Jusqu’à présent, les géants du numérique avaient réussi à échapper légalement à une imposition de leur filiale française, y compris devant les tribunaux. Un arrêt récent du Conseil d’Etat vient de mettre fin à cette situation. Un revirement spectaculaire de jurisprudence qui va contraindre les géants du numérique à repenser leur stratégie fiscale en France.
Voilà une décision de justice qui devrait mettre fin au sentiment d’impunité fiscale de certains géants du numérique en France. Le 11 décembre dernier, le Conseil d’Etat a pour la première fois reconnu une filiale française d’une entreprise évoluant dans ce secteur et dont le siège est situé en Irlande comme un établissement stable. «Une qualification loin d’être anodine puisqu’elle entraîne la soumission mécanique de la filiale à l’imposition sur les sociétés (IS) et sur la TVA», observe Vincent Renoux, avocat associé au cabinet Stehlin & Associés.
Dans les faits, l’administration fiscale française avait engagé, en 2015, un redressement d’un montant de 11,5 millions d’euros (IS, TVA et pénalités) à l’encontre de la société américaine Conversant International Ltd (société de marketing digital devenue depuis 2019 propriété de Publicis), au titre des années 2009, 2010 et 2011. Pour se défendre, la société avait invoqué devant le tribunal administratif de Paris, en 2017, puis devant la cour administrative d’appel de Paris, l’année suivante, que sa filiale française n’était liée à elle que par un contrat d’assistance interne pour lequel elle était rémunérée. Selon l’entreprise, celui-ci ne pouvait en aucun cas conférer à l’entité hexagonale le statut d’entreprise agissant pour le compte de la société mère. De ce fait, les revenus dégagés par ladite filiale n’étaient, selon le groupe, pas imposables.
Si, dans son arrêt du 1er mars 2018, les juges de la cour d’appel avaient soutenu...