Vous êtes spécialiste de politique industrielle. Que pensez-vous de l’aide que vient d’accorder l’Etat à l’usine de Belfort d’Alstom ?
L’affaire montre à quel point la politique industrielle menée en France est un fiasco. L’Etat va dépenser 500 millions d’euros pour empêcher non pas la suppression mais le transfert de 400 emplois, et ce grâce à l’achat de TGV qui ne pourront circuler qu’à 200 km/h, achat qui n’a donc objectivement pas de raison d’être ! On va de même forcer la SNCF à investir dans des trains dont elle n’a pas besoin. Au final, le coût par emploi pour le contribuable sera totalement absurde. Le cas Alstom n’est toutefois pas étonnant : la politique industrielle en France consiste à privilégier les groupes considérés comme des symboles ou des champions nationaux, comme c’est aussi le cas pour Areva ou EDF.
N’est-il pas normal néanmoins que l’Etat cherche à préserver les emplois ?
Il est légitime que l’Etat intervienne pour développer l’emploi sur le territoire, mais il doit le faire à bon escient, en favorisant la mutation vers le numérique, les nouvelles technologies… Il existe énormément de dispositifs pour aider les entreprises en France, mais très peu d’instruments pour mesurer leur efficacité. De plus, quand on compare les aides publiques attribuées par la France avec celles des autres pays européens, on voit que les pays du Nord ou l’Allemagne en consacrent une grande partie aux technologies environnementales pour développer des filières porteuses d’avenir. En France, ce type d’aide est beaucoup moins important. Par ailleurs, les aides publiques ciblent le plus souvent les grands groupes alors que le tissu des PME est plus fragile qu’en Allemagne ou en Italie. L’Etat va ainsi accorder à Alstom un soutien qu’il n’apporterait jamais aux PME.