration fiscale britannique (HMRC) (1). Il n’est pas inintéressant de voir quelle application a été faite des principes posés par la Cour de justice de l’Union dans cette affaire (2).
Par Eric Ginter, avocat associé, Hoche société d’avocats, professeur associé à l’Université de Bourgogne.
Comme on s’en souvient, M&S avait pris en mars 2001 la décision de fermer ses filiales en Europe continentale. Les filiales française et espagnole avaient été cédées, tandis que les filiales belge et allemande étaient mises en liquidation. M&S avait souhaité pouvoir imputer sur ses résultats britanniques les pertes des deux filiales mises en liquidation, comme elle aurait pu le faire si ces deux sociétés avaient été établies en Grande-Bretagne, ce à quoi s’opposaient les HMRC. L’affaire avait été portée devant la CJUE qui, dans un arrêt particulièrement remarqué, avait jugé que l’impossibilité d’imputer les pertes des filiales étrangères était contraire aux dispositions du Traité dès lors que ces filiales avaient épuisé toutes les possibilités d’utiliser ces pertes, soit par elles-mêmes, soit par une tierce partie. La CJUE avait renvoyé aux juridictions nationales le soin d’apprécier si cette impossibilité («no possibilities test») était bien avérée. C’est donc sur ce terrain que le débat s’est poursuivi devant les juridictions britanniques. Il portait essentiellement sur deux points.
Tout d’abord, il convenait de déterminer à quelle date cette éventuelle impossibilité devait s’apprécier. Pour les HMRC, elle devait l’être au terme de la période comptable au cours de laquelle ces pertes ont pu être constatées. Pour M&S au contraire, cette impossibilité devait s’apprécier à la date à laquelle la société avait déposé une réclamation tendant précisément à obtenir l’imputation de...