Grand Débat Taux d’intérêt et marchés obligataires

Face à l’incertitude, la flexibilité s’impose dans les portefeuilles

Publié le 20 septembre 2024 à 15h00

Sandra Sebag    Temps de lecture 36 minutes

Depuis le début de l’année, les anticipations en matière d’évolution de taux d’intérêt ont fortement varié. Après avoir prévu en début d’année que la Banque centrale américaine (Fed) allait diminuer six fois ses taux directeurs en 2024, le consensus est passé à une baisse au printemps puis actuellement à quatre ! Les indicateurs macroéconomiques semblent en effet difficiles à lire en particulier l’évolution du marché du travail. De leurs côtés, les gérants comme les institutionnels conviés au Grand Débat d’Option Finance sont plus mesurés que le marché en matière de baisse de taux d’intérêt et soulignent les contradictions entre les grandes variables macroéconomiques. Pour autant, ils sont relativement positifs sur le potentiel des marchés obligataires. Les institutionnels se félicitent en effet de pouvoir enfin bénéficier de rendements sur une classe d’actifs qui occupent l’essentiel de leur portefeuille tandis que les gérants misent plus massivement sur les obligations dans la mesure où les corrélations entre les grandes classes d’actifs reviennent à la normale (c’est-à-dire sont négatives). Par conséquent, si les actions baissent, les obligations peuvent jouer un rôle d’amortisseur. La volatilité enregistrée sur les marchés obligataires depuis le début de l’année les conduit par ailleurs à être très flexibles dans leurs allocations. Une aubaine pour les gestions actives.

Les intervenants :

  • Emmanuel Petit, associé-gérant et responsable de la gestion obligataire de Rothschild & Co Asset Management
  • Anne Beaudu, gérante senior en obligations internationales dans l’équipe global fixed income chez Amundi
  • Nicolas Leprince, gérant-analyste au sein de l’équipe multi-assets & overlay chez Edmond de Rothschild Asset Management 
  • Pierrick Louis, allocataire d’actifs au Crédit Agricole Assurances
  • Alexandre Caminade, directeur core fixed income & liquid alternatives chez Ostrum AM

Photos : ©Esther Baron sauf  Emmanuel Peitit (©DR)

Comment interprétez-vous la conjoncture macroéconomique ?

Emmanuel Petit, associé-gérant et responsable de la gestion obligataire de Rothschild & Co Asset Management : En Europe et aux Etats-Unis, la configuration est assez proche : les indicateurs avancés se dégradent et pourtant la croissance reste encore positive. L’interprétation de cette configuration est complexe. Aux Etats-Unis, l’inflation des services est assez stable, celle sur les biens est en baisse, mais il existe des risques de résurgence de l’inflation liée à la politique notamment si les Républicains sont élus lors des prochaines élections présidentielles au mois de novembre. De même, les conflits géopolitiques peuvent conduire à un renchérissement des biens et des matières premières importées, le coût du fret se tend déjà actuellement, ce qui peut peser à terme sur l’inflation. Il faut ainsi rester prudent. En Europe, le ralentissement est moins notable qu’aux Etats-Unis, mais nous partons d’un niveau de croissance plus bas et le chômage s’est stabilisé à un niveau bas inédit. Ces évolutions contradictoires avec le resserrement de la politique monétaire ont créé une forte volatilité sur les marchés financiers et en particulier sur les taux d’intérêt. Les anticipations des marchés financiers ont dû s’adapter, voire changer de cap, au fur et à mesure de la publication des données économiques.

Anne Beaudu, gérante senior en obligations internationales dans l’équipe global fixed income chez Amundi : Les marchés financiers ont changé de perspectives cet été. Ils sont passés de la crainte d’une inflation persistante à la peur d’un ralentissement prononcé de la croissance aux Etats-Unis. Une série de chiffres décevants, en particulier sur le marché du travail, ont en effet été publiés de l’autre côté de l’Atlantique. En parallèle, les chiffres en matière d’inflation ont été rassurants, celle-ci régresse. Cette conjonction ouvre la possibilité aux banques centrales (en Europe et aux Etats-Unis) d’agir. De notre point de vue, les chiffres publiés ne démontrent pas qu’il y a une récession. Nous avons donc conservé notre scénario principal considérant qu’il y aura un atterrissage en douceur de l’économie américaine en opposition avec les craintes des marchés financiers. Nous anticipons une croissance du PIB de 2,5 % cette année aux Etats-Unis, de 1,9 % en 2025. Des niveaux proches du potentiel de long terme. Dans la zone euro, la situation est très différente d’un pays à l’autre. « L’homme malade » de la zone euro est l’Allemagne car l’industrie est le secteur le plus touché par le ralentissement en Chine. L’Allemagne est ainsi proche de la récession. En revanche, les pays de l’Europe du Sud sont davantage spécialisés dans les services et résistent mieux dans ce contexte. Pour finir, nous prévoyons 0,8 % de croissance en zone euro cette année et 1,2 % l’an prochain, nous anticipons donc une légère accélération qui pourrait provenir de la baisse de l’inflation (qui est positive pour les ménages) et de la baisse des taux d’intérêt. Nous savons en effet que les entreprises de la zone euro se financent davantage via le secteur bancaire que via les marchés financiers (situation inverse aux Etats-Unis) et sont à ce titre plus sensibles à l’évolution des politiques des banques centrales.

