L'interprétation extensive par les Etats-Unis de la territorialité de leurs lois est en train de faire naître une nouvelle justice économique, particulièrement pénalisante pour les groupes européens.
Ces cinq dernières années, les condamnations infligées par les pouvoirs publics américains aux groupes européens ont coûté 7 milliards de dollars aux intéressés et donc à l'Europe : tel est l'étonnant constat dressé par des avocats d'affaires dans un ouvrage intitulé «Deals de Justice».* Sept milliards quasiment partis en fumée si l'on considère qu'ils ont été versés dans le cadre d'accords transactionnels pour éviter des poursuites judiciaires et donc sans procès susceptible d'établir la réalité des infractions reprochées. C'est ainsi que Siemens a payé 800 millions de dollars en 2008, KBR 579 millions en 2009, BAE 400 millions en 2010, Total 398 millions en 2013, etc. Motif de ces sanctions vertigineuses ?
«Il s'agit principalement d'accusations de corruption, fraude, violations du droit bancaire et boursier, ou encore de la réglementation fiscale, répond Pierre Servan-Schreiber, associé de Skadden Arps et coauteur de l'ouvrage. Le plus léger rapport avec un Etat blacklisté par les Etats-Unis peut suffire à déclencher une procédure. Et pas besoin pour cela de vendre des usines nucléaires à l'Iran : payer une simple facture au ressortissant de l'un de ces pays qui n'y réside pas ou au contraire à un étranger résidant dans le pays concerné peut suffire à déclencher des poursuites.»
Les sociétés européennes, proies faciles
Si des entreprises européennes se retrouvent entre les griffes des régulateurs américains au point d'en être d'ailleurs les principales proies tant en nombre qu'en montant de sanction, c'est que les...