Voulues comme une réponse à la digitalisation de l’économie et à la disparition des liens physiques traditionnellement utilisés pour rattacher les revenus à un pays, les règles dévoilées en octobre par l’OCDE, dans son rapport consacré au Pilier 1,témoignent de la difficulté d’apporter des réponses pratiques à des réalités complexes et protéiformes tout en recherchant une solution consensuelle.
Par Nadia Sabin, avocate associée, et Morgan Vail, avocat, EY société d’avocats
Avec le Black Friday, et alors que les sites Internet sont accusés de livrer une concurrence déloyale au commerce traditionnel, la faible taxation des acteurs du numérique est de nouveau montrée du doigt. Mais ce n’est pas tant leur habileté fiscale qui leur permet de minimiser l’imposition de leurs bénéfices que les modalités d’exercice de leurs activités, qui ne nécessitent pas ou peu d’implantation locale. Or, cela ne concerne plus uniquement les pure players, dont l’activité est exclusivement sur Internet, mais aussi, dans tous les secteurs, des groupes dont les modes opérationnels ont évolué. La «digitalisation» des activités économiques remet en cause les principes classiques de la fiscalité internationale qui reposent sur l’implantation physique.
Depuis 20 ans, les initiatives pour répondre à cette problématique se multiplient, tant au niveau des pays que des instances internationales. L’OCDE a ainsi présenté le 12 octobre 2020 une réponse très élaborée, mais non encore finalisée, qui repose sur deux Piliers dont le premier vise justement à créer un nouveau droit d’imposition déconnecté de la notion de présence physique.
1. L’appréhension de la fiscalité du numérique : le fruit d’un long processus de réflexion
En 2015, l’OCDE avait conclu que l’économie numérique n’est pas un secteur économique distinct mais correspond de nouveaux modèles d’activités, mal appréhendés par les règles fiscales existantes. De nombreuses pistes de réflexion avaient alors été évoquées pour répondre à ce défi. Faute de consensus international sur une solution concrète, des initiatives unilatérales se sont multipliées dès 2018 afin d’imposer les activités numériques, comme par exemple des taxes spécifiques sur le chiffre d’affaires (digital services tax, DST).