Il arrive fréquemment que les parties à un contrat de cession d’actions insèrent une clause de non-concurrence permettant de protéger l’acquéreur contre la concurrence du vendeur postérieurement à la réalisation de la cession.
Par Virginie Coursière-Pluntz, avocat counsel en droit de la concurrence et droit européen. Elle intervient tant en matière de conseil que de contentieux, plus particulièrement en accompagnement de dossiers transactionnels et/ou internationaux ainsi que sur les impacts concurrentiels de l’activité des organismes publics. virginie.coursiere-pluntz@cms-bfl.com
Le droit de la concurrence ne trouve, en principe, rien à redire à ce type de clauses, qui sont destinées à protéger la valeur des actifs cédés, pour autant qu’elles soient directement liées et nécessaires à la réalisation de l’opération et qu’elles soient limitées dans le temps et dans l’espace. La philosophie de ces clauses conduit, en outre, à en restreindre le bénéfice au seul acquéreur.
Une clause de non-concurrence qui ne respecte pas ces conditions est susceptible d’être considérée comme emportant un partage illégal de marchés, passible des sanctions applicables aux ententes anticoncurrentielles. Au cas d’espèce, c’est une amende de près de 80 millions d’euros qui avait été infligée par la Commission européenne aux opérateurs historiques de télécommunications espagnol et portugais, pour l’insertion d’une telle clause dans un contrat de cession portant sur les actions détenues par Portugal Telecom dans un opérateur de télécommunications brésilien.
La clause litigieuse, pourtant supprimée par les parties au cours de la procédure, prévoyait que «dans la mesure autorisée par la loi, chaque partie s’abstiendra[it] de participer ou d’investir, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de toute filiale, dans tout projet relevant du secteur des télécommunications […] susceptible d’être en concurrence avec l’autre partie sur le marché ibérique […]».
Aucun des arguments avancés par les parties pour justifier la clause n’a été retenu par la Commission ou par le Tribunal de l’Union européenne en appel. En effet :
– une clause de non-concurrence portant sur le marché ibérique n’était manifestement pas directement liée et nécessaire à une opération concernant le marché brésilien ;
– le fait pour les parties d’avoir conditionné l’application de la clause à sa légalité («dans la mesure autorisée par la loi») était insuffisant pour «racheter» la clause ;
– la clause constituait en elle-même une reconnaissance du fait qu’il existait entre les parties une concurrence (à tout le moins potentielle) susceptible d’être restreinte ;
– les pressions qu’aurait exercées le gouvernement portugais pour insérer cette clause n’étaient pas démontrées.
(Tribunal de l’Union européenne, 28 juin 2016, Portugal Telecom et Telefonica c/ Commission européenne, aff. jtes T-208/13 et T-216/13).