Près de 10 ans après y avoir été habilité par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008de modernisation de l’économie dite «LME», le ministre de l’Economie vient pour la première fois d’annoncer, par un communiqué de presse du 14 juin 2018, faire usage de son pouvoir d’évocation d’une opération de concentration autorisée par l’Autorité de la concurrence (ci-après ADLC).
Par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat, et Vincent Lorieul, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Cette annonce est intervenue le jour même de la décision n° 18-DCC-95 du 14 juin 2018 de l’ADLC autorisant, sous réserve d’injonctions, la reprise d’une partie des actifs du pôle plats cuisinés du groupe Agripole exploitant notamment les marques William Saurin, Panzani et Garbit.
Cette possibilité d’intervention du pouvoir politique dans le droit des concentrations n’est pas spécifique à la France, des systèmes similaires existant dans plusieurs pays européens et notamment en Allemagne. Elle résulte de la volonté du législateur, lors du transfert en 2008 à l’ADLC du pouvoir décisionnel en matière de contrôle des concentrations, de conférer au ministre de l’Economie la faculté de se saisir, de manière résiduelle, de certaines concentrations. L’article L. 430-7-1 du Code de commerce permet ainsi au ministre d’intervenir à deux étapes de la procédure : à l’issue de la phase I, phase «normale» d’examen d’une opération de concentration par l’ADLC, il dispose de cinq jours ouvrés pour demander l’ouverture d’une phase d’examen approfondi, dite de phase II, par l’Autorité de la concurrence ; à l’issue de cette phase II, il bénéficie d’un délai de 25 jours ouvrés pour évoquer l’affaire et statuer sur l’opération en cause pour des motifs d’intérêt général, autres que le maintien de la concurrence, comme le développement industriel, la compétitivité internationale des entreprises ou l’emploi.
Dans le dossier «William Saurin», c’est très probablement le contexte particulier de l’affaire...