Les recrutements d’analystes financiers se font aujourd’hui plus rares qu’au début des années 2000 où les équipes se constituaient. Des besoins pour des profils très spécialisés émergent toutefois, notamment pour le segment high yield.
Le nombre d’analystes financiers sur la place de Paris a fortement chuté ces dix dernières années. La baisse atteint 39 % entre 2006 et 2015, selon les données de la SFAF (Société française des analystes financiers), et ils sont aujourd’hui au nombre de 342 en France. Cette réduction des effectifs se retrouve dans les banques. «Nous avons diminué d’environ 15 % la taille de notre équipe entre fin 2013 et mi-2014, même si depuis lors, l’effectif est quasiment stable», illustre Christophe Ricetti, responsable de la recherche global markets de Natixis. Un constat qui s’applique également aux sociétés de gestion. «Depuis 2007, l’équipe a été réduite de 32 à 18 personnes, puis s’est stabilisée en 2010», note Stéphane Taillepied, responsable analyse financière chez Amundi.
Ce phénomène généralisé s’explique essentiellement par les évolutions sur les marchés financiers. «Depuis les années 2000, les besoins en analystes sell-side, en particulier actions, se sont contractés compte tenu d’une chute des courtages et d’une réduction du nombre d’introductions en bourse, explique Pierre-Yves Gauthier, vice-président de la SFAF. Quant au buy-side, l’internalisation de la recherche par les sociétés de gestion n’a pas été aussi importante que prévu car il est coûteux de constituer une équipe en interne, et l’appui sur des analystes externes reste nécessaire face à la diversité des situations.»
La perte de vitesse de la place de Paris va de pair avec une importance accrue de celle de Londres. «Beaucoup de recrutements d’analystes financiers s’effectuent désormais outre-Manche, relève Stéphane Taillepied. Ils couvrent des segments différents et travaillent généralement davantage pour des hedge funds.»
Pour autant, des embauches s’opèrent encore sur le marché des analystes financiers, mais principalement pour des compétences spécifiques. «Aujourd’hui, nous renforçons notre équipe d’une part pour passer d’une couverture européenne à une couverture mondiale pour un certain nombre de secteurs et d’autre part pour développer notre expertise sur l’Europe pour les small et mid-caps», indique Stéphane Taillepied.
Des spécialités par classes d’actifs
Des opportunités existent ainsi pour les analystes financiers spécialisés dans des segments de marché bien définis. «Des experts sont recherchés par certaines sociétés de gestion qui se sont positionnées sur les biotechs par exemple, note Pierre-Yves Gauthier. Des maisons de taille importante ont quant à elles recruté des analystes crédit, car l’information sur les financements est moins facilement disponible et demande donc un travail d’investigation plus important.»
De nombreux professionnels sont ainsi passés de l’analyse action à l’analyse crédit. Toutefois, ces besoins évoluent rapidement en fonction des conditions de marché. «Le crédit souffre désormais de la faiblesse des taux d’intérêt, souligne Romain Boisnard, associé chez Tillerman. Depuis 18 à 24 mois, les asset managers et traders se tournent davantage vers des classes d’actifs alternatives, ce qui fait naître de nouvelles opportunités pour les analystes. Des besoins d’expertise émergent ainsi pour la dette privée, les obligations sécurisées, les prêts à effet de levier et le high yield.»
Tel a notamment été le cas chez Aurel BGC. «Dans mon équipe, nous avons recruté un analyste sectoriel high yield, explique Gabriella Serres, responsable recherche crédit du courtier sur les marchés financiers. Il est venu remplacer un analyste corporate car nous souhaitions nous spécialiser sur ce segment de marché qui a récemment pris plus de poids.»
Des compétences sectorielles
Autre exigence sur le marché du recrutement des analystes financiers : des profils ayant une connaissance élargie à d’autres classes d’actifs. Des candidats avec des compétences transversales, qui sachent à la fois analyser les actions et les obligations, sont très recherchés. «Désormais, un analyste action ne peut en effet se dispenser de suivre l’actualité macroéconomique du fait de son impact sur toutes les classes d’actifs, note Christophe Ricetti. Les investisseurs sont d’ailleurs de plus en plus demandeurs d’analyses transversales par secteur et par valeur. C’est pourquoi, en 2013, nous avons constitué un pôle de recherche qui rassemble tous les analystes actions, crédit et économistes, ce qui leur permet de travailler ensemble sur des thématiques transversales.» Une tendance qui s’observe également dans d’autres structures. «Les analystes action et crédit sont de plus en plus amenés à interagir, relève Stéphane Taillepied. Nous organisons en ce sens des réunions communes entre les deux équipes.»