Nicolas Leprince, gérant-analyste au sein de l’équipe multi-assets & overlay chez Edmond de Rothschild Asset Management : Nous sommes d’accord sur la situation de l’Allemagne. Considérant le consensus des économistes, c’est un léger rebond de la conjoncture allemande en 2025 qui permet à la zone euro d’accélérer. Pourtant, l’attentisme politique en Allemagne avant les futures élections générales de l’automne 2025 ne devrait pas permettre de mettre en œuvre une relance budgétaire. Les liens étroits de l’Allemagne avec l’économie chinoise, qui ne s’améliore pas non plus, n’aideront pas non plus le pays. Le consommateur européen constate une hausse de ses revenus réels, mais préfère continuer à épargner plutôt qu’à dépenser, comme le montrent les détails du PIB européen au deuxième trimestre 2024. Le taux d’épargne des ménages européens se situe à plus de 15 %. Finalement, les entreprises qui envisageaient une reprise de la demande au second semestre 2024 se montrent beaucoup plus réservées, selon nos gérants actions. Il existe toutefois des « oasis » en Europe comme l’Espagne qui bénéficie de ses réformes structurelles passées ou l’Italie toujours tirée par le plan de relance « NextGenerationEU ». Malgré cela, nous nous attendons à une croissance européenne morne en 2025.

Pierrick Louis, allocataire d’actifs au Crédit Agricole Assurances : Nous sommes face à un contexte de ralentissement ordonné des économies et de l’inflation. Au niveau des métriques, nous sommes en accord avec Amundi. Par ailleurs, j’aimerais souligner le fait que le résultat des élections présidentielles aux Etats-Unis pourrait avoir un impact non négligeable sur l’économie américaine. Donald Trump affiche un programme pro-business qui pourrait être inflationniste et donc réduire les velléités de la Banque centrale américaine à baisser ses taux d’intérêt directeurs. En revanche, Kamala Harris n’est pas pro-business, ce qui a contrario va dans le sens d’une baisse des taux directeurs. En Europe, plusieurs pays sont sous procédure de budget excessif et vont devoir couper dans leurs dépenses avec un effet récessif potentiel sur 2025. J’aimerais enfin signaler qu’il y a des signaux contradictoires des marchés qui anticipent de fortes baisses de taux courts (dans la perspective d’une récession), alors que les spreads de crédit sont à leurs plus bas historiques et que le marché actions intègre toujours des anticipations de croissance bénéficiaire. Entre les deux, qui a raison ?

Alexandre Caminade, directeur core fixed income & liquid alternatives chez Ostrum AM : En ce qui concerne la croissance américaine, nous envisageons un ralentissement économique, mais pas une récession. La croissance devrait se situer aux alentours de 2 % au dernier trimestre 2024 et de 1,5 % au premier semestre 2025. Nous sommes en revanche plus mesurés sur l’inflation et en particulier sur l’inflation sous-jacente. Nous ne la voyons pas baisser aussi fortement que le marché ou le consensus. Il n’y a en effet plus d’inflation dans les biens durables, mais elle est plus élevée dans les services, et l’évolution du marché du logement interpelle. Les loyers sont élevés et ont surpris à la hausse. L’inflation sous-jacente est ainsi supérieure à 3 % en 2024. Sur 2025, nous anticipons une inflation à 2,7 % avec des périodes où elle sera légèrement supérieure. Cette estimation ne correspond pas à celle des marchés financiers qui intègrent une prime à la récession.

Anne Beaudu : Le marché prévoit d’ici juillet 2025 une diminution des taux d’intérêt de 230 points de base aux Etats-Unis, ce qui correspond en effet à une situation de récession.

Alexandre Caminade : Sur la zone euro, nous prévoyons 0,7 % de croissance en 2024 et 1,3 % en 2025, ce qui correspond à un rebond léger. En matière d’inflation, nous anticipons que celle-ci devrait osciller autour de 2,5 %. L’inflation sous-jacente ne devrait pas baisser rapidement du fait de la hausse des salaires, elle devrait se situer en 2025 au-dessus de la cible de la Banque centrale européenne (BCE).

Anne Beaudu, gérante senior en obligations internationales dans l’équipe global fixed income, Amundi

"Le marché prévoit d’ici juillet 2025 une diminution des taux d’intérêt de 230 points de base aux Etats-Unis, ce qui correspond en effet à une situation de récession."

Anne commence sa carrière en 1999 chez Crédit Agricole SA à Paris, en tant qu’économiste responsable de la zone euro. En 2005, elle rejoint Amundi et l’équipe de gestion euro aggregate en tant que gérante euro fixed income spécialisée dans les stratégies de taux d’intérêt. En novembre 2010, Anne rejoint l’équipe Global Fixed income (GFI) d’Amundi à Londres en tant que gérante senior de portefeuilles obligataires internationaux. Elle est la gérante principale du flagship Amundi Oblig internationales et d’Amundi Oblig Monde – responsable, ainsi que de portefeuilles GFI pour diverses institutions publiques internationales. Anne est nommée membre du comité des architectes en août 2018 (comité d’investissement GFI d’Amundi Londres). En 2023, Anne rejoint Amundi Paris tout en conservant son rôle de gérante des portefeuilles global fixed income et en juillet 2024, elle étend son périmètre pour accompagner l’équipe euro aggregate dans la définition et l’implémentation des vues stratégiques. Anne est diplômée de l’Ecole polytechnique et de l’Ensae (économiste-statisticienne) et d’un DESS en macroéconomie de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne.

