Directions financières

Le MBA, un accélérateur de carrière

Publié le 19 février 2016 à 15h19    Mis à jour le 19 février 2016 à 18h43

Astrid Gruyelle

De nombreux directeurs financiers choississent, au cours de leur carrière, de compléter leur formation par un MBA pour accéder rapidement à des postes plus élevés dans la hiérarchie. Une évolution permise en particulier par l’acquisition de compétences stratégiques.

Après onze ans d’expérience dans la même entreprise, Sebastian Rudy, directeur financier chez Alstom Power en Suisse (racheté par General Electric en novembre 2015), s’est décidé à suivre un MBA (master of business administration ou maîtrise en administration des affaires). Il a ainsi intégré l’Executive MBA de l’Essec & Mannheim en 2014, formation pour laquelle il sera diplômé en avril prochain. «A cette étape de ma carrière, je souhaitais prendre le temps de faire un point sur mes acquis financiers et non financiers et me confronter à d’autres professionnels pour ensuite mieux fixer mes objectifs d’évolution», explique-t-il. Toujours en poste, ce Franco-Allemand quitte la Suisse cinq jours toutes les six semaines pour rejoindre le campus de l’Essec à Paris. Une démarche qu’effectuent de nombreux professionnels à des rythmes parfois différents. Les formats des MBA varient en effet en fonction des écoles. Certains sont aménagés de manière à permettre aux professionnels en activité d’assister aux cours pendant une semaine ou un week-end à intervalles réguliers, tandis que d’autres se déroulent à plein temps et impliquent pour eux de quitter leur poste actuel le temps du cursus, entre 15 et 18 mois en moyenne. La taille des promotions varie également, de quelques dizaines à quelques centaines d’étudiants. Enfin, les MBA ne s’intègrent pas tous au même stade d’une carrière. «Les professionnels qui rejoignent celui d’HEC sont âgés de 25 à 34 ans et disposent de quatre ou cinq ans d’expérience, avec des missions d’encadrement d’une ou deux personnes», indique Benoît Banchereau, directeur de la communication, du développement et des admissions du MBA d’HEC. Au-delà de cet âge, l’école n’accepte que rarement les candidats. En revanche, d’autres cursus retiennent des professionnels plus avancés dans leur carrière. «L’âge moyen de nos étudiants est de 37 ou 38 ans et ils disposent d’une expérience professionnelle de douze ans, dont sept ans de fonctions à responsabilités», indique Félix Papier, directeur académique de l’Executive MBA de l’Essec & Mannheim. Tel est également le cas de l’Edhec qui retient des professionnels ayant entre 35 et 45 ans. Ouvertes aux professionnels de tout horizon, ces formations accueillent notamment des directeurs financiers. «Nous recevons de plus en plus de candidats issus de la finance, note Philippe Foulquier, directeur de l’Executive MBA de l’Edhec à Paris. Ils représentaient entre 5 % et 8 % de nos effectifs il y a quatre ans, contre environ 15 % aujourd’hui.»

Une initiative des professionnels

En rejoignant un MBA, ces professionnels de la finance cherchent avant tout à accélérer leur carrière. «Les directeurs financiers qui postulent souhaitent accéder rapidement à des fonctions financières plus élevées, comme directeur financier d’un pays, ou rejoindre la direction générale, note Philippe Foulquier. Suivre le MBA constitue pour eux un moyen de signaler à leur entreprise leur volonté d’évoluer.» Cette démarche est rendue notamment nécessaire du fait de la concurrence au sein des entreprises. «Les directeurs financiers de filiales ou de business units ont besoin de se distinguer puisqu’ils aspirent tous à la même progression, c’est-à-dire devenir directeurs financiers groupe», confirme Félix Papier. Au-delà d’un outil de distinction, le MBA représente parfois un passage obligé. «Dans les entreprises multinationales, le MBA est devenu une référence indispensable pour accéder à la direction générale», observe Benoît Banchereau. C’est notamment fort de ce constat que Sebastian Rudy a pris sa décision. «En suivant un Executive MBA, je souhaite progresser au sein de la direction financière du groupe, rejoindre la direction générale, ou encore pouvoir évoluer vers un poste de directeur administratif et financier d’un groupe plus petit», indique-t-il.

Autre profil rencontré : les directeurs financiers ayant des velléités entrepreneuriales.

«A l’issue du MBA, environ 50 % des participants restent dans leur entreprise, 30 % changent de structure et 20 % créent ou reprennent une société, estime Philippe Foulquier. Ces derniers ont souvent déjà exercé plusieurs activités et souhaitent devenir entrepreneurs, ce qui est par exemple le cas d’une directrice financière dans la promotion actuelle.»

