La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2018

Le changement en matière de déclaration de dispositifs transfrontières, c’est maintenant !

Publié le 28 septembre 2018 à 10h23

Thierry Granier

Par définition, les opérations d’acquisition, de réorganisation ou de financement réalisées dans un contexte international entraînent normalement des échanges de flux transfrontières. Or, depuis l’adoption de la directive 2018/822 par le Conseil de l’Union européenne, qui est venue modifier la directive 2011/16/EU relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, il convient d’être désormais extrêmement vigilant sur les obligations qui pourraient peser sur les acteurs qui interviennent dans la cadre de telles opérations.

Par Thierry Granier, avocat associé en fiscalité. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition. Il assiste plusieurs fonds d’investissement et établissements financiers dans leurs opérations à dimension internationale. thierry.granier@cms-fl.com 

Dans un souci officiel de vouloir instaurer une meilleure transparence fiscale au niveau de l’Union, le Conseil a en effet introduit une nouvelle obligation de déclaration à la charge des entreprises et des «conseils fiscaux». Ceux-ci doivent désormais divulguer aux administrations fiscales les «dispositifs transfrontières» qui présentent un risque potentiel d’évasion fiscale. Plusieurs questions se posent à cet égard.

Quelle application dans le temps ?

La date d’entrée en vigueur officielle de la directive est le 25 juin 2018. Il convient de préciser que, même si la date butoir pour la transposition en droit interne de cette directive est le 31 décembre 2019, il est prévu que les entreprises ou les conseils devront déclarer, au plus tard le 31 août 2020, les dispositifs transfrontières dont la première étape a été mise en oeuvre depuis le 25 juin 2018. Il est donc permis de considérer que la mesure est effective dès maintenant.

Quel dispositif transfrontière doit être déclaré ?

Les dispositifs transfrontières doivent être envisagés à l’aune d’une liste d’opérations possibles contenue à l’annexe IV de la directive. Ainsi, le texte de la directive ne donne pas de définition précise de ces dispositifs transfrontières mais se contente, au travers de cette liste, de fixer «les marqueurs» qui font rentrer certains dispositifs transfrontières dans le champ des opérations déclarables. Parmi ces marqueurs, certains sont liés à un critère d’«avantage principal». La directive prévoit en effet que ce critère «sera rempli s’il peut être établi que l’avantage principal ou l’un des avantages principaux qu’une personne peut raisonnablement s’attendre à retirer d’un dispositif […] est l’obtention d’un avantage fiscal». Il est alors fait une distinction entre des marqueurs généraux liés au critère de l’avantage principal (par exemple, présence d’une clause de confidentialité interdisant au contribuable de divulguer aux autorités fiscales la façon dont le dispositif pourrait procurer un avantage fiscal) et des marqueurs spécifiques (ainsi un dispositif qui aurait pour effet de convertir des revenus en capital).

Il existe par ailleurs d’autres catégories de marqueurs spécifiques. Nous citerons notamment ceux liés aux opérations transfrontières réalisées entre entreprises liées lorsque, par exemple, le bénéficiaire de paiements ne réside, à des fins fiscales, dans aucune juridiction fiscale ou, encore, lorsque des déductions sont demandées dans au moins deux juridictions à raison de l’amortissement d’un même actif. Il existe également des marqueurs spécifiques concernant les prix de transfert, l’échange automatique d’informations ou encore les bénéficiaires effectifs.

Qui doit déclarer ?

La directive prévoit que l’obligation de déclaration pèse en priorité sur les intermédiaires qui conçoivent ou commercialisent un dispositif transfrontière, le met à disposition ou veille à sa mise en œuvre. Les professions soumises au secret professionnel (par exemple, les avocat français) devraient en principe être dispensées de l’obligation déclarative mais ces professions soumises au secret sont tout de même tenues de notifier à tout autre intermédiaire ou au contribuable concerné les obligations de déclaration qui leur incombent.


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