La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2018

Les entreprises en difficulté

Publié le 28 septembre 2018 à 10h23

Pierre Bonneau

«Attendu [qu’] il est raisonnablement inenvisageable qu’un établissement de restauration fast-food désormais dépourvu de son enseigne McDonald’s et de tout autre enseigne connue et désormais destiné à la vente d’une nourriture pour le moins particulièrement singulière (halal asiatique) puisse économiquement prospérer à brève ou moyenne échéance en conservant ses salariés […]». Redoutable office de la formation des référés du tribunal de grande instance de Marseille qui, après une telle constatation notamment, a accepté au mois de septembre 2018 de bloquer la cession d’une société franchisée de la célèbre marque américaine !

Pierre Bonneau, avocat associé.

Cette mésaventure illustre les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les praticiens des cessions d’entreprises lorsque celles-ci sont en difficulté : faut-il leur donner une seconde chance permettant de préserver tout ou partie des emplois, par exemple en s’orientant vers les procédures amiables de traitement des difficultés qui sont de plus en plus utilisées ? Doit-on au contraire tirer les conséquences de leurs échecs en procédant à leur fermeture ?

L’arbitrage est d’autant plus délicat qu’il doit intégrer de nombreux paramètres - financiers, juridiques ou encore sociaux – dont la conciliation peut s’avérer d’une grande complexité.

Paramètres financiers tout d’abord lorsque se pose la question de la reconstitution des capitaux propres et que des choix doivent être opérés entre une augmentation du capital social, un abandon de créance ou encore le versement d’une subvention.

Paramètres juridiques ensuite lorsque l’opération peut conduire à l’engagement de la responsabilité personnelle du dirigeant, la frontière étant particulièrement ténue entre la «simple négligence» - qui participe du droit à l’échec des entrepreneurs - et la «faute de gestion» susceptible d’être sanctionnée.

Sur le plan juridique toujours, la réflexion peut également devoir intégrer des sujets aussi complexes que le sort des contrats de licence de droits de propriété intellectuelle ou encore le droit des concentrations, dont l’harmonisation avec le droit des entreprises en difficultés est encore balbutiante.

Le droit social enfin dont l’emprise sur les opérations de cession d’entreprises ne cesse de croître comme l’illustre l’exemple ci-dessus de la reprise actuellement compromise d’une entreprise franchisée. Les difficultés dans cette matière peuvent ainsi survenir tant en amont de ces opérations, au stade des procédures d’information-consultation des institutions représentatives du personnel, que postérieurement à celles-ci, notamment sous la forme d’un engagement de la responsabilité de la société mère cédante (opportunément sollicitée consécutivement à la défaillance de l’entreprise cédée).

La jurisprudence s’est fortement enrichie ces derniers mois sur ces différents sujets et il importe de bien mesurer les risques et précautions à prendre dans ce domaine à la complexité croissante.

Ce tableau des obstacles ne doit cependant rien avoir de décourageant. Les contraintes techniques sont faites pour être surmontées, pourvu bien sûr qu’elles soient connues et donc prévenues.

Puisse la présente lettre humblement contribuer à cet éclairage !


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