Dans les sociétés anonymes, les administrateurs sont responsables, individuellement ou solidairement, envers la société ou les tiers, des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires applicables aux sociétés anonymes, des violations des statuts ou des fautes commises dans leur gestion (article L.225-251 du Code de commerce).
S’il est légalement possible d’engager la responsabilité des administrateurs, il est difficile de connaitre la fréquence de cette mise en cause car ce sujet fait l’objet de peu de publicité, même si, dans le cadre de sociétés cotées, la responsabilité des administrateurs est de plus en plus souvent évoquée et médiatisée.
Quand la responsabilité des administrateurs est engagée
Ainsi, en septembre 2018, à la suite de la proposition de rachat du réassureur Scor par l’assureur Covéa, en rejetant l’offre, le PDG de Scor reprochait à celui de Covéa, dont la société est actionnaire de Scor à hauteur de 8 %, d’avoir profité de sa qualité d’administrateur et d’avoir utilisé des informations confidentielles. En novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris jugeait que le PDG de Covéa avait violé ses obligations légales et fiduciaires d’administrateur en transmettant à sa société des documents confidentiels de Scor afin de favoriser la mise en-œuvre par Covéa d’un projet non sollicité de prise de contrôle. Il avait engagé sa responsabilité en violant les engagements qu’il avait contractés à titre personnel en tant qu’administrateur en matière de conflit d’intérêts, confidentialité et loyauté.
Quelques mois plus tard, dans le cadre de la bataille que se livraient Suez et Veolia, le conseil d’administration de Suez décidait, afin de contrer le projet de rachat de Veolia, d’isoler l’activité Eau France dans une Fondation aux Pays-Bas, ce qui rendait Suez Eau France incessible pour quatre ans. Le PDG de Veolia déclarait alors vouloir adresser à chaque administrateur une mise en demeure, afin qu’il indique le sens de son vote, et qu’il déclencherait ensuite une action en responsabilité contre les administrateurs ayant voté favorablement, afin de leur réclamer le paiement solidaire de la réparation du préjudice financier lié à l’irréversibilité de la fondation. Quelques mois après, à la suite de rumeurs de cession, le PDG de Veolia annonçait qu’il n’hésiterait pas à mettre en cause la responsabilité individuelle des administrateurs de Suez en cas de cession d’actifs stratégiques qui aboutiraient à un appauvrissement de la société, invoquant la défense de l’intérêt social de la société et des parties prenantes.
Quel rôle pour les actionnaires ?
En mars dernier, sous la pression de certains actionnaires, le PDG de Danone renonçait à son poste de directeur général avant d’être, quelques jours plus tard, évincé de la Présidence du Conseil. Sans aller jusqu’à évoquer une éventuelle mise en cause de la responsabilité des administrateurs, préalablement à l’assemblée générale, un groupe d’actionnaires demandait l’inscription à l’ordre du jour d’un point demandant à chaque administrateur de présenter aux actionnaires sa vision stratégique, sa position sur le maintien du statut d’entreprise à mission, son approche des sujets environnementaux, son opinion sur la gouvernance de la société et la séparation des pouvoirs de direction. En réponse, le conseil a rappelé qu’il est un organe collégial ce qui fait obstacle à toute prise de position individuelle publique.
Afin de se prémunir contre toute action de mise en cause de sa responsabilité, lorsqu’un administrateur est en désaccord avec une décision prise par le conseil, il doit veiller à pouvoir démontrer qu’il s’est comporté en administrateur prudent et diligent, notamment en s’opposant à cette décision et en demandant que ceci figure expressément au procès-verbal.