«Après avoir travaillé 25 ans dans la gestion actions, je me suis rendu compte en quittant ma dernière maison que je ne voulais plus continuer dans ce métier, j’ai donc décidé de me réorienter dans le conseil», confie Claire Chaves d’Oliveira, anciennement directrice de la gestion actions chez Groupama Asset Management. Ce témoignage est loin d’être isolé dans le monde de la finance. Si par le passé, la crise a souvent contraint des professionnels à trouver de nouvelles vocations, désormais certains financiers décident d’eux-mêmes de changer d’orientation professionnelle. «De nombreux professionnels dans la finance de marché peuvent ressentir une certaine frustration dans leur poste actuel qui peut leur apparaître au bout d’un certain temps comme vide de sens, indique Christophe Laville, consultant senior chez Hudson. Parfois ils envisagent donc de se réorienter complètement pour trouver une nouvelle motivation professionnelle.» Après sept à dix ans voire davantage passés à leur dernier poste, certains professionnels souhaitent encore évoluer, mais compte tenu de leur niveau de séniorité, ils ont peu d’opportunités en dehors d’accéder à une fonction similaire dans une société concurrente. «Une mission de coaching peut ainsi les aider à donner une nouvelle impulsion à leur carrière», explique Victoria Macpherson, coach dans la finance à Londres.

La reconversion, qui concerne des cadres seniors âgés généralement de plus de 40 ans, peut ainsi prendre plusieurs formes. «J’ai par exemple eu le cas de financiers qui, après plusieurs séances, ont décidé de compléter leur formation par un MBA, une option qu’ils n’avaient pas envisagée par eux-mêmes et qui leur a permis d’accéder à des postes de direction générale, illustre Victoria Macpherson. Par ailleurs, j’ai récemment accompagné plusieurs banquiers qui voulaient intégrer le monde de la recherche et de l’enseignement.» D’autres professionnels souhaitent quant à eux donner une orientation plus entrepreneuriale à leur carrière, particulièrement quand ils ont travaillé dans des grands groupes financiers. «Certains professionnels de haut niveau avec lesquels j’étais en contact ces dernières années ont en effet décidé de créer une start-up dans la finance et parfois même dans un domaine tout autre», confie Christophe Laville.

Un processus difficile

Dans ce cadre, l’accompagnement d’un coach peut être bénéfique. «Lors d’un repositionnement de carrière, les personnes se posent souvent de nombreuses questions, le coaching leur permet donc de mieux cadrer leurs réflexions et de challenger leurs idées», précise Florence Château, consultante senior experte en management de talents chez Hudson. Le processus est néanmoins souvent long, et plus difficile qu’il n’y paraît. D’abord, les professionnels doivent accepter d’entreprendre ce type de démarches. «Aux Etats-Unis, tous les professionnels de haut niveau font appel à un coach pour accompagner leur développement de carrière, améliorer leur leadership en entreprise ou même assurer leur bien-être physique», indique Victoria Macpherson. En Angleterre et en particulier à Londres, le coaching dans le milieu professionnel, notamment dans la finance, a pris un certain essor ces dernières années, mais en France cela reste plus marginal. Il faut notamment accepter d’y consacrer du temps. «Une mission de coaching dure entre quatre et six mois, complète Victoria Macpherson. La fréquence de séances est assez variable, allant d’une fois toutes les deux à trois semaines à une fois par mois.» La méthode varie toutefois selon les coachs. «Mon coaching s’effectue à travers une séance hebdomadaire de deux heures, indique Florence Château. L’accompagnement peut durer six mois, neuf mois voire un an.» Plusieurs étapes sont en effet nécessaires pour faciliter la transition vers un nouveau métier (voir encadré).

Un coût important

Pour autant, l’accès à ce type de prestations n’est pas aisé. Contrairement au coaching de montée en compétence, le coaching de reconversion n’est accessible qu’à un nombre limité de personnes. «Généralement, nous travaillons pour le compte d’entreprises qui financent des séances de coaching après avoir décidé de se séparer de salariés ou encore lorsqu’elles font face à des réorganisations en interne», commente Florence Château. Elles peuvent le faire également lorsque des fonctions viennent à disparaître. «Chez un important broker de la place parisienne, nous avons par exemple accompagné les “Cacman”, c’est-à-dire les personnes qui étaient en charge de l’exécution des ordres lorsque leur métier est devenu obsolète à cause de la mise en place d’outils informatiques permettant d’automatiser le passage d’ordres, commente Christophe Laville. Des séances de coaching ont alors été mises en œuvre afin de les accompagner dans la réorientation de leur carrière. Nous les avons aidés à se repositionner dans l’entreprise ou à chercher un emploi à l’extérieur.»Ce type d’accompagnement a néanmoins un coût non négligeable qui rend plus difficile l’accès à un coach en dehors d’un financement de l’entreprise. A titre individuel, le prix de ce type de prestations peut en effet très vite monter. Si les coachs se montent très discrets sur la tarification qu’ils pratiquent, les prix peuvent varier entre 200 et 700 euros la séance !

Une efficacité aléatoire

Autre bémol, l’efficacité de ce type de démarche. Certains professionnels réussissent à envisager tout de suite un nouveau métier. «Le coaching m’a été très utile car cela m’a aidé à franchir le pas dans ma reconversion professionnelle et surtout à considérer le consulting comme une nouvelle étape crédible dans ma carrière», explique Claire Chaves d’Oliveira. Mais la réussite de ce type de projets est très aléatoire. «Souvent, les financiers tâtonnent au moment de leur reconversion, remarque Victoria Macpherson. Il n’est pas rare que mon coaching serve dans un premier temps à les aider à franchir cette étape de la reconversion, mais ils ont ensuite tendance à changer plusieurs fois de postes pour trouver in fine celui qui leur correspond vraiment.»Les coachs constatent aussi que leurs clients peuvent avoir des difficultés à concéder des sacrifices importants au niveau de leur rémunération, ce qui peut peser sur la réussite de leur reconversion. «Après avoir atteint des rémunérations fixes allant parfois jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an, ils voient souvent leur rémunération divisée par deux voire par trois», prévient Florence Château.

Si a priori ils en ont conscience, ils sont prêts à l’accepter mais à condition que la situation soit de courte durée. Or les grilles de rémunération en dehors de la finance sont souvent très différentes. A Londres où le marché du travail est plus flexible, il n’est ainsi pas rare de voir d’anciens financiers réintégrer la finance au bout de 12 à 18 mois. En France, en revanche, ce cas de figure est moins envisageable. Les financiers ont donc tout intérêt à bien écouter les conseils de leur coach.