Il y a peu de temps encore, peu d’investisseurs auraient songé aux ETF pour bâtir une allocation ESG et diversifiée. Pourtant, l’élargissement de cette gamme a considérablement enrichi l’univers d’investissement ESG. Avec une particularité : proposer des solutions d’intensité ESG différentes, pour satisfaire aux objectifs de tous les profils d’investisseurs, explique Matthieu Guignard, responsable du développement des produits et du capital markets pour Amundi ETF, Indexing & Smart Beta.
Quel intérêt les investisseurs montrent-ils pour les ETF ESG ?

Matthieu Guignard : Ils retiennent l’attention du marché depuis deux ans et demi environ, mais le véritable point d’inflexion est sans doute 2021. La réglementation SFDR, avec ses articles qui classifient l’approche ESG des produits, a agi comme un accélérateur. Il s’est conjugué avec une volonté accrue des investisseurs d’utiliser le levier de l’épargne pour influencer la politique des entreprises. Cela a attiré les capitaux vers les sociétés les mieux notées et déclenché un cercle vertueux. Enfin, la bonne performance des valeurs et produits ESG a conforté ce mouvement. Il se vérifie d’ailleurs dans les chiffres : en Europe, l’année dernière, la moitié des flux de capitaux dirigés sur les ETF l’ont été sur des ETF ESG. Chez Amundi, c’est encore plus marqué, cela concerne 95 % des flux ETF.
Le marché des ETF ESG est-il suffisamment large pour construire une allocation diversifiée ?
Historiquement, il était concentré sur les actions, car c’est là qu’a débuté la méthodologie d’évaluation ESG des entreprises. Désormais, certains clients institutionnels et particuliers ont fait des ETF ESG le cœur de leur allocation, justement grâce à un élargissement de la gamme. Elargissement géographique d’abord, avec des ETF régionaux et nationaux déclinés dans une version ESG. Elargissement en termes de classes d’actifs ensuite, puisque la notation ESG s’applique désormais sur la dette et permet d’avoir des indices obligataires ESG. Il existe également des ETF thématiques, par exemple autour de l’eau ou des énergies vertes, qui apportent une orientation plus ciblée à un portefeuille.
Tous ces ETF se valent-ils en termes de respect des critères ESG ?
Chez Amundi, nous avons adapté l’« intensité » ESG de nos indices. Les investissements de certains institutionnels sont en effet toujours évalués par rapport à des indices de référence standards, dont ils ne peuvent pas beaucoup s’éloigner. Nous avons donc des ETF ESG avec une tracking error faible par rapport à l’indice standard. Mais nous avons aussi des ETF aux tracking errors plus élevées, qui suivent une autre méthodologie de sélection des titres où, par exemple, outre des critères d’exclusion, nous ne retenons dans l’indice que 25 % des meilleures valeurs de l’univers ESG. Enfin, pour des clients qui recherchent un biais climat, nous avons des indices alignés sur les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat. Par exemple, nous proposons ainsi des ETF répliquant des indices « EU Paris Aligned Benchmark » dont les valeurs doivent contribuer à une réduction de 50 % des émissions de CO2 par rapport à l’univers d’investissement initial, et de 7 % supplémentaires chaque année.
Cela suffit-il pour avoir un univers d’investissement assez profond ?
Notre offre regroupe plus de 300 ETF, dont 90 sont ESG. Cette partie de notre gamme a vocation à s’étoffer de deux manières. D’une part, par des créations de produits, mais aussi par des transformations d’indices. Nous venons par exemple de convertir un ETF CAC 40 en ETF CAC 40 ESG. Il est évident que nous nous assurons de la profondeur du marché et de la liquidité du produit avant tout lancement d’indice. Nous savons que certains segments ne sont pas assez profonds pour pouvoir donner lieu à la construction d’un indice ESG.
Est-il possible d’influencer la politique des entreprises en investissant dans les ETF ?
Nous avons la même politique de vote et d’engagement pour nos ETF que dans notre gestion active. En revanche, le levier d’influence d’un investisseur passif s’exerce différemment. Evidemment, on ne peut pas « menacer » de vendre le titre comme pourrait le faire un investisseur actif. En revanche, cela signifie aussi que nous sommes là dans la durée pour dialoguer avec l’entreprise. Nous ferons ainsi peser notre voix dans les votes en assemblée générale et cela confère un vrai poids à un investisseur en ETF.