  • Effectifs dans l’expertise fixed income : 127 au 31/12/2023
  • Encours en gestion obligataire : 1 114 milliards au 30/06/2024
  • Historique de performance de l’un des fonds phares : Amundi Funds Euro Aggregate Bond (Part I) : performance nette (au 31/08/2024) : YTD : + 1,82 % ; 1 an : + 6,17 %. Encours gérés : 955 millions
  • Philosophie d’investissement du fonds : Amundi Funds Euro Aggregate Bond est un portefeuille obligataire diversifié investissant dans des obligations d’Etats et d’entreprises, principalement libellées en euros et de qualité « investment grade ». Pour cela, le fonds s’appuie sur un indice de référence, le « Bloomberg Euro Aggregate. » L’actif du fonds est constitué au moins aux deux tiers d’instruments en euro. Il dispose d’une marge de diversification encadrée dans d’autres segments obligataires (obligations indexées sur l’inflation, obligations à haut rendement, etc.). Le process repose sur une approche active et flexible visant à générer du rendement quelles que soient les conditions de marché, et en particulier à surperformer son indice de référence. Le fonds intègre les critères ESG dans son processus d’investissement et cherche à obtenir un score ESG supérieur à celui de son indice de référence. Il est classé SFDR article 8.

Les gérants sont généralement plus prudents dans leurs prévisions que les marchés, pour quelles raisons ?

Alexandre Caminade : Les marchés sont excessifs dans leurs réactions. Nous sommes passés de six baisses de taux d’intérêt par la Fed anticipées en début d’année à une en avril puis actuellement à quatre. Les taux d’intérêt à court terme sont très volatils ces derniers mois.

Anne Beaudu : Les banques centrales ont annoncé qu’elles agiraient en fonction des données économiques. Elles sont très dépendantes de l’évolution du marché du travail car ce dernier est central dans l’estimation de l’inflation et de la croissance. Cela rend le marché très volatil.

Alexandre Caminade : Nous constatons des mouvements de taux d’intérêt de 10 à 15 points de base dès qu’un chiffre n’est pas en ligne avec le consensus. Cette sensibilité aux données économiques est très élevée.

Nicolas Leprince : Nous sommes plutôt en ligne avec les attentes de marché qui voient une inflation plus faible que celle attendue par la BCE notamment. L’inflation des biens en zone euro est très liée aux prix à la production en Chine qui connaissent une croissance négative. De même, les prix de l’énergie et en particulier du pétrole n’ont pas augmenté malgré la guerre au Moyen-Orient. Enfin, les gains salariaux devraient largement s’atténuer en 2025 selon le chef économiste de la BCE. Nous nous acheminons ainsi davantage vers une désinflation que vers une inflation durable. Aux Etats-Unis, l’impact de l’immobilier est encore fort dans les chiffres d’inflation, mais leur croissance décélère.

Alexandre Caminade : Nous sommes en accord avec cette hypothèse, mais la désinflation mettra du temps à se mettre en place. Elle sera limitée à l’horizon 2025. L’inflation va baisser moins rapidement que ce que le marché n’anticipe, mais elle finira par le faire.

Anne Beaudu : Le scénario en matière de croissance nous semble aussi déterminant. La baisse de l’inflation va permettre aux banques centrales de normaliser progressivement leur politique monétaire, la vitesse de normalisation dépendra du scénario de croissance. Les marchés financiers envisagent de plus en plus une récession et donc une accélération des baisses de taux d’intérêt aux Etats-Unis dans un premier temps et ensuite en Europe.

L’analyse de l’inflation a fortement évolué ces derniers, quelles sont, d’après vous, les tendances structurelles ?

Nicolas Leprince : Il nous semble trop simple de penser que nous sommes passés d’un monde dominé par la désinflation à un monde dominé par l’inflation en raison de la relocalisation des productions et de la nécessité de mener la transition énergétique. La transition énergétique peut générer de l’inflation si des investissements sont véritablement votés et qu’il existe un consensus politique réel en ce sens. Le rapport récent de Mario Draghi pointe justement la nécessité d’augmenter les investissements en zone euro. Un consensus politique va-t-il émerger en 2025 ? Rien n’est certain. En attendant, nous continuons à importer de la désinflation de Chine.

Anne Beaudu : Le résultat des élections américaines aura un impact sur le profil d’inflation aux Etats-Unis. En cas de victoire de Donald Trump, la hausse des tarifs sera dans un premier temps inflationniste, mais l’impact négatif sur la croissance sera également pris en compte par la Fed.

Quelles sont vos prévisions en matière de taux d’intérêt ?

Emmanuel Petit : Nous sommes plus prudents que le marché et considérons qu’il y aura moins de baisse qu’il n’anticipe en Europe et aux Etats-Unis. Aujourd’hui, la récession est intégrée dans les prix de marché des deux côtés de l’Atlantique à un horizon de six mois à un an. Les gérants obligataires doivent se positionner par rapport à ce scénario. Ceux qui sont longs en matière de duration considèrent que le nombre de baisses de taux d’intérêt sera encore supérieur à ce que le marché anticipe. Cette approche n’est pas la nôtre. Nous sommes, a contrario, défensifs quant à la duration. Nous considérons qu’il n’y a actuellement pas beaucoup de valeur à être positionné sur les taux longs. Un taux d’intérêt de 2,20 % sur le 10 allemand correspond à une inflation à 1,75 %. Or, la cible d’inflation est à 2 %, ce qui correspond à un minima compte tenu des pressions inflationnistes structurelles et cela sans même mentionner le creusement des déficits budgétaires aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe. Il nous paraît ainsi plus prudent de jouer un scénario de pentification des courbes. Nous sommes à ce titre positionnés sur la partie intermédiaire de la courbe.

