Parcours professionnel

Ces directeurs financiers qui changent de voie

Publié le 21 mars 2014 à 15h29    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h38

Domitille Arrivet

Arrivés à la tête d’une direction financière, certains professionnels ressentent l’appel de nouvelles fonctions, qui peuvent parfois être très éloignées de leur métier initial. Une orientation qui nécessite un certain goût du risque et une grande capacité d’adaptation.

«Alors qu’il y a encore quelques années, lorsqu’on était devenu directeur financier on le restait jusqu’à la fin de sa vie professionnelle, cette règle est de moins en moins vraie.» Pour Marina Baillon, senior manager de la division finance d’entreprise chez Robert Walters, cette situation s’explique par l’élargissement de la mission des responsables de la fonction finance. «Le rôle des directeurs financiers a changé, poursuit-elle. Ils interviennent dans le business, les opérations. On leur confie les technologies de l’information ou les ressources humaines. Ainsi, ils peuvent évoluer vers d’autres métiers.» Cependant, une évolution de carrière vers d’autres fonctions que la finance n’est ni le plus courant, ni le plus facile.

«Les hommes de chiffres ont souvent une aversion au risque qui rend plus difficile leur changement de parcours, précise Jerry Knock, responsable des métiers de la finance au sein du cabinet d’accompagnement Oasys Consultants. C’est la personnalité du collaborateur qui va faire vraiment la différence. Seuls les caractères les plus extravertis auront le potentiel pour occuper des fonctions opérationnelles.» Parmi ces nouveaux parcours que peuvent emprunter les directeurs administratifs et financiers, l’évolution se fait de façon classique vers des postes de directeurs généraux. En effet, au fur et à mesure qu’ils évoluent dans la finance, ils élargissent le champ de leurs compétences et sont de plus en plus en contact avec les opérationnels. Mais ce n’est pas la seule possibilité. «Pour leur évolution, les directeurs financiers peuvent également s’orienter vers une direction de la stratégie, conseille aussi Jerry Knock. Ces postes sont rares et on ne les trouve que dans les grandes entreprises, mais ils peuvent permettre à un candidat de faire connaître ses ambitions : c’est un métier proche du business qui contient cependant encore une dimension chiffrée non négligeable. L’idéal est de se positionner sur des projets transversaux dès que possible. C’est ainsi que l’on se fait connaître et que l’on peut se faire promouvoir en interne.»

Parfois, la transition peut également être facilitée par des dispositifs internes de gestion des carrières. Au Crédit Agricole, un parcours évolutif et très structuré est ainsi proposé aux cadres supérieurs à fort potentiel auxquels on propose de prendre successivement des fonctions différentes, afin de progresser vers la direction générale d’une caisse régionale. Chaque année, une trentaine d’entre eux sont appelés à passer de la finance au marketing ou de la banque aux ressources humaines, au terme d’un parcours de près de dix-huit mois jalonné de formations, de stages et d’évaluations sévères.«Ces échanges de fonctions ont lieu au sein de la même caisse régionale, afin que les collaborateurs puissent s’épauler et que leur prédécesseur ne soit jamais loin», précise Camille Béraud, chargée des ressources humaines à la Fédération nationale du Crédit Agricole. Ce fut le cas pour Christophe Noël qui, la quarantaine venue et après avoir dirigé une soixantaine de personnes dans le département finance du Crédit Agricole Ile-de-France, s’est risqué à prendre la tête d’une équipe de 600 salariés du réseau commercial. «Ce qui aide pour ces mouvements transversaux, c’est de faire partie du comité de direction. On écoute ce que font les collègues et on apprend. Et puis, il faut oser dire à son patron qu’on aimerait faire autre chose», témoigne ce professionnel dont le parcours réussi l’a conduit quelques années plus tard à prendre la direction générale d’une caisse régionale en province.

Mais certains changements de cap peuvent être plus atypiques. C’est le défi osé qu’a relevé Farid Lubina, 42 ans, actuellement directeur commercial chez le fabricant américain de peintures PPG. Quatre ans après avoir rejoint la société en tant que directeur financier, ce titulaire d’une maîtrise de sciences éco s’est proposé pour évoluer vers la vente, fonction véritablement au cœur de l’activité de cette société commerciale qui compte 100 commerciaux sur 130 salariés. Pour ce faire, point de formation de reconversion, mais un plaisir à «goûter au terrain» clairement signifié. «J’avais pu montrer, en participant à la négociation des contrats, que les arguments financiers pouvaient être utiles au commerce», relate-t-il. Celui-ci, qui dirige aujourd’hui une équipe de 70 vendeurs, confie qu’à son arrivée, ses nouveaux collaborateurs l’attendaient au tournant, d’autant qu’il avait pour mission de renforcer les procédures internes de l’équipe. «A leurs yeux, j’avais encore ma casquette “chiffres”. Ils n’étaient pas habitués à la rigueur, aux process. Pour les faire adhérer à ces nouvelles méthodes de travail, il m’a fallu expliquer beaucoup. J’ai vraiment eu à faire mes preuves», estime-t-il. Pour cet aventurier, l’évolution qu’on lui a concédée constitue une corde de plus à son arc qui devrait lui permettre de progresser encore dans cette société. «Ce défi m’a permis de montrer aux autres et à moi-même que je suis adaptable et polyvalent», confie-t-il. Un message qui semble avoir été reçu par les équipes dirigeantes de PPG, puisqu’il a récemment intégré le parcours de formations des hauts potentiels que ce groupe qui compte 40 000 personnes dans le monde réserve aux meilleurs profils.

Enfin, lorsque l’on n’a pas accès à ces parcours balisés des grandes entreprises, il est possible de prendre le risque du changement d’employeur.«Aujourd’hui, on peut viser les start-up, où les salariés sont peu nombreux et où les postes recouvrent un large spectre de responsabilités, ou alors les PME TPE, en s’appuyant sur son réseau», estime Jerry Knock. Pour embrasser de nouvelles fonctions dans une TPE ou une PME, une formation supplémentaire n’est pas nécessaire. «Si reprendre des études de type MBA pour accompagner une transition peut être une façon de rendre officiel ce qui a été acquis au niveau professionnel, ce ne sera pas un élément déterminant, surtout dans les PME ou les ETI où c’est surtout la capacité à devenir un dirigeant qui est à démontrer», estime de son côté Ludovic Bessière du cabinet Hays. Et bien souvent, l’expérience acquise par les directeurs administratifs et financiers les plus impliqués dans les affaires stratégiques finit par leur donner l’idée de travailler pour eux-mêmes. Un choix qu’a notamment effectué Grégoire Sharpin en reprenant Thélème, une petite société angevine spécialisée dans les logiciels à destination de certains services de médecine. «Après vingt ans dans la finance, j’étais lassé du reporting, de la pression au moment des résultats, de la façon dont on communique sur les chiffres. Et puis à 50 ans, je ne me voyais pas me contenter de missions de management de transition», reconnaît-il deux ans après avoir franchi le pas. Et si ce n’est pas rose tous les jours et qu’il «mange encore de la vache enragée», ce père de six enfants ne regrette rien : «Je fais tous les métiers à la fois. De la finance bien sûr, mais aussi du commercial, du développement informatique et du management. Je me sens mieux, car je suis aux commandes.»

Un atout qui pourrait séduire les directeurs financiers possédant une fibre entrepreneuriale : en quittant le statut de salarié, ils deviennent enfin maîtres de leur destin professionnel, loin des tracasseries et du jeu politique inhérents à l’entreprise.

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