Produit d’épargne retraite individuelle et collective, le PER bénéficie de plusieurs leviers fiscaux qui en font un outil supplémentaire à intégrer dans les politiques de rémunération des entreprises. A condition, toutefois, d’étudier attentivement les possibilités. En matière de fiscalité des rémunérations, les risques juridiques sont bien là, explique Jacques-Henry de Bourmont, avocat associé au sein du cabinet Jeantet, spécialisé dans la fiscalité corporate et patrimoniale.
Au sein du cabinet Jeantet, nous sommes spécialisés dans l’optimisation de la rémunération et de la fiscalité des dirigeants d’entreprise et des managers. De nombreux éléments peuvent composer la rémunération d’un dirigeant ou d’un salarié, comme la rémunération différée, les dividendes, l’actionnariat salarié, les avantages en nature et autres instruments donnant accès au capital… Il faut alors étudier ce qui est le plus intéressant pour chacun, selon qu’il a un pouvoir de décision direct dans la société ou des possibilités de négociation avec son employeur. Le PER s’est véritablement installé comme un outil supplémentaire aux côtés de ces dispositifs. En effet, pour optimiser une rémunération, il est possible de jouer sur le montant des charges sociales ou sur le montant imposable. La souscription d’un PER permet justement de diminuer le revenu imposable, dès le versement.
Il faut comprendre que le PER s’inscrit dans un dispositif plus large destiné à favoriser l’épargne retraite et salariale, au travers des plans de participation et d’intéressement ; et ce notamment pour les PME ayant moins de 50 salariés, qui bénéficient actuellement d’une exonération du forfait social de 20 % pour l’abondement de l’employeur à la participation des salariés et à l’intéressement. L’exonération du forfait social pour les entreprises ayant plus de 50 salariés mais moins de 250 salariés ne concerne que l’abondement à l’intéressement. Avec ces dispositifs, dirigeants et salariés bénéficient d’un levier social et fiscal important, à condition de renoncer à la disponibilité de leurs revenus sur une certaine durée. Le PER ajoute un nouvel instrument très efficace au plan fiscal avec la déduction des versements. En combinant les dispositifs, les avantages obtenus portent sur des montants élevés. Ainsi, entre les exonérations fiscales à l’entrée du PER et le système de l’abondement de l’employeur à la participation des salariés, l’intéressement, le PEE, le PEI, il est possible d’atteindre sur un an près de 100 000 euros de rémunération non fiscalisée, en fonction de la tranche marginale d’imposition. Et ce pour tous les salariés, pas uniquement pour les dirigeants.
En France, la pression fiscale est traditionnellement élevée et le législateur consent des réductions d’impôt de manière à flécher l’épargne et l’investissement. Cela donne un système fiscal très compliqué, d’autant que ces mécanismes portent essentiellement sur la fiscalité individuelle et patrimoniale. Compte tenu de la complexité des différents instruments, un pilotage individuel de la fiscalité est impossible et nécessite un accompagnement, ce qui constitue d’ailleurs un problème démocratique. La complexité fiscale française a atteint un niveau tellement élevé qu’elle confisque la possibilité pour le contribuable d’agir seul.
A cela s’ajoutent des questions de sécurisation juridique. A titre d’exemple récent, les frontières demeurent assez floues quant à ce qu’il est possible de faire dans les « management packages ». Or on assiste à une véritable pénalisation de la matière fiscale et la jurisprudence ne cesse d’évoluer avec application rétroactive des interprétations des juges. Cela met les dirigeants à risque, d’un point de vue juridique et financier.
Il faut prêter attention à plusieurs aspects. Premièrement, les sommes d’un PER investies dans de l’immobilier ne sont pas intégrées dans le calcul de l’IFI. Il y a donc un intérêt à faire des arbitrages pour concentrer une partie de ses investissements en immobilier dans son PER et ses placements financiers dans d’autres supports, notamment l’assurance vie.
Ensuite, il faut anticiper la sortie du produit. Une sortie en capital va entraîner une lourde imposition, il peut être plus judicieux de procéder à un déblocage partiel, étalé sur plusieurs années, ou attendre un des cas d’accidents de la vie dans le cadre desquels la sortie se fait sans taxation sur le capital versé dans le PER, même s’il a été déduit initialement. A ce sujet d’ailleurs, c’est un mécanisme qui est extrêmement bien adapté à un cas de déblocage exceptionnel du PER : l’acquisition de la résidence principale. Plutôt que de sortir tout le capital en une seule fois, il est possible de prévoir un déblocage annuel étalé qui permettra de compenser tout ou partie des annuités de l’emprunt bancaire souscrit lors de l’acquisition. Les sommes débloquées peuvent aller directement sur un compte séquestré par la banque, en échange de quoi celle-ci offre des conditions d’emprunt favorables. Voici un moyen de rendre financièrement neutre l’acquisition d’une résidence principale.
Enfin, les sommes investies dans un PER ne sont pas mobilisables, notamment pour financer des projets ou effectuer des opérations de donation ou de transmission du patrimoine. Il serait judicieux de réfléchir à un moyen de leur conférer une certaine utilité financière, en permettant de les apporter en garantie, par exemple dans le cadre d’un emprunt bancaire. Le PER a donc de quoi donner encore matière à réflexion.