Recrutement

L’analyse financière, un plus pour les gérants

Publié le 13 mars 2015 à 11h47    Mis à jour le 13 mars 2015 à 17h37

Audrey Spy

Alors que les offres d’emplois de gérants semblent repartir à la hausse, les sociétés de gestion privilégient actuellement des profils affichant une compétence en analyse financière. La maîtrise de la communication auprès des clients est aussi une qualité très recherchée.

Depuis le début de l’année, les recrutements ont repris dans la gestion, qu’il s’agisse de gérants chez Mandarine Gestion, Avenir Finance ou d’équipe chez BNP Paribas Investment Partners qui a renforcé ses effectifs de quatre professionnels à Londres… «Nous avons été très actifs dans le recrutement de gérants en 2014 et nous continuons à avoir des demandes sur ce type de postes depuis le début de l’année», indique Nadia Tortel-Ubaysi, associée chez Singer & Hamilton. Le site d’offres d’emplois financiers efinancialcareers compile même plus de 200 postes de gérants à pourvoir actuellement, dont une quarantaine en France. Néanmoins, tous les profils ne sont pas plébiscités. «Actuellement, les sociétés de gestion recherchent surtout des gérants de conviction, sachant se démarquer des indices de référence, détaille Romain Boisnard, associé chez Tillerman. Les recruteurs privilégient également certaines expertises de marchés ou des profils quantitatifs.» Ce constat est également partagé par d’autres professionnels. «Nous avons aujourd’hui surtout des missions portant sur la recherche de gérants crédit high yield, marchés émergents et de spécialistes de l’ISR (investissement socialement responsable)», confirme Nadia Tortel-Ubaysi.

Un profil type

De fait, le même profil type de candidat est souvent étudié actuellement. La formation initiale doit ainsi passer par un bac + 5.

«Nous regardons assez classiquement des profils issus de grandes écoles ainsi que des diplômés de master en finance, délivré par exemple par Dauphine ou la Sorbonne, témoigne Emmanuelle Costa, directrice des ressources humaines de Tikehau Capital. Compte tenu de notre volonté de croître en dehors de l’Hexagone, nous apprécions tout particulièrement les formations tournées vers l’étranger, comme l’ESCP. Nous nous intéressons également aux profils formés à l’étranger ou ayant eu une expérience significative en dehors de France.» Pour certains postes plus techniques, les sociétés de gestion plébiscitent aussi les formations d’ingénieur, comme l’Ensae.

Si le choix de la structure pour obtenir ce niveau de formation importe finalement assez peu pour les recruteurs, ces derniers apprécient néanmoins aujourd’hui les candidats ayant suivi le programme de CFA (Chartered Financial Analyst), surtout en ce qui concerne des postes juniors. «Détenir ce diplôme n’est pas obligatoire mais il constitue aujourd’hui un atout supplémentaire, résume Nadia Tortel-Ubaysi. Les jeunes générations l’ont bien compris car elles prennent très souvent l’initiative de le passer.»Pour les profils plus seniors, en revanche, les recruteurs vont surtout vérifier leur niveau d’expertise.«Nous attachons moins d’importance à la formation du candidat qu’à son expérience sur une classe d’actifs, puisqu’il doit afficher un bon track record», commente Marion Azuelos, responsable des ressources humaines au sein de BNP Paribas IP. Un sentiment partagé par d’autres professionnels. «Lorsque nous recrutons un profil senior, la qualité de l’expérience prend de l’importance par rapport au niveau de formation, assure Emmanuelle Costa. Néanmoins dans les deux cas, nous attachons une grande importance à la capacité d’analyse financière, que ce soit pour des gérants actions ou obligataires.»

Plus généralement, une expérience d’analyste constitue donc aujourd’hui la voie royale pour devenir gérant.