Outre des spécialisations par classes d’actifs, les employeurs recherchent également des analystes experts pour les secteurs techniques.«Il y a 15 ans, le profil dominant était un spécialiste de l’analyse financière, indique Christophe Ricetti. Aujourd’hui, nous recherchons des compétences sectorielles fortes, en particulier dans des secteurs très industriels. Certains de nos analystes sont par exemple diplômés en pharmacie, afin d’être en mesure de porter un jugement sur les produits et la valorisation de cette industrie.» Cette exigence est partagée par d’autres acteurs, dès lors que le niveau de technicité est élevé. «Nous disposons d’une équipe composée de 18 analystes spécialisés par secteur, explique Stéphane Taillepied. Une pharmacienne et une chimiste sont en charge du suivi du secteur de la santé, tandis qu’un centralien analyse celui de la technologie, car la connaissance des produits dans ces secteurs est primordiale.»
Des capacités de communication
Pour l’ensemble de ces profils d’analystes financiers, les recruteurs sont enfin attentifs à l’existence de compétences autres qu’une expertise technique. A commencer par une capacité à s’y retrouver dans le fourmillement des données. «Avec l’émergence du big data, la consommation d’informations moins structurées s’accélère, ce qui exige de la part des analystes de repérer les faiblesses de ces informations», prévient Pierre-Yves Gauthier. Ce changement implique également de savoir manier un nombre important d’informations. «Les analystes doivent disposer d’une capacité à synthétiser les données chiffrées sur les entreprises ou le secteur confiés, note Anne-Sophie Luçon, manager exécutif senior chez Michael Page. Ils doivent également être en mesure de communiquer le résultat de leur analyse, notamment en argumentant leurs préconisations avec précision.» Cette dernière mission a d’ailleurs pris une place accrue dans le quotidien du métier d’analyste. «Nous recherchons des profils doués en communication car ils doivent être à même de convaincre les gérants et de s’entretenir avec les présidents-directeurs généraux, les directeurs administratifs et financiers et les opérationnels des entreprises qu’ils analysent», souligne Stéphane Taillepied.
Outre la communication, l’aspect commercial de la fonction d’analyste financier s’est renforcé.«Le métier a profondément changé, avec notamment une composante marketing et commerciale qui s’est largement développée, indique Christophe Ricetti. Avec la mise en place de la directive sur les marchés d’instruments financiers (Mifid 2) qui nous imposera de tarifer nos produits et de les vendre, celle-ci va encore prendre de l’importance.» Cette directive pourrait par ailleurs faire émerger de nouvelles structures. «Mifid 2 permettra d’obtenir des prix clairs et transparents pour la recherche, estime Pierre-Yves Gauthier. Cette transparence pourrait inciter de nouveaux entrants à s’installer sur le marché et à moderniser l’offre.» Un mouvement qui se traduirait alors par de nouveaux besoins en analystes financiers.
Une diversité de profils
– Lorsqu’elles recrutent, les sociétés de gestion disposent d’un large champ de recherche. «Les viviers de recrutement sont assez nombreux, confirme Romain Boisnard, associé chez Tillerman. Les candidats peuvent provenir d’agences de notation, d’équipes de financement de banques, d’équipes sell-side de banques d’investissement ou bien d’équipes de recherche d’autres sociétés de gestion.»
– Les pistes ne manquent pas non plus pour le sell-side. «Les profils que nous recevons peuvent être issus de l’audit, de banques d’investissement ou encore du M&A», liste Gabriella Serres, responsable recherche crédit chez Aurel BGC. Pour l’ensemble des analystes, les exigences en termes de formation sont similaires. «Les profils recherchés doivent généralement avoir obtenu l’un des trois masters spécialisés en analyse financière : celui de la SFAF, du CFA (Chartered Financial Analysts) ou le CIIA (Certified International Investment Analyst)», indique Romain Boisnard.
– En revanche, les possibilités de monter dans la hiérarchie restent limitées. «La progression du métier d’analyste financier est très horizontale, estime Gabriella Serres. Il est possible de passer du statut d’analyste junior à celui d’analyste senior. L’opportunité peut également se présenter de devenir responsable d’équipe.» Il leur est autrement possible de s’éloigner de l’analyse financière en fonction de leurs centres d’intérêt. «Les profils ayant une appétence pour l’aspect marché peuvent se tourner vers la gestion de portefeuilles, ceux ayant un goût prononcé pour la recherche peuvent s’orienter vers des postes de chefs économistes ou de responsables d’ingénierie financière, et les analystes attirés par la communication peuvent devenir responsables des relations investisseurs», relève Anne-Sophie Luçon, manager exécutif senior chez Michael Page.