Nicolas Leprince : A horizon fin 2025, le marché estime que les taux directeurs des banques centrales seront aux Etats-Unis à 3 % et en Europe à 2 %. Cela correspond à des valeurs « neutres » de long terme en ligne avec les estimations de ces mêmes banques centrales, ce qui n’envoie pas, selon nous, un signal fort anticipant une récession. Même si cela implique des baisses rapides et fortes de taux d’intérêt qui sont déjà intégrées par les marchés, le risque pour les banques centrales est désormais de voir l’économie ralentir trop fortement.

Alexandre Caminade : Le marché attribue des probabilités à différents scénarios. La probabilité d’une récession a augmenté depuis l’été, mais elle ne correspond pas au scénario central. Les anticipations évoluent très vite. En ce qui nous concerne, nous avons prévu deux baisses en septembre puis en décembre contre quatre actuellement par le marché.

Pierrick Louis : Nous anticipons aussi moins de baisses de taux d’intérêt que le marché. Aux Etats-Unis, les Fed funds pourraient passer de 5,5 % actuellement à 4,75 % d’ici la fin de l’année et à 3,25 % d’ici un an. En zone euro, la BCE pourrait faire passer les taux d’intérêt à 3,25 % fin 2024 et à 2,5 % dans un an.

Anne Beaudu : Nous avons fait évoluer nos anticipations. Nous sommes passés de deux baisses de la Fed cette année à trois récemment. Certains spécialistes considéraient que la Fed ne pourrait pas bouger ses taux au moment des élections, mais ces dernières ne devraient pas constituer un obstacle. Nous sommes toujours dans une optique de normalisation et non de réponse à une récession, même s’il est difficile de faire des comparaisons avec les cycles précédents. En Europe, en raison de la faiblesse des dernières données, nous sommes plus en ligne avec les anticipations de marché.

Nicolas Leprince : Le comportement des entreprises aux Etats-Unis vis-à-vis de l’emploi est logique. D’abord, le volume de l’emploi temporaire est réduit, puis le volume d’heures travaillées (des salariés existants) diminue également. La prochaine étape pourrait concerner le volume d’emplois. Lors de son discours à Jackson Hole, Jerome Powell, le président de la Fed a indiqué que la Banque centrale ne tolérerait pas une dégradation supplémentaire du marché de l’emploi. La Fed devrait ainsi « normaliser » rapidement la politique monétaire.

Anne Beaudu : Il est difficile de lire les statistiques sur le marché de l’emploi, qui sont clés aux Etats-Unis. Ce marché a été affecté par des chocs d’offre importants (démissions après la Covid-19, forte immigration, etc.). Par ailleurs, certains indicateurs se dégradent, mais pas tous, le nombre de licenciements reste stable.

Emmanuel Petit, associé-gérant et responsable de la gestion obligataire chez Rothschild & Co Asset Management

"Nous considérons qu’il n’y a actuellement pas beaucoup de valeur à être positionné sur les taux longs. Il nous paraît plus prudent de jouer un scénario de pentification des courbes."

Emmanuel Petit débute sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis devient analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il devient responsable de la gestion obligataire en 2011 et associé-gérant en 2024. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société française des analystes financiers).

  • Effectifs dans l’expertise : 14
  • Encours dans la gestion obligataire et % des encours totaux : 19 milliards d’euros (incluant le monétaire) à fin juin 2024, soit 58 % des encours totaux
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : R-co Conviction Credit Euro : performances cumulées depuis la création 47,9 %, ce qui correspond en performances annualisées à 2,9 %
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : R-co Conviction Credit Euro est un fonds investi en obligations d’entreprises privées. Son univers d’investissement est principalement constitué de titres investment grade.

Estimez-vous qu’il existe un risque spécifique sur la dette française ?

Emmanuel Petit : La prime de risque a augmenté de 20 points de base depuis la dissolution, mais cette hausse reste mesurée, il n’y a donc pas pour l’instant de forte inquiétude de la part des investisseurs. Le fait d’avoir exclu d’entrée un gouvernement d’extrême gauche et d’extrême droite a été plutôt rassurant pour les marchés financiers. L’incertitude politique risque toutefois de régner et cela pèsera à court terme sur la performance de la dette française. A plus long terme, cela fait de nombreuses années que les économistes soulignent les dérapages budgétaires. Ces derniers devraient finir par entraîner des conséquences sur les spreads et sur la capacité de financement du pays, pour autant, il est très difficile de prévoir quand interviendra une véritable dégradation. Aux Etats-Unis aussi le déficit budgétaire se dégrade rapidement et là encore comment cette situation va-t-elle évoluer ? Il est difficile de faire des prévisions.

Pierrick Louis : Il est clair que les déficits budgétaires successifs accumulés et un déficit primaire actuel à 3 % sont insoutenables à la fois du point de vue des institutions européennes et des marchés financiers. Nous attendons de voir le projet de budget du prochain gouvernement. Pour stabiliser la trajectoire de la dette, il devrait, en théorie, intégrer des économies de l’ordre de 80 milliards d’euros étalées sur plusieurs années. Ces réductions devraient avoir un impact récessif, mais elles sont indispensables et si elles ne sont pas menées, les marchés financiers devraient sanctionner la dette française et cela même si la Banque centrale européenne pourrait mettre en œuvre des mécanismes de soutien.

