Actuellement, le droit français autorise un actionnaire détenant, seul ou de concert, au moins 95 % des droits de vote d’une société cotée sur Euronext Paris ou sur Euronext Growth, à mettre en œuvre une procédure de retrait obligatoire des actions détenues par les actionnaires minoritaires à l’issue d’une offre publique de retrait ou de toute autre offre publique lorsque les actions non détenues par l’actionnaire majoritaire, et les personnes agissant de concert avec lui, ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote.
Par Véronique Bruneau-Bayard, avocat en corporate/fusions & acquisitions. Elle intervient notamment en droit boursier et sur les sujets d’information réglementée (document de référence, rapport du Conseil, etc.), de gouvernance (organisation et structuration, évaluation du Conseil, etc.) et d’éthique et compliance. veronique.bruneau-bayard@cms-fl.com et François de Gabrielli, avocat counsel en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient notamment auprès de sociétés cotées et non cotées dans le cadre d’opérations, tant nationales qu’internationales, de fusion-acquisition, de droit boursier, de transmissions d’entreprises familiales et de restructurations intra-groupe. francois.degabrielli@cms-fl.com
Il ressort de notre expérience que ce seuil de 95 % peut parfois s’avérer difficile à atteindre compte tenu notamment de l’existence d’actions indisponibles (options de souscription, actions de performance, etc.). Il existe toutefois des solutions pratiques pour préserver ces dernières.
La directive OPA du 21 avril 2004 a fixé à 90 % du capital et des droits de vote le seuil à partir duquel une procédure de retrait obligatoire peut être mise en œuvre à l’issue d’une offre portant sur la totalité des actions d’un émetteur coté mais a laissé aux Etats membres la latitude de fixer un seuil plus élevé, pour autant qu’il ne dépasse pas 95 % du capital et des droits de vote. Actuellement, la plupart des Etats membres de l’Union européenne ont retenu ce seuil de 90 % à l’exception de l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France qui ont retenu un seuil de 95 % du capital et des droits de vote.
Afin de rendre plus attractives les introductions en bourse, en facilitant les possibilités ultérieures de retrait, le projet de loi PACTE1 prévoit, comme le permet la directive OPA, que l’actionnaire d’une société cotée sur Euronext Paris pourra, à l’issue de toute offre publique, dans un délai de trois mois à compter de la clôture de l’offre, mettre en œuvre une procédure de retrait obligatoire des titres non présentés à l’offre par les minoritaires lorsque les actions non détenues par l’actionnaire majoritaire et les personnes agissant de concert avec lui ne représentent pas plus de 10 % du capital et des droits de vote. Comme précédemment, l’indemnisation des actionnaires minoritaires sera égale au prix de la dernière offre ou, le cas échéant, d’une évaluation sur la base d’une approche multicritère avec l’intervention d’un expert indépendant.
Corrélativement, le projet de loi PACTE prévoit d’abaisser à 90 % des droits de vote le seuil à partir duquel une offre publique de retrait pourrait être mise en œuvre à la demande d’un minoritaire ou à l’initiative du principal actionnaire.
Ces nouvelles dispositions visent à faciliter les conditions de sortie de la cote tout en renforçant la protection des actionnaires minoritaires et des investisseurs en leur permettant de demander à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de requérir du ou des actionnaires majoritaires la mise en œuvre d’une offre publique de retrait s’ils détiennent 90 % ou plus des droits de vote. En effet, il a été constaté une baisse des introductions en bourse au cours des dernières années qui s’expliquerait notamment par le seuil restrictif des 95 %.
Il est probable qu’Euronext demandera à l’AMF l’application de ces nouvelles règles aux sociétés cotées sur Euronext Growth. Se posera en revanche la question du maintien de l’actuelle procédure de demande de radiation des négociations d’instruments financiers à l’initiative d’un émetteur détenant plus de 90 % des droits de vote. En effet, à la suite de la réforme projetée, cette procédure présenterait moins d’utilité.
Si ce projet de loi est adopté en 2019, certains émetteurs, dont les titres cotés sont peu liquides et qui ne font pas appel au marché, pourraient saisir cette opportunité pour sortir de la cote et se libérer ainsi des coûts et des contraintes d’une cotation.
1. Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.