La chambre commerciale de la Cour de cassation, qui sait faire œuvre de pragmatisme et d’innovation et parfois même surprendre, a récemment consacré, à côté de la notion d’«exclusion statutaire», la notion prétorienne d’«éviction statutaire». Cette situation crée, de facto, la possibilité d’un actionnariat «précaire1». Cet arrêt est-il de nature à ouvrir une troisième voie sécurisée entre clause d’exclusion statutaire et la promesse unilatérale de vente incluse dans un pacte d’actionnaires ?
Par Laurent Drillet, avocat associé, Fidal
L’émergence de la notion d’«éviction statutaire» au sein dune société commerciale est la dernière étape en date d’une évolution jurisprudentielle, sur laquelle il est nécessaire de revenir pour bien en comprendre les contours. A l’origine de nombre d’arrêts rendus en la matière, se rencontre la situation du «salarié actionnaire» pour lequel la société entend corréler la qualité d’actionnaire à celle de salarié, la perte du contrat de travail devant entraîner, par un mécanisme statutaire ou contractuel efficace, la perte corrélative de la qualité d’actionnaire. La recherche d’un lien indissociable entre l’exercice de fonctions au sein d’une société et la qualité d’actionnaire est au cœur du sujet. Elle conduit à analyser, sous l’angle du droit des sociétés, les moyens de se séparer d’un actionnaire.
1. La voie de l’exclusion statutaire
A l’exception des sociétés à capital variable pour lesquelles la loi prévoit un mécanisme légal d’exclusion (C. com. L. 231-6 al. 2) et d’une disposition propre aux SAS (C. com. L. 227-16) rédigée dans les termes suivants : «dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions. Ils peuvent également prévoir la suspension des droits non pécuniaires de cet associé tant que celui-ci n’a pas procédé à cette cession2», le législateur n’a pas prévu, dans les autres formes de sociétés commerciales, de mécanisme légal d’exclusion.
Au motif que ce qui n’est pas interdit est permis, les praticiens ont su faire œuvre d’imagination...