Alexandre Caminade : La trajectoire budgétaire de la France était déjà très mauvaise avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Depuis, les chiffres évoqués par le ministère des Finances indiquent un dérapage encore supérieur à ce qui était prévu. Au-delà de la nomination de Michel Barnier à Matignon, de nombreuses étapes doivent être encore franchies afin de rassurer les marchés financiers. La question à se poser est de savoir ce que contient le spread actuel. Avant la dissolution, il était de 50 points de base contre le Bund à 10 ans. Nous considérons qu’une dégradation d’un cran de la note de la France correspond à peu près à 15 points de base d’écartement du spread. Est-ce qu’à 72 points de base comme actuellement ce risque est intégré ? Nous le pensons. Par conséquent, nous ne sommes pas très négatifs. Notre positionnement tactique est ainsi neutre à légèrement négatif sur la dette souveraine française compte tenu du volume d’adjudications à venir. Nous allons devoir vivre avec de l’incertitude pendant plusieurs mois.

Anne Beaudu : La dette française s’est rapprochée du niveau de spread de l’Espagne, ce qui est assez logique. Il devrait y avoir encore de la volatilité car de nombreuses étapes doivent encore être franchies par le nouveau gouvernement. Pour l’instant, cet accroissement des spreads n’est pas très handicapant car, en niveau absolu, les taux d’intérêt français ont par ailleurs baissé. Nous sommes passés de 3,3 % sur le 10 ans français fin juin à actuellement 2,8 %. La pression du marché est donc gérable. La dette française bénéficie par ailleurs d’une caractéristique très positive : elle est très liquide. Les investisseurs internationaux ne sont pas sortis depuis la dissolution à l’exception des Japonais qui désinvestissent plus généralement l’Europe.

Pierrick Louis : Les marchés financiers nous attendent quand même au tournant à l’image de la crise qui a accompagné la présentation par la Première ministre britannique d’un mini-budget à l’automne 2022 et dont la sanction par les marchés financiers a conduit à la démission. Nous sommes l’un des pays européens qui a fait le moins d’efforts après la crise sanitaire en matière de rééquilibrage des dépenses publiques. Cette situation n’est pas tenable.

Nicolas Leprince : Nous ne sommes clairement pas positifs concernant la dette française car il n’existe pas, selon nous, de perspectives de resserrement des spreads. Certes, la liquidité est élevée sur les obligations françaises, mais cet argument est insuffisant. Nous sommes loin de penser que la BCE pourrait soutenir rapidement la signature de la France, d’autant plus que depuis le mois de juillet, cette dernière réduit ses achats de dettes. Les investisseurs internationaux comme les Japonais se détournent depuis de nombreux mois de la dette souveraine française. Il existe des catalyseurs négatifs, mais nous ne voyons pas de catalyseurs positifs. Il nous paraît ainsi plus judicieux d’obtenir le même supplément de spreads que celui offert par la dette française sur d’autres catégories de titres, notamment sur le crédit.

Comment avez-vous fait évoluer votre allocation d’actifs ?

Pierrick Louis : Sur l’ensemble des actifs (fonds généraux et fonds propres), nous sommes investis à 85 % en produits de taux détenus principalement en ligne directe. Au sein de cette poche taux, les OPCVM taux ne représentent qu’environ 7 % de nos investissements. Sur la partie détenue en direct, nous sommes investis pour moitié en dettes souveraines et parapubliques et pour moitié dans les entreprises et les financières. Ces dernières années, nous avons surtout mis l’accent sur le crédit de bonne qualité. Nous avons aussi augmenté nos investissements dans la dette privée qui apporte un surcroît de rémunération liée à la prime d’illiquidité, nous permet de diversifier notre portefeuille en termes d’émetteurs et enfin permet d’atténuer les mouvements de marché. Elle représente maintenant 3,3 % de nos allocations, tous segments confondus (entreprises, immobilier et infrastructures ; fonds ou détention directe). Plus généralement, un portefeuille assurantiel évolue assez peu. Nous pouvons à la marge être opportunistes, mais la structure de nos portefeuilles répond avant tout à des contraintes de gestion actif/passif plus qu’aux évolutions de marché. Nos gestions dédiées sont par ailleurs beaucoup plus flexibles, nous pouvons, dans ce cadre, être amenés à couvrir les mouvements de spreads ou de taux d’intérêt.

Nicolas Leprince : En matière de construction de portefeuille, l’un des éléments déterminants est la corrélation entre les classes d’actifs risquées et les taux d’intérêt. Alors qu’en 2022 et 2023, les taux d’intérêt ne protégeaient pas un portefeuille d’actifs risqués, cette relation a changé en 2024. Nos études montrent que cette corrélation redevient négative en moyenne dans les périodes où l’inflation « cœur » est inférieure à 2,7 %. Cette corrélation désormais « négative » nous incite à détenir davantage d’obligations dans nos portefeuilles.

