Il aura fallu attendre 40 ans (1) pour que le législateur s’attelle à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et 10 ans de plus (2) pour qu’il l’étende aux locaux d’habitation. La valeur locative foncière sert de base de calcul aux principaux impôts locaux tels que la taxe foncière sur les propriétés bâties, la cotisation foncière de entreprises, la taxe d’habitation, etc.La rupture avec le système des locaux de référence donnés en location en 1970 était devenue indispensable tant le système était devenu obsolète et décorrélé du marché locatif actuel. Toutefois le chantier est colossal : 3,4 millions de locaux professionnels et 46 millions de locaux d’habitation.
C’est ainsi que la révision des locaux professionnels a été conçue comme un test avant son extension aux locaux habitation qui en reprend les grands principes (I).
Dans l’attente de la révision des locaux d’habitation, des dispositifs de neutralisation et d’atténuation des effets de la réforme ont été mis en place dans le cadre de la révision des locaux professionnels (II).
Ces mécanismes complexes devaient prendre fin en 2026 ; néanmoins cette option de la simplicité semble être compromise (III).
Les nouvelles méthodes d’évaluation révisées
Méthodes d’évaluation de la valeur locative des locaux professionnels appliquée à compter de 2017
a) La méthode tarifaire consiste en l’application à la surface pondérée des locaux d’un tarif représentatif du marché locatif. Chaque local est classé dans l’une des 38 catégories de typologie d’activité qui ont été créées pour tenir compte de l’utilisation et des caractéristiques physiques des locaux.
Des secteurs d’évaluation regroupent dans chaque département les communes ou parties de commune présentant un marché locatif homogène. Les tarifs ont été déterminés par m² à partir des loyers constatés dans chaque secteur d’évaluation pour chaque catégorie de propriété au 1er janvier 2013 (cette grille tarifaire est mise à jour annuellement).
Pour tenir compte de la situation particulière de la parcelle d’assise de la propriété au sein du secteur d’évaluation des coefficients de localisation de 1,3 à 0,7 peuvent venir majorer ou minorer le tarif.
La valeur locative révisée brute est obtenue en multipliant la surface pondérée du local par le tarif de la catégorie à laquelle il doit être rattaché dans le secteur locatif où il se situe, puis par le coefficient de localisation de la parcelle.
b) Lorsque la méthode tarifaire est inapplicable, les locaux professionnels doivent être évalués selon la méthode de l’appréciation directe. Celle-ci consiste en l’application d’un taux d’intérêt de 8 % à la valeur vénale de l’immeuble constatée au 1er janvier 2013 ou au 1er janvier de l’année de sa construction si elle est postérieure à 2013. Cette valeur vénale serait réduite de 50 % lorsque l’immeuble est affecté partiellement ou totalement à un service public ou reconnu d’intérêt général.
Méthodes d’évaluation de la valeur locative des locaux d’habitation applicables à compter de 2026
La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation prévue par la loi de finances pour 2020 (3) reprend l’architecture de la révision des locaux professionnels.
Ainsi, l’ensemble des propriétés à usage d’habitation vont être classées en quatre sous-groupes : les maisons individuelles, les appartements situés dans les immeubles collectifs, les dépendances isolées (piscines, …) et les locaux d’habitation présentant des caractéristiques exceptionnelles (châteaux…) ;
a) L’évaluation cadastrale des propriétés relevant des trois premiers sous-groupes repose sur une méthode tarifaire : elles seront classées en différentes catégories en fonction de leur superficie ou de leur utilisation. Les commissions départementales des valeurs locatives identifieront dans chaque département des secteurs d’évaluation. Elles détermineront des tarifs par m² à partir des loyers moyens constatés dans chaque secteur d’évaluation, par catégorie de propriétés, à la date de référence du 1er janvier 2023. Les tarifs pourront ensuite être personnalisés par application d’un coefficient de localisation.
b) Les locaux d’habitation à caractère exceptionnel seront évalués par voie d’appréciation directe, en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété telle que constatée au 1er janvier 2023 (ou au 1er janvier de l’année de création si elle est postérieure à cette date), si l’immeuble était libre de toute location ou occupation. À défaut, la valeur sera déterminée en ajoutant à la valeur vénale du terrain, constatée le 1er janvier 2023 par comparaison avec les transactions réalisées dans une zone similaire, la valeur de reconstruction de la propriété à la même date.
Les propriétaires bailleurs de locaux ordinaires et l’ensemble des propriétaires de locaux exceptionnels devront souscrire avant le 1er juillet 2023 une déclaration indiquant les informations requises sur la base de laquelle sera rédigé un rapport en 2024.
Les mécanismes d’accompagnement
Cette application de la révision en deux temps a dû s’articuler avec l’unicité du taux de taxe foncière pour l’ensemble des locaux quelle que soit leur affectation ainsi qu’avec le principe de neutralité de la réforme. La mise à jour initiale des seules bases foncières professionnelles ne pouvait être compensée par une baisse des taux d’imposition car elle aurait également bénéficié aux locaux d’habitation non encore révisés. La loi a donc prévu, s’agissant des locaux professionnels, trois mesures d’accompagnement de la révision.
Le coefficient de neutralisation résulte du principe de neutralité de la réforme qui suppose que les recettes issues de la fiscalité locale doivent être identiques au niveau de la collectivité avant ou après réforme. Ce coefficient de neutralisation est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d’une part, la somme des valeurs locatives non révisées des locaux professionnels au 1er janvier 2017 imposables au titre de cette année dans son ressort territorial et, d’autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces propriétés à la date de référence du 1er janvier 2013. Ce mécanisme devait s’appliquer jusqu’à ce que la réforme des évaluations foncières des locaux d’habitation entre en vigueur soit 2026.
Le mécanisme de « planchonnement » consiste à réduire de moitié l’écart entre les bases révisées 2017 (en taxe foncière et en CFE) et les bases théorique 2017 non révisées jusqu’en 2025.
Le mécanisme de lissage sur les années 2017 à 2025 des écarts constatés entre l’imposition 2017 théorique avant réforme et l’imposition 2017 après réforme.
Une lisibilité compromise
L’évolution de la valeur locative des locaux professionnels devait donc être prévisible sur une période de 10 ans au terme de laquelle la baisse des taux d’imposition applicables à l’ensemble des valeurs locatives uniformément révisées devait permettre de compenser la suppression de ces trois dispositifs.
Or l’article 146 susvisé prévoit que le rapport de 2024 proposera les modalités de mise en place et de sortie des dispositifs de neutralisation et d’atténuation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et d’habitation. On comprend ainsi que des dispositifs de neutralisation et d’atténuation seront également appliqués de manière transitoire aux locaux d’habitation et que, de fait, ceux des locaux professionnels devraient être prorogés ou aménagés.
1. Article 34 de la loi 2010-1658 du 29 décembre 2010.
2. Article 146 de la oi 2019-1479 du 28 décembre 2019.
3. Loi 2019-1479 du 28-12-2019 art. 146.