Par Elisabeth Ashworth, avocat associé, responsable des questions de TVA au sein du département de doctrine fiscale. elisabeth.ashworth@cms-bfl.com
Et Stéphanie Némarq, avocat en fiscalité. Elle intervient dans tous les domaines de la fiscalité des entreprises, notamment en matière immobilière. stephanie.nemarq@cms-bfl.com
L’une des questions dont se sont récemment emparés les pouvoirs publics, face à la croissance rapide de l’économie du partage, concerne l’égalité de traitement entre les acteurs de l’économie traditionnelle et les acteurs de l’économie collaborative, au regard des charges fiscales et sociales. S’agissant des contributions fiscales, le législateur a renforcé depuis le 1er janvier 2015 le droit de communication dont dispose l’administration fiscale pour recueillir auprès des entreprises des informations utiles à l’établissement de l’assiette, au contrôle et au recouvrement de l’impôt. Les plate-formes sont désormais tenues, sous peine d’amende, de communiquer à la demande de l’administration fiscale (et suivant des critères de ciblages fixés, par exemple, par référence au montant annuel des transactions) l’identité et le montant des transactions réalisées par des personnes qui, notamment, donnent des logements en location de courte durée.
Dans la loi de finances pour 2016, le législateur a souhaité mettre plus systématiquement à contribution ces plate-formes en créant de nouvelles obligations d’information envers leurs utilisateurs qui résident en France ou y réalisent des ventes ou des prestations de services. Pour les transactions réalisées à compter du 1er juillet 2016, les plate-formes collaboratives devront ainsi communiquer, en application du nouvel article 242 bis du CGI :
– à l’occasion de chaque transaction, des informations sur les obligations fiscales et sociales incombant aux utilisateurs (avec un lien électronique vers les sites des administrations compétentes) ; et
– en janvier de chaque année, un relevé des revenus bruts perçus en N-1.
Un certificat attestant du respect de ces obligations, délivré par un tiers indépendant, sera transmis à l’administration fiscale sous peine d’une amende de 10 000 euros.
Un décret devra préciser les modalités d’application de cette loi et en particulier la notion d’utilisateur, la prise en compte de situations très variées en termes d’activité (immobilier, transport de personnes, vente de biens, etc.), la forme de l’information transmise ainsi que l’identification du ou des tiers indépendants habilités à délivrer ladite certification.
C’est donc l’incitation au civisme fiscal et social des nouveaux acteurs économiques «collaboratifs» que ce dispositif entend promouvoir en obligeant les gestionnaires de plate-formes à fournir aux contribuables une information «loyale, claire et transparente», à charge pour ces derniers de remplir spontanément leurs obligations déclaratives en fonction de leur situation.
La contribution des gestionnaires de plate-formes à l’appréhension de l’assiette taxable qui transite par leur intermédiaire pourrait toutefois encore être renforcée à l’avenir.
Un rapport sur l’économie collaborative présenté le 9 février 2016 au Premier ministre par M. Pascal Terrasse, député, propose qu’à l’instar du dispositif prévu pour les salaires et les revenus de capitaux mobiliers, les plate-formes soient tenues de communiquer automatiquement à l’Administration le montant des revenus annuels tirés par les utilisateurs des opérations qu’ils réalisent par leur intermédiaire. Cette démarche permettrait, d’une part, aux administrations fiscales mais aussi sociales de mieux appréhender le revenu généré par ces nouvelles activités et, d’autre part, de simplifier les obligations des contribuables concernés si ces informations peuvent être pré-imprimées sur la déclaration de revenus comme le sont les salaires et les revenus de capitaux mobiliers.
En revanche, la piste d’une retenue à la source que le législateur a pourtant déjà retenue à l’égard des plate-formes pour la collecte de la taxe de séjour (loi de finances pour 2015, art. 67) ne paraît pas actuellement explorée s’agissant de la taxation des revenus tirés d’une activité réalisée par l’intermédiaire de
plate-formes collaboratives. En tout état de cause, rien ne paraît justifier que cette question devrait être abordée en dehors du cadre plus large de la feuille de route fixée par le Gouvernement pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à horizon 2018.
Enfin, quels que soient les moyens dont pourront disposer les administrations fiscale et sociale pour appréhender les revenus d’activités collaboratives, leur efficacité est fortement dépendante de la capacité qu’auront les pouvoirs publics à contraindre les plate-formes au respect de leurs nouvelles obligations, en particulier lorsqu’elles ne sont pas établies en France.