Il arrive enfin que ce ne soit pas le directeur financier, mais son entreprise qui prenne l’initiative de lui suggérer d’intégrer un MBA. «Ce cas de figure se présente pour environ un tiers de nos participants qui viennent de la finance, observe Félix Papier. Une proposition de l’employeur sous-entend généralement une future progression. Nous avons ainsi reçu une cadre financière d’une grande entreprise du secteur de l’automobile dont la direction générale lui avait signifié qu’elle pourrait être promue directrice financière France si elle suivait un MBA.»

Une vision transversale

Que l’initiative provienne des employeurs ou des professionnels, le MBA constitue pour ces derniers un moyen d’augmenter significativement leur rémunération. «Le salaire moyen à l’issue du MBA s’élève à 137 000 dollars, soit en général le double du salaire initial des étudiants», signale Benoît Banchereau. En outre, cette formation représente pour eux une opportunité d’étendre leur réseau. «Les étudiants nouent des contacts importants entre eux, note Benoît Banchereau. Les promotions se composant de surcroît de plus de 90 % d’étrangers, ils apprennent à travailler d’une manière similaire aux pratiques observées au sein d’une entreprise multinationale.»

Ensuite, cette formation vise à leur conférer une vision transversale nécessaire pour progresser au sein de la hiérarchie et s’adapter aux nouvelles exigences de la fonction finance. «Le métier de la finance évolue, avec une composante stratégique de plus en plus forte car le directeur financier a désormais le rôle d’accompagner la direction générale et de s’impliquer plus fortement dans les autres domaines, comme les achats ou le marketing, dont il doit être en mesure de comprendre les enjeux, relève Philippe Foulquier. L’Executive MBA permet aux directeurs financiers d’acquérir ces nouvelles compétences, y compris dans le management et le leadership.»

En dehors des heures de cours, les étudiants doivent réaliser des projets pour mettre en œuvre les savoir-faire ainsi acquis. «Avec deux autres personnes, nous avons créé une entreprise dans le cadre du MBA et avons élaboré ensemble un business plan qui nous a permis de convaincre un premier tour d’investisseurs et donc de trouver des fonds pour lancer notre projet deleasy.com, explique Sebastian Rudy. Nous nous chargeons de tous les aspects d’une entreprise, financiers, mais aussi marketing, techniques et opérationnels.» Ce type de travaux représente bien souvent l’occasion pour les professionnels de concrétiser leur plan de carrière. «Un directeur financier a ainsi présenté une étude de marché sur une nouvelle activité qu’il souhaitait lancer, se rappelle Philippe Foulquier. Le comité exécutif de son entreprise qui assistait à la soutenance a alors décidé de le nommer responsable de cette nouvelle business unit.» Un exemple de succès de nature à inciter d’autres directeurs financiers à suivre cette voie.

Un tremplin pour passer de la direction financière à la direction générale

Lorsqu’il intègre l’Executive MBA de l’Edhec, Philippe Wallet occupe le poste de directeur administratif et financier du groupe textile Sweetco.«En parallèle de cette fonction, je gérais une petite business unit du groupe et j’étais confronté à des difficultés à diriger et à fixer des objectifs marketing, explique Philippe Wallet. Je ressentais le besoin d’obtenir une vision transversale et stratégique de l’entreprise.» Bien accueillie par son employeur, sa décision d’intégrer le MBA est devenue effective en 2011 et la formation s’est achevée en 2013. «Ces dix-huit mois m’ont permis d’accroître ma capacité à prendre des décisions et à me sentir légitime, indique Philippe Wallet. A l’occasion de la remise des diplômes, les actionnaires m’ont proposé de rejoindre la direction générale.» Philippe Wallet a ainsi été nommé directeur général adjoint du groupe.

Un haut niveau d’investissement exigé

Suivre un MBA requiert un important investissement, et ce à double titre.

  • Financièrement, les frais d’inscription oscillent entre 35 000 et 52 000 euros. «Les étudiants font le plus souvent appel à leurs fonds personnels ou à des prêts bancaires», indique Benoît Banchereau, directeur de la communication, du développement et des admissions du MBA d’HEC. Toutefois, les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) offrent dans certains cas des subventions aux professionnels et les entreprises acceptent parfois de participer aux frais.
  • Côté charge de travail, le MBA implique pour les étudiants de consacrer beaucoup de leur temps. «Cette formation nécessite un investissement personnel très important, relève Sebastian Rudy, directeur financier chez Alstom Power en Suisse. En plus de mon travail et des heures de cours, les devoirs à rendre régulièrement ainsi que les livres et les articles à lire me demandent en moyenne 10 à 20 heures d’investissement supplémentaire.» Les écoles préviennent en ce sens les candidats qu’ils devront être prêts à mettre leur vie familiale entre parenthèses le temps du MBA.

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