La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2021

La délicate couverture des risques pénaux par les garanties de passif

Publié le 8 octobre 2021 à 16h16

Le principe de personnalité des peines s’oppose à ce qu’une personne soit indemnisée des conséquences de sa propre responsabilité pénale. Les risques de nature pénale ne peuvent ainsi être couverts par une garantie donnant lieu à indemnisation entre les mains de la cible. En revanche, rien ne s’oppose à ce que les risques de nature pénale au niveau de la cible donnent lieu à une indemnisation entre les mains de l’acquéreur.

Par Benoît Gomel, avocat counsel en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient dans le cadre d’opérations de fusion-acquisition de sociétés, de capital-investissement, de restructuration et de private equity. benoit.gomel@cms-fl.com

« Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait »

Depuis l’introduction en droit français du principe de responsabilité pénale des personnes morales, le risque de condamnation pénale est venu compléter la palette des risques pouvant naître à l’occasion de l’exploitation d’une société. Dans le contexte d’une opération d’acquisition ou de cession de société, la question de la couverture de ces risques par une garantie de passif se pose donc avec acuité, compte tenu du montant potentiellement élevé des condamnations éventuelles. Certains acquéreurs, notamment étrangers attachent une importance toute particulière à cette matière et à ses conséquences, qui doivent donc être examinées à l’occasion de la discussion d’une convention de garantie. 

La question de la couverture du risque pénale par une garantie de passif se heurte cependant au principe d’ordre public de personnalité des peines, posé à l’article 121-1 du Code pénal qui dispose que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Il en effet traditionnellement jugé que le risque pénal n’est pas assurable1 et ne peut pas plus être garanti2.

Pour autant, l’essentiel des garanties de passif prend la forme d’une réduction de prix, notamment pour des motifs d’ordre fiscal. Or, une garantie par voie de réduction de prix conduisant à indemniser l’acquéreur et non la société cible, ne heurte pas le principe de responsabilité des peines puisque ce n’est pas l’entité condamnée qui perçoit l’indemnisation. 

Risques pénaux et garantie

Les risques de nature pénale peuvent ainsi être couverts par une garantie sous réserve que le bénéficiaire en soit uniquement l’acquéreur et non la cible.

Cette question est d’autant plus importante que les risques de nature pénale sont de natures diverses et peuvent avoir des montants significatifs. Ces risques peuvent par exemple découler de condamnations en matière fiscale, sociale, de concurrence (le montant d’une condamnation au titre d’une entente anti-concurrentielle peut être considérable), en matière de RGPD, en matière de compliance, etc. Le sujet est d’autant plus important qu’un arrêt récent de la Chambre criminelle de la Cour de cassation3 consacre le principe de transmissibilité des passifs de nature pénale dans le cadre de fusion absorption, validant au passage la possibilité de les garantir conventionnellement.

Ceci étant acté, la question se pose maintenant de la détermination du montant de l’indemnisation. Si le sujet ne semble pas très délicat en présence d’une amende dont le montant est monétaire, il n’en va pas de même en présence d’autres types de condamnations, comme des affichages de sanctions, des cessations d’activités, des fermetures d’établissement, etc. dont le préjudice n’est pas évident à évaluer. 

Les risques de nature pénale peuvent aussi rendre nécessaire une adaptation des limitations économiques et temporelles de la garantie. Ainsi, la durée de prescription en matière pénale, qui est généralement plus longue que la durée usuelle des garanties, pourra rendre nécessaire une adaptation de cette durée. De même, les condamnations pénales pouvant prendre une ampleur très importante, la question d’un plafond spécifique ou d’une exception au plafond pourra se poser.

1. Cass. civ., 21 juin 1960, RGAT 1961, p 53.

2. Cass. civ., 20 février 1882, DP 1882.1.232.

3. Cass. crim., 25 novembre 2020, n°18-86.955 FS-PBI : BRDA 24/20 inf. 24.

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