Dans l’Union européenne (UE), des milliards d’euros de recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont perdus en raison de la fraude fiscale et de l’inadéquation des systèmes de perception. A ce sujet, la Commission européenne a publié le 21 septembre 2018 une étude relative à «l’écart de TVA1» en Europe faisant état d’une perte de 147 milliards d’euros pour l’UE dont 20 milliards d’euros pour la France uniquement (soit 12 % des recettes annuelles de la France). Par ailleurs, la TVA étant la principale source de recettes fiscales pour le budget de l’Etat français, elle constitue un levier d’action important afin d’accroître les rentrées fiscales. C’est dans ce contexte économique particulier que le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a récemment proposé plusieurs mesures destinées à lutter contre la fraude TVA, évoquant une nouvelle fois la possibilité de généraliser la facturation électronique pour toutes les entreprises françaises (échanges B2B), en s’inspirant notamment des modèles étrangers comme celui de l’Italie.
Par Laurent Poigt, avocat associé, Zuzana Jandova, avocate, et Alexandre Guillaume, avocat, PwC Société d’Avocats
La directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 («directive TVA»), modifiée par la directive du 13 juillet 20102, pose le cadre de la facturation électronique B2B au sein des pays de l’UE avec comme «préambule» que le recours à ce mode de facturation soit soumis à l’acceptation du destinataire. Toutefois, ni la directive TVA ni même la doctrine administrative française n’impose actuellement aux opérateurs économiques d’avoir recours à la facturation électronique dans leurs échanges B2B.
1. La France a déjà recours à la facturation électronique obligatoire pour les transactions B2G
La directive 2014-55-UE3 a ouvert la voie à la dématérialisation obligatoire des factures dans les relations entre les entreprises et les administrations/établissements publics (relation «B2G» – business to government). Ainsi, pour toute commande réalisée auprès d’un établissement public, l’entreprise est tenue de transmettre une facture sous format électronique.
En France, en pratique, depuis le 1er janvier 20174 (suivant la taille de l’entreprise), seuls les fournisseurs de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics ont l’obligation d’émettre leurs factures dématérialisées via le portail Chorus Pro selon différents modes de connexion prédéfinis (notamment portail ou mode EDI), sous peine de rejet.
Depuis la tentative avortée de la loi Macron en 20155, le gouvernement français n’avait plus évoqué la possibilité d’étendre l’obligation de dématérialisation des factures aux transactions B2B. Les annonces du ministre de l’Action et des Comptes publics laissent donc entrevoir de nouvelles ouvertures sur ce sujet.