La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Octobre 2018

Obligations documentaires en matière de prix de transfert : une portée parfois négligée

Publié le 28 septembre 2018 à 10h23

Johann Roc’h et Thierry Viu

Dans les groupes sous Leverage Buy-Out (LBO), la gestion des obligations documentaires en matière de prix de transfert est généralement assez bien maîtrisée, pour autant qu’elle porte sur des flux intra-groupe «traditionnels» (vente de marchandises, prestations de services, propriété industrielle, par exemple).

Par Johann Roc’h, avocat associé en fiscalité. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte international. Il intervient également en matière de fiscalité des entreprises pour une clientèle de groupes internationaux. johann.roch@cms-fl.com et Thierry Viu, fiscaliste. Ancien chef du bureau des affaires internationales au sein du service du contrôle fiscal de la Direction générale des finances, il intervient plus particulièrement dans le cadre d’affaires relatives à la mise en place et à la gestion d’opérations à l’international. thierry.viu@cms-fl.com

En revanche, cette documentation peut présenter des carences en ce qui concerne les flux financiers. Or, la documentation sur les prix de transfert, mise en place en France en 2009, a pour objet de permettre à l’Administration, dans le cadre d’un contrôle sur place, de vérifier la conformité de toutes les transactions intra-groupe, indépendamment de leur nature, au principe de pleine concurrence.

Cette documentation, qui avait déjà été complétée en 2013 par la déclaration annuelle sur la politique de prix de transfert (déclaration n° 2257), a été intégralement refondue à compter de 2018 et les textes d’application ont été publiés cet été. Cette nouvelle documentation sur les prix de transfert, alignée dorénavant sur le standard élaboré dans le cadre du projet Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) à l’OCDE, a principalement été conçue afin de faciliter le travail des services de contrôle puisqu’elle est entièrement dématérialisée et comporte, s’agissant notamment des informations du fichier local relatives à l’entreprise vérifiée, de nombreux tableaux, qui sont articulés avec ceux déjà contenus dans la déclaration annuelle sur la politique de prix de transfert. Dans le cadre de la mise à jour de leur documentation, les groupes pourront utilement s’assurer qu’aucun sujet n’a été négligé au regard de l’obligation documentaire.

A cet égard, il convient de tordre le cou et ce, définitivement, à une idée reçue selon laquelle ces obligations documentaires ne seraient réservées qu’aux seuls secteurs de l’industrie ou de la vente de biens et de services. Ces obligations concernent bien tous les secteurs ainsi que tous les types de transactions intra-groupe, en ce compris les transactions financières telles que les financements d’acquisition par exemple.

Ainsi, dans le cas d’un groupe sous LBO, il suffit que, dans la chaîne capitalistique, une entité satisfasse aux critères financiers prévus par la loi1 pour que l’ensemble des flux financiers intra-groupe (c’est à-dire le plus souvent les flux d’intérêts) et non pas seulement les flux «traditionnels», soient dans le champ de la documentation sur les prix de transfert. En pratique, il n’est souvent pas aisé pour les groupes qui ne satisfont pas par eux-mêmes aux critères financiers de la documentation d’avoir accès aux données financières afférentes aux entités interposées à l’étranger entre le fonds et le groupe pour vérifier si ces seuils financiers sont ou non réellement atteints. Or, l’administration fiscale a bien identifié ce sujet et n’hésite pas à recourir à la procédure d’assistance administrative internationale au début du contrôle afin d’obtenir les données pertinentes auprès des administrations fiscales étrangères.

Il est alors souvent très difficile de devoir justifier rétrospectivement sur plusieurs années de la politique de prix de transfert appliquée sur les flux financiers intra-groupe. La nouvelle documentation devrait en outre, compte tenu notamment des exigences de démonstration qu’elle comporte, rendre un tel exercice encore plus ardu. Les groupes sous LBO auront donc tout intérêt à vérifier s’ils sont ou non tenus à l’élaboration de la documentation sur les prix de transfert et ce, sans attendre un contrôle, lequel peut souvent s’avérer très chronophage pour les services comptables et fiscaux des entreprises lorsque les informations devant être présentées ne sont pas immédiatement disponibles.

1. A savoir 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou d’actif brut s’agissant de la déclaration annuelle n° 2257 ou 400 millions d’euros de chiffre d’affaires ou d’actif brut s’agissant de l’obligation documentaire.


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