Anne Beaudu : Concernant nos vues stratégiques de long terme sur l’ensemble des classes d’actifs, nous sommes passés plus positifs sur les obligations, dans un contexte d’assouplissement monétaire et de corrélation plus favorable avec les marchés actions. Notre scénario est celui d’un atterrissage en douceur de l’économie ce qui en théorie est très positif pour les actifs risqués. Mais nous constatons des points de vulnérabilité : une récession possible en Europe et des actifs qui sont chers. Nous sommes ainsi prudents en termes d’utilisation des budgets de risque. A plus court terme, dans nos portefeuilles obligataires globaux, nous restons flexibles sur la gestion de la duration et avons revendu de la sensibilité aux Etats-Unis sur la partie courte, où les anticipations de baisses de taux sont exagérées. Nous sommes plus constructifs sur la sensibilité européenne. Nous avons récemment légèrement réduit nos positions à la pentification.

Alexandre Caminade : En ce qui nous concerne sur les portefeuilles, nous sommes repassés neutres sur la duration récemment. Nous avions mis en place des positions dans l’hypothèse d’une pentification de la courbe des taux d’intérêt qui ont mis longtemps à payer, mais qui se sont révélées très profitables récemment. Nous pensons que ce mouvement a été réalisé, nous avons donc pris nos profits même s’il pourrait y avoir encore un peu de pentification sur la partie 10/30 ans de la courbe des taux d’intérêt.

Nicolas Leprince, gérant-analyste au sein de l’équipe multi-assets & overlay chez EdRAM

"Il nous semble trop simple de penser que nous sommes passés d’un monde dominé par la désinflation à un monde dominé par l’inflation en raison de la relocalisation des productions et de la nécessité de mener la transition énergétique."

Nicolas a rejoint le groupe Edmond de Rothschild en décembre 2019 en tant que gérant-analyste au sein de l’équipe multi-assets & overlay. Auparavant, il était depuis 2016 responsable de l’équipe de gestion obligataire de BNP Paribas Cardif en France. De 2004 à 2016, Nicolas avait occupé différentes fonctions au sein de BNP Paribas Cardif, notamment dans les équipes de gestion obligataire. Titulaire du CFA, Nicolas Leprince est diplômé d’un magistère d’économie et finance internationales de l’Université Montesquieu Bordeaux 4 et d’un master II gestion des risques de l’Université Rennes 1.

  • Effectifs dans l’expertise : 13 personnes en multi-asset & overlay dont 6 personnes en asset allocation
  • Encours sous gestion dans l’expertise : 12,2 milliards d’euros (données au 30 juin 2024)
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : EdRF Bond Allocation1, Performance 2023 : + 6,31 % ; performance annualisée depuis le lancement de la stratégie (14/02/2013) : + 1,93 %
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : l’équipe adopte une approche fondamentale top-down visant à traiter et à anticiper les évolutions macroéconomiques mondiales. L’objectif est de parvenir à une diversification optimale, afin de construire des portefeuilles efficaces tout en contrôlant le risque. La philosophie d’investissement repose sur une gestion tactique, flexible et dynamique. Solutions à faible volatilité, stratégies de gestion des risques, objectifs de croissance du capital… chacune des solutions d’investissement est ainsi conçue pour atteindre un objectif de risque/rendement spécifique, qui répond aux besoins des clients en constante évolution.

Données pour la part A € au 30/06/2024. Source : Edmond de Rothschild Asset Management (France). Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Elles ne sont pas constantes dans le temps.

Etes-vous positifs sur le crédit ?

Alexandre Caminade : Nous sommes constructifs sur le crédit investment grade même s’il peut y avoir des tensions liées au volume d’émissions. Il faudra en effet aller chercher du rendement sur le crédit. Il n’y a pas beaucoup d’alternatives. Les taux d’intérêt vont baisser à court terme, par conséquent, il devrait y avoir des réallocations du monétaire vers le crédit obligataire. En termes d’exposition aux pays, nous avons privilégié l’Espagne contre la France au sein de la zone euro. Cet arbitrage a été profitable en particulier après la dissolution. Le spread entre l’Espagne et la France s’est ensuite stabilisé autour de 10 points de base. Nous l’avons ainsi débouclé pour le remplacer par une position qui offrait davantage de potentiel de performance. Elle porte sur la pentification de la courbe des taux d’intérêt sur le segment 10 ans/30 ans sur la France face à une position d’aplatissement sur le segment 10 ans/30 ans de la courbe sur l’Espagne.

Emmanuel Petit : Nous sommes défensifs sur le crédit car les spreads se sont beaucoup resserrés. Il y a très peu de primes de risque supplémentaires à obtenir en dégradant les portefeuilles, c’est-à-dire en achetant par exemple des entreprises cycliques. Nous considérons par ailleurs qu’il y a des opportunités sur les financières notamment sur les dettes subordonnées pour lesquelles les investisseurs sont relativement bien rémunérés. Il faut tout de même noter que les financières sont fortement corrélées à la conjoncture macroéconomique et à ce titre présentent des risques en période de ralentissement. Mais, compte tenu de leurs fondamentaux, ce risque est actuellement limité. Nous nous intéressons aussi aux foncières. Elles ont beaucoup souffert ces dernières années, mais retrouvent actuellement des capacités pour se financer. D’une façon générale, il convient de réduire le risque sur le crédit. Les baisses de taux d’intérêt sont déjà anticipées, les primes de risque sont basses. Il faut patienter, capitaliser sur ce que nous avons fait les années passées et conserver ainsi des marges de manœuvre pour être capables de réallouer en cas de correction.

