La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2021

« Management packages » : le Conseil d’Etat se prononce sur leurs modalités d’imposition

Publié le 8 octobre 2021 à 16h16

Par Matias Labé, avocat associé en fiscalité. Il intervient dans le cadre d’opérations transactionnelles et accompagne notamment les acteurs du private equity concernant les aspects fiscaux de leurs structurations d’investissement. matias.labe@cms-fl.com

Par trois décisions rendues le 13 juillet dernier1, le Conseil d’Etat, en formation plénière, s’est prononcé sur le traitement fiscal de gains issus de certains schémas de « management package » et provenant, pour deux des affaires, de la cession de bons de souscription d’actions (BSA) et, pour la troisième, de la cession d’actions issues de l’exercice d’options. Dans ces dossiers, l’administration fiscale avait remis en cause le traitement des plus-values sur titres initialement appliqué par le cédant pour y substituer celui des salaires.

Dans ses arrêts, le Conseil d’Etat distingue les gains susceptibles d’être réalisés lors des étapes successives du « management package ». 

Le Conseil d’Etat traite tout d’abord de l’acquisition ou la souscription d’option d’achat ou de BSA en indiquant que si une telle opération est réalisée sur la base d’un prix préférentiel au regard de la valeur réelle de l’option ou du bon à la date de son acquisition ou souscription, cela est de nature à révéler l’existence d’un avantage à concurrence de la différence entre le prix acquitté et cette valeur. Lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice de fonctions de dirigeant ou de salarié, un tel avantage est alors imposable, au titre de l’année d’acquisition ou de souscription des options ou BSA, dans la catégorie des salaires. 

Quels sont les différents gains réalisés ?

C’est ensuite le gain réalisé lors de l’exercice des options2 ou bons, lors de la cession des titres issus des options ou lors de la cession des BSA, qu’examine le Conseil d’Etat, après avoir clairement souligné l’absence de lien entre la nature de ce gain ultérieur et le caractère préférentiel (le cas échéant) du prix d’acquisition/souscription des bons ou options. 

– Concernant le gain d’exercice correspondant à la différence entre la valeur réelle des actions à la date de levée d’option ou d’exercice du bon et le prix d’achat3, il constitue un gain réalisé dès la levée de l’option et taxable suivant les règles des salaires s’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice d’une fonction de dirigeant ou de salarié4. On notera que dans l’affaire concernée5, le Conseil d’Etat annule l’arrêt d’appel qui, pour écarter la qualification de salaires, avait relevé que le cédant supportait un risque de perte à raison de l’indemnité d’immobilisation de 15 000 euros qu’il avait versée. 

– Concernant les gains nets de cession de BSA6, il est rappelé qu’ils sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de titres, y compris lorsque les bons ont été acquis ou souscrits auprès d’une société dont le contribuable était dirigeant ou salarié, ou auprès d’une société du même groupe. Mais le juge de cassation ajoute qu’il en va autrement lorsque, eu égard aux conditions de sa réalisation, le gain doit être regardé comme acquis en contrepartie de fonctions de salarié ou de dirigeant : il constitue alors un revenu imposable dans la catégorie des salaires. Dans l’une des affaires7, le Conseil d’Etat s’est notamment fondé, pour valider ce traitement, sur les termes du contrat de souscription des bons qui faisaient ressortir que les BSA étaient le support d’un mécanisme de partage de plus-value. Dans l’autre affaire8, l’arrêt précise que la qualification de plus-value sur titres doit être écartée lorsque le cédant bénéficie d’un mécanisme lui garantissant le prix de cession de ses bons dans des conditions constituant une contrepartie de l’exercice de ses fonctions de dirigeant ou salarié.  

Ces décisions permettent, dans une certaine mesure, d’appréhender de manière plus claire la méthode de qualification des gains réalisés dans des situations telles que celles qui étaient soumises au Conseil d’Etat. Mais elles laissent aussi posées des questions au premier rang desquelles figure celle de leur portée au sujet des « management packages » structurés de manière différente. Concernant les situations soumises au Conseil d’Etat, deux des affaires font l’objet d’un renvoi en appel et on surveillera avec attention l’application concrète qui sera faite par les cours de la grille d’analyse ainsi fixée par la Haute juridiction.  

1. CE Plén. 13 juillet 2021, n°428506, 435452, et 437498.

2. Hors, comme le spécifie bien le Conseil d’Etat, régime des stock-options tel que prévu par les articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce.

3. Majoré le cas échéant, comme le précise le Conseil d’Etat, du montant acquitté pour acquérir l’option ainsi que de l’avantage éventuellement imposé au titre du caractère préférentiel du prix d’acquisition/souscription.

4. Le Conseil d’Etat mentionne que lorsque l’action est cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n’a pas évolué depuis la levée d’option, l’administration est fondée à imposer l’intégralité de l’écart entre le prix de cession et le prix d’achat dans la catégorie des salaires.

5. N°428506.

6. Tenant compte, indique le Conseil d’Etat, de l’avantage ayant été éventuellement imposé au titre du caractère préférentiel du prix d’acquisition/souscription.

7. N° 435452.

8. N°437498.

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