En parallèle du traditionnel entretien d’évaluation de fin d’année, les directions financières sont de plus en plus nombreuses à organiser avec leurs collaborateurs des réunions individuelles intermédiaires. Une pratique qui, dans un environnement économique et financier toujours difficile, contribue à améliorer le pilotage de la performance.
Avec la clôture des comptes et l’établissement du prochain budget, les directeurs financiers se préparent à se consacrer au troisième temps fort habituel de la fin d’exercice : les entretiens d’évaluation annuels de leurs collaborateurs. En effet, ce processus va débuter au cours des prochains jours au sein des sociétés les plus avancées. Selon les spécialistes, le millésime 2015 ne devrait pas déboucher, a priori, sur des évolutions significatives.«Qu’il s’agisse des sujets opérationnels comme des enveloppes salariales à allouer, nous ne percevons à ce stade aucune tendance majeure en France comme en Europe, prévient Philippe Perriot, consultant en rémunération et ressources humaines chez Towers Watson. Ainsi, les entretiens d’évaluation annuels réalisés au titre de 2015 devraient rester dans la continuité des précédents, tant en ce qui concerne les directions financières que les autres départements des entreprises.»
Une situation qui n’empêche pas les sociétés françaises, pour l’essentiel celles de taille significative, de mener actuellement de nombreuses réflexions autour de ce type de rendez-vous. Celles-ci