Anne Beaudu : En termes d’allocation au crédit, nous sommes devenus plus prudents et misons sur la qualité, donc sur les segments investment grade, et en particulier sur les financières européennes. Les émissions primaires ont été très bien absorbées depuis le début de l’année, la demande reste très forte. Sur le segment high yield, nous couvrons nos portefeuilles contre le risque de récession en achetant de la protection. Sur la partie émergente, nous sommes positifs de façon très sélective à la fois en devises dures et locales. A nouveau, notre scénario d’atterrissage en douceur est théoriquement favorable aux marchés émergents. La croissance est meilleure en moyenne sur les marchés émergents et cela malgré le ralentissement de la Chine. Certains risques doivent tout de même nous pousser à être prudents : les élections américaines et la possibilité d’une récession aux Etats-Unis.

Alexandre Caminade : Tout mouvement sur les spreads constitue une opportunité en matière de duration. Nous avons réduit ainsi récemment notre duration sur la dette américaine. Nous sommes positifs sur la dette émergente en devises dures, même si nous considérons que celle-ci est relativement chère. Le problème des marchés émergents réside dans l’absence de flux depuis deux ans. Il n’y a pas de soutien. Les performances sont très hétérogènes notamment sur les devises à l’exemple du real brésilien ou du peso mexicain. Nous intervenons de façon très tactique sur ces marchés.

Emmanuel Petit : Il existe un vrai sujet de refinancement sur le high yield dans la perspective d’une récession, pourtant, les actifs à risque continuent à bien performer. Nous constatons ainsi une incohérence qui nous conduit à, a contrario, augmenter la qualité du crédit de nos portefeuilles.

Pierrick Louis, allocataire d’actifs, Crédit Agricole Assurances

"Ces dernières années, nous avons surtout mis l’accent sur le crédit de bonne qualité. Nous avons aussi augmenté nos investissements dans la dette privée."

Pierrick Louis est allocataire d’actifs en charge des portefeuilles de Pacifica et de Spirica depuis 2011. Auparavant, il était responsable des investissements de Pacifica (de 2002 à 2010) et précédemment trésorier de banque régionale (1998-2002) et chargé de clientèle. Il est ingénieur en agroéconomie tropicale ; diplômé de l’Institut technique bancaire (ITB) et titulaire du DECF.

  • Effectifs dans la gestion taux : au sein de la direction des investissements de CAA sous la responsabilité de Florence Barjou, pilotage par cinq allocataires d’actifs, des gestions taux confiés à Amundi. Les allocataires s’appuient également sur l’expertise existante au sein de la direction en dette privée et en analyse quantitative. Les portefeuilles d’actifs sont adossés à des passifs de business distincts (assurance vie et prévoyance, assurance dommages, solutions dédiées pour la retraite, etc.) nécessitant une gestion adaptée à chaque besoin.
  • Encours dans la gestion taux et pourcentage par rapport à l’allocation d’actifs globale : Le groupe Crédit Agricole Assurances gérait 308 milliards euros en valeur de marché au 30/06/2024 au titre des fonds euros et fonds propres, dont 85,5 % investis en produits de taux (soit 263 milliards d’euros)
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : recherche du meilleur rapport rendement/risque (contrepartie, ESG…)/consommation SCR au sein de l’univers obligataire, toutes catégories de supports confondues (coté, non-coté), dans le respect des contraintes ALM des entités.

Y a-t-il des stratégies qui sont privilégiées par les investisseurs, les fonds datés par exemple sont-ils toujours pertinents ?

Emmanuel Petit : Nous constatons toujours des flux positifs sur les obligations, même si la dynamique est moins soutenue. Aujourd’hui, un portefeuille de taux d’intérêt permet toujours de placer son épargne sur cette classe d’actifs qui offre de la visibilité et du rendement. Par ailleurs, les fonds datés sont toujours pertinents car même si le rendement a baissé, il est connu à l’avance. Aujourd’hui, cependant, un fonds flexible devrait permettre de générer davantage de rendement qu’un fonds daté car il est important de pouvoir faire évoluer l’allocation en fonction de la volatilité sur les taux d’intérêt. Après, la pertinence des stratégies est également liée aux besoins et aux contraintes des investisseurs.

Pierrick Louis : Nous n’utilisons pas les fonds datés dans les fonds généraux, privilégiant la détention en direct. Mais en matière d’unités de compte, les fonds datés marchent très bien auprès des clients particuliers. Nous considérons que les fonds flexibles sont intéressants, nous menons ce type de stratégies au sein de nos fonds dédiés. Nous nous diversifions également dans nos stratégies en dette privée, notamment via la dette unitranche. Les ETF obligataires actifs pourraient être une piste afin d’augmenter notre flexibilité. La dette émergente devrait enfin être intéressante en période de baisse des taux d’intérêt aux Etats-Unis.

Nicolas Leprince : Les fonds datés constituent toujours une stratégie intéressante, même si les taux d’intérêt ont baissé. Ils sélectionnent actuellement des titres notés investment grade qui offrent 3,5 % de rendement et des titres high yield de qualité qui délivrent 5,5 % de rendement. En associant ces deux catégories de titres, un fonds peut proposer un rendement autour de 4,5 %. Ces fonds sont ainsi toujours populaires auprès des conseillers en gestion de patrimoine (CGP). De plus, compte tenu des projections de croissance, les taux de défaut ne devraient pas augmenter significativement. Par conséquent, ce type d’investissement à un horizon de cinq à six ans reste pertinent. Les fonds flexibles sont aussi attractifs à plus court terme à partir du moment où ils parviennent à surperformer les indices des marchés obligataires.

