Le gouvernement prévoit le vote d’une « loi pouvoir d’achat ». Mais quelles sont ses marges de manœuvre ? Peut-il garantir le maintien du pouvoir d’achat pour tout le monde ?
Eric Heyer : Il faut bien voir que nous subissons un choc extérieur d’ampleur : nous devons payer notre énergie, notamment, beaucoup plus cher, ce qu’il faut analyser comme un transfert de revenu des Français vers l’étranger. Un transfert conséquent, puisqu’on peut l’estimer entre un et deux points de PIB. Sachant que les Français perdent globalement une partie de leur revenu, la question est celle du partage du fardeau entre eux : entre les entreprises, les consommateurs et l’Etat. Si l’on décidait que les consommateurs ne devaient globalement subir aucune perte de pouvoir d’achat, il reviendrait aux entreprises ou à l’Etat de se partager la totalité de la facture. Mais ce scénario est peu probable. On peut donc penser que tout le monde sera mis à contribution.
Cependant, avant de parler de ce partage, il faudrait analyser clairement la nature de ce transfert de revenu vers l’étranger. Est-il temporaire ou joue-t-il à plus long terme ? La réponse de politique économique ne peut être la même dans les deux cas. Si l’on pense que les prix de l’énergie vont retomber l’année prochaine, revenant à leur niveau antérieur, on pourra s’attendre alors à une « inflation négative », autrement dit une baisse du niveau général des prix. Dans ce cas, les ménages retrouveraient leur pouvoir d’achat antérieur, et si des compensations peuvent leur être accordées, elles doivent être temporaires. Il peut s’agir de chèques versés par l’Etat ou de primes accordées par les entreprises. Une hausse des salaires donnerait lieu à un gain durable de pouvoir d’achat.