La condamnation récente du président de Covéa pour violation de ses devoirs de confidentialité en tant qu’administrateur de Scor marque une étape importante dans l’encadrement légal des droits et devoirs d’un administrateur. Pour la première fois, les juges ont reconnu le règlement intérieur d’un conseil d’administration comme un contrat liant deux parties.
La sanction est spectaculaire et risque de secouer le monde des affaires. Le tribunal de commerce de Paris a condamné, le 10 novembre dernier, Thierry Derez, président-directeur général de la mutuelle Covéa, à verser à titre personnel 479 376 euros de dommages et intérêts au réassureur Scor, ainsi que 19,6 millions d’euros solidairement avec le groupe Covéa. Cette condamnation record, jugée sévère par les praticiens, fait suite à la saisie de la justice à l’été 2018 par Denis Kessler, le patron de Scor. Ce dernier soupçonnait Thierry Derez d’avoir utilisé, au profit de sa propre société, les informations confidentielles recueillies au titre de son mandat, notamment celles concernant l’existence d’un projet de rapprochement entre Scor et Partner Re. «Covéa cherchait depuis un certain temps à se diversifier dans le secteur de la réassurance et envisageait un rapprochement avec Scor ou avec Partner Re notamment, rappelle Hadrien Schlumberger, associé au cabinet Mayer Brown (qui n’était pas partie au dossier). Le tribunal a considéré que Covéa avait utilisé ces informations contre l’intérêt de Scor en proposant un projet d’OPA amicale sur Scor qui faisait échec au projet de rapprochement entre Scor et Partner Re.» Thierry Derez aurait alors, selon les juges, «commis des fautes contractuelles engageant sa responsabilité civile, en violant les engagements qu’il avait contractés à l’égard de Scor SE, en tant qu’administrateur à titre personnel de cette dernière, relatifs au conflit d’intérêts, à la confidentialité et à la loyauté».