Alexandre Caminade : Nous mettons en avant surtout les expertises « cross over » qui investissent sur plusieurs notations BBB et BB sur des maturités assez courtes et les expertises obligataires gérées activement avec une approche très flexibles qui permettent d’exploiter tous les mouvements de marché.

Anne Beaudu : Chez Amundi, les fonds datés ont eu beaucoup de succès ces dernières années. En période d’inversion de la courbe des taux d’intérêt, ils sont en effet très intéressants. Ils le deviennent un peu moins une fois que la courbe reprend une position normale (se repentifie). Les flux nets ont ainsi tendance à diminuer. Je vous rejoins ainsi sur la pertinence actuelle des fonds flexibles qui permettent de gérer la sensibilité aux taux d’intérêt. Les fonds obligataires à court terme ont aussi beaucoup collecté.

Alexandre Caminade, irecteur core fixed income & liquid alternatives chez Ostrum AM

"Nous sommes constructifs sur le crédit investment grade même s’il peut y avoir des tensions liées au volume d’émissions. Il faudra en effet aller chercher du rendement sur le crédit. Il n’y a pas beaucoup d’alternatives."

Alexandre Caminade débute sa carrière dans des fonctions d’audit au sein du groupe Banque Populaire en 1992, puis à la Caisse centrale du Crédit Coopératif entre 1995 et 1998. Il rejoint ensuite Ecofi Investissements en tant que gérant taux et crédit pendant six ans, puis AGF Asset Management et Société Générale AM, où il exerce la fonction de gérant high yield. Entre 2007 et 2017, Alexandre occupe, chez Allianz Global Investors, le poste CIO Crédit. En 2017, il rejoint LBPAM en tant que directeur des gestions taux, crédit, assurance et convertibles. En novembre 2020, il est recruté par Ostrum Asset Management, en tant

que directeur taux globaux aggregate & total return, puis directeur core fixed income & liquid alternatives. Alexandre Caminade est titulaire

d’une maîtrise d’économie de Paris X, d’un diplôme d’études supérieures (DESS) banque & finance de Paris V et est CFA® Charterholder.

  • Effectifs dans l’expertise : gestion taux core et alternatifs liquides, 17 personnes
  • Encours sous gestion dans l’expertise : environ 20 milliards d’euros
  • Historique de performance dans l’un des fonds phares : Ostrum SRI Global Subordinated Debt, (part I/A), performances nettes : 6,53 % en 2023 et 3,05 % YTD (au 5 juillet), Ostrum Global Emerging Bonds, (part SI/H), performances nettes : 9,30 % en 2023 et 2,29 % YTD (au 5 juillet)
  • Philosophie d’investissement en quelques mots : la philosophie d’investissement du département taux core et alternatifs liquides se définit par une gestion
  • de conviction active et flexible couplée à une approche ESG. Les processus d’investissement combinent des comités de vues de marché et de construction de portefeuille et visent à atteindre des objectifs financiers et extra-financiers afin de générer une surperformance durable dans le respect de budgets de risque définis.

Les stratégies ESG et climat attirent-elles toujours autant les investisseurs ?

Pierrick Louis : En tant qu’investisseur institutionnel, nous sommes soumis à des exigences de reporting de plus en plus sévères. Par ailleurs, en tant qu’assureur, nous avons bien conscience des risques associés au réchauffement climatique. Nous intégrons donc systématiquement des critères ESG dans la sélection des supports d’investissement et des titres et prenons en compte maintenant de plus en plus la notion d’impact. Nous souhaitons avoir une action et la mesurer. Nous sommes par ailleurs signataires des PRI (principes pour l’investissement responsable de l’ONU) depuis la première heure et depuis 2021, nous avons adhéré à la NZAOA (Net-Zero Asset Owner Alliance). Nous sommes ainsi engagés sur une trajectoire de réduction des gaz à effet de serre en ligne avec les accords de Paris et les objectifs de cette association.

Alexandre Caminade : Ostrum AM se positionne comme acteur des transitions. Nous disposons de fonds sur l’investissement responsable et à impact. Nous essayons d’orienter nos politiques vers l’accompagnement, l’engagement, plutôt que d’utiliser une exclusion sectorielle systématique et excessive. Nous sommes investis à hauteur de 40 milliards d’euros sur des obligations durables, ce qui correspond à environ 10 % de nos encours en obligataire.

Anne Beaudu : Nous sommes également très investis sur les obligations vertes, sociales et durables. A fin juin, Amundi était investi à hauteur de 72 milliards d’euros dans ces obligations. Chez nos clients institutionnels, nous constatons toujours beaucoup d’intérêt pour les stratégies ESG et ces dernières s’inscrivent dans leurs stratégies globales sur le climat. Elles sont en constante évolution, à travers une volonté de nos clients de s’aligner sur les Accords de Paris. De notre côté, l’évolution est également constante et portée par une réglementation qui ne cesse de se renforcer. Jusqu’à récemment, nous étions occupés par l’intégration du règlement SFDR sur la transparence des fonds et le développement de fonds climat et à impact. A cela s’ajoute la réglementation plus récente sur le nom des fonds (ESMA naming) et la nouvelle version du label ISR français.

Nicolas Leprince : Nous constatons un alignement d’intérêts entre les clients et les gérants d’actifs. Nous sommes engagés sur l’initiative net zéro comme nos clients avec des objectifs communs. Cela revient à mettre en œuvre des métriques globales sur l’ESG qui nous pousse à revoir toute notre gamme.

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