«La majorité des gérants que nous recrutons ont souvent effectué un début de carrière en tant qu’analystes, il s’agit d’une progression assez naturelle dans ce métier», confirme Romain Boisnard. Certes un bon analyste ne fait pas nécessairement un bon gérant. Les deux métiers sont d’ailleurs encore souvent dissociés dans la plupart des sociétés de gestion. Mais sur certaines expertises, l’association des deux compétences est parfois nécessaire. «Lors d’une mission récente pour recruter un gérant high yield, nous avons concentré nos recherches exclusivement sur un analyste car l’employeur privilégiait un profil ayant des connaissances fortes en analyse crédit high yield compte tenu du profil du fonds géré en buy-and-hold, c’est-à-dire qui conserve les titres sur un horizon moyen terme», commente Nadia Tortel-Ubaysi. Si cet aspect est valable pour la gestion obligataire, il l’est aussi pour d’autres classes d’actifs.«Nous avons mis plus de six mois à recruter notre gérant dédié aux foncières cotées, détaille un dirigeant de société de gestion immobilière. Finalement nous avons été séduits par un profil d’analyste pour ce poste qui requiert une grande expertise du marché. Si savoir déterminer le bon timing d’investissement, conserver une certaine prudence et son sang-froid pendant les périodes de volatilité des marchés sont nécessaires à un bon gérant, analyser un marché est un prérequis indispensable.»

Une culture internationale

D’autres qualités sont également appréciées aujourd’hui, comme la capacité de travailler en équipe. «Le concept du gérant star est clairement révolu aujourd’hui avec une propension de plus en plus grande des sociétés de gestion à faire valoir plutôt l’expertise et le savoir-faire d’une équipe, indique Romain Boisnard. L’humilité est d’ailleurs souvent la qualité recherchée pour les profils de gérants. C’est donc un changement par rapport à il y a encore dix ans quand seuls le track record et la notoriété du gérant étaient regardés.»

L’internationalisation des métiers de la finance a également favorisé un autre changement majeur dans les qualités recherchées chez un gérant. «Nous privilégions des profils capables de s’intégrer dans un univers multiculturel», indique Marion Azuelos. Les gérants doivent au minimum parler couramment anglais en plus du français. «Si la maîtrise de l’anglais est devenue indispensable pour un gérant, en revanche le fait de connaître d’autres langues étrangères n’est pas un facteur déterminant dans un recrutement», nuance Nadia Tortel-Ubaysi.

Plus largement, les gérants doivent aujourd’hui être de bons communicants. «Les aptitudes à communiquer, aussi bien en interne avec les équipes qu’en externe avec les clients constituent aujourd’hui des qualités indispensables, ajoute Marion Azuelos. Les gérants doivent désormais de plus en plus expliquer leurs convictions et leurs stratégies devant ces derniers.» Ils doivent donc savoir faire preuve de pédagogie et surtout se montrer disponibles. «Tikehau Capital a dès le départ construit une relation de proximité forte avec ses clients : les gérants doivent répondre régulièrement à leurs questions et accompagner fréquemment les équipes commerciales à leurs rendez-vous», complète Emmanuelle Costa.

Une rémunération très hétérogène

Ces évolutions du métier de gérant ont clairement été intégrées dans leur niveau de rémunération, qui a eu tendance à progresser ces dernières années. Cependant il est difficile de donner des chiffres précis, compte tenu encore de la grande hétérogénéité de pratiques selon les sociétés de gestion. Les boutiques entrepreneuriales sont par exemple plus généreuses que les grandes maisons, filiales de groupes bancaires ou d’assureurs. «Notre politique de rémunération consiste à mettre en place un salaire fixe, dans la moyenne du marché, qui est compensé par une part variable plus attractive dans la limite de ce que la réglementation nous autorise, commente Emmanuelle Costa. Pour conserver l’esprit entrepreneurial de Tikehau Capital, nous donnons également la possibilité à nos salariés de devenir actionnaires.»

