C’est dans un contexte tendu que Christine Lagarde s’apprête à prendre les rênes de la Banque centrale européenne. La politique monétaire montre en effet des signes manifestes d’essoufflement. Face à une croissance qui ralentit malgré des taux négatifs, les débats font rage, tant en ce qui concerne l’opportunité de conserver la cible d’inflation que sur les solutions de relais à mettre en place. De quoi compliquer les premiers pas de la nouvelle présidente à Francfort.
Une nouvelle page, et non des moindres, s’apprête à se tourner dans l’histoire de la Banque centrale européenne (BCE). Premier président à ne pas avoir relevé les taux directeurs de l’institution durant ses huit années de mandat, et premier également à avoir fait entrer cette dernière dans l’ère des politiques monétaires non conventionnelles (taux négatifs, rachat d’actifs sur les marchés…), Mario Draghi cédera son fauteuil ce vendredi 1er novembre à Christine Lagarde. Bien que la nomination de l’ancienne directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) ait été accueillie très favorablement par la communauté financière dans son ensemble, le passage de relais n’intervient pas dans les meilleures conditions qui soient. En effet, la BCE a connu ces dernières semaines un quasi-début d’insurrection ! Outre la démission surprise d’une membre du directoire fin septembre, l’Allemande Sabine Lautenschläger, plusieurs gouverneurs de banques centrales nationales (Allemagne, Pays-Bas…) ont publié sur le site de leur institution des communiqués afin d’exprimer leur profond désaccord avec la politique poursuivie par Mario Draghi. La fronde a même gagné des partisans traditionnels de Mario Draghi, comme le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Du jamais vu !
«Des recommandations émanant de comités internes de la BCE, pourtant destinées à rester confidentielles, ont également fait l’objet de “fuites”, renforçant le caractère spectaculaire de la fronde», observe Bastien Drut, stratégiste senior chez CPR AM et coauteur du livre Comment les années Draghi ont changé la Banque centrale européenne (Bréal, 2019).