Afin de lutter contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises du numérique, la Commission européenne entend faire voter une taxe provisoire de 3 % sur leur chiffre d’affaires, applicable dans chaque pays membre de l’UE. Que pensez-vous de cette mesure ?
S’attaquer au chiffre d’affaires des entreprises du numérique ne résoudra pas le problème de leur optimisation fiscale. Si les Etats européens entendent l’endiguer, ils doivent s’attaquer aux montages mis en œuvre par ces sociétés, montages qui s’appuient sur de nombreuses failles juridiques et sur les différentes conventions bilatérales signées entre Etats. Non seulement cette mesure ne cible pas le vrai problème mais, en plus, son application risque d’être malaisée, compte tenu du fait que les revenus de ces sociétés sont très difficilement quantifiables, notamment la monétisation des données. Autre problème, cet impôt a de fortes chances d’être répercuté par les acteurs de l’économie numérique sur le prix de leurs services au détriment des annonceurs ou des utilisateurs, mécanisme inévitable lors de l’instauration d’une fiscalité indirecte. A ce risque, vient s’ajouter celui de l’inconstitutionnalité. Comment justifier, en effet, la mise en œuvre de mesures discriminant ces entreprises par rapport à celles de l’économie matérielle ? Enfin, sur un plan purement philosophique, imposer un chiffre d’affaires ne revient pas à ponctionner un enrichissement, ce qui va à l’encontre du sens éthique même visé par le dispositif.