Les revenus sont aussi différents en fonction de l’expérience. «Un gérant junior peut débuter au minimum autour de 50 000 euros annuels de fixe, estime Romain Boisnard. Entre 5 et 10 ans d’expérience il peut espérer obtenir jusqu’à 80 000 euros. Pour des profils plus expérimentés ayant 10 à 15 ans d’expérience, les rémunérations fixes varient entre 100 000 à 150 000 euros annuels.» Ces montants peuvent néanmoins varier en fonction du type de gestion. Les gérants plus spécialisés, notamment sur la dette émergente ou encore les placements privés, sont souvent mieux rétribués.«Les rémunérations des équipes de gestion sont très variables d’une expertise à une autre, mais nous comparons très régulièrement nos pratiques de rémunération à celles du marché, indique Marion Azuelos. Nos grilles de rémunération se basent sur des études comparatives pays par pays et sont donc différentes pour nos collaborateurs selon leur implantation et leur expertise.»

Le lieu de travail du gérant a de fait un important impact sur son salaire puisque les places anglo-saxonnes continuent de se montrer plus généreuses. «Les rémunérations peuvent varier du simple au triple selon qu’un gérant est basé à Paris, Milan, Bruxelles ou Londres, constate Nadia Tortel-Ubaysi. Le salaire fixe d’un gérant senior en France est compris entre 120 000 à 140 000 euros tandis qu’à Londres, il s’élève, pour le même profil, au minimum à 150 000 à 160 000 livres sterling.» L’écart se creuse encore davantage en fonction des politiques de bonus qui sont appliquées. Les versements des parts variables, au titre de l’année 2014, qui commencent à être dévoilés ne font pas exception à cette règle.

Questions à ... Didier Le Menestrel, président de la Financière de l’Echiquier

Comment le métier de gérant a-t-il évolué ?

Didier Le Menestrel : Il y a encore trente ans, ce métier n’existait pas. Depuis il s’est largement professionnalisé. La fonction de gérant, telle que nous l’entendons aujourd’hui, s’est imposée à partir des années 2000. Néanmoins, elle continue encore de gagner en maturité et en technicité. En interne, nous avons d’ailleurs mis en place un programme de formation et nous finançons le passage du CFA (Chartered Financial Analyst) à nos jeunes recrues. Ce n’est certes pas un gage de devenir un bon gérant mais cela apprend une certaine rigueur et apporte la garantie d’un niveau d’anglais de très bonne qualité.

Quels sont vos critères de recrutement ?

Didier Le Menestrel : Lorsque j’ai créé, en 1991, Financière de l’Echiquier, j’ai très tôt décidé, après avoir recruté quelques personnalités que je connaissais bien, de donner une chance à la jeune génération. A l’époque, il n’y avait pas de formation spécifique au métier de gérant, j’ai donc misé avant tout sur des personnalités ayant un goût prononcé pour la bourse. Aujourd’hui, il existe de nombreux diplômes en finance délivrés à l’Université ou dans des grandes écoles de commerce. En interne, nous avons des profils très différents qui sont issus de HEC, de Dauphine ou même d’Audencia. Nous essayons d’ailleurs de cultiver cette diversité.

Quels canaux de recrutement privilégiez-vous ?

Didier Le Menestrel : Si nous avons aujourd’hui une directrice des ressources humaines, le recrutement des gérants passe toujours par la direction. Grâce à notre réseau et à notre connaissance de la réputation des professionnels, nous pouvons très rapidement contacter des profils qui peuvent à un moment donné nous intéresser. D’autre part, chaque année, nous recrutons plusieurs stagiaires au sein de l’équipe de gestion, c’est un moyen très efficace pour ensuite recruter de nouveaux talents puisque ceux-ci sont déjà formés à notre méthode de gestion. Enfin, il nous arrive de passer par le biais des réseaux sociaux, notamment Linkedin, ou de poster des annonces en ligne, pour augmenter le vivier de candidatures que nous recevons déjà de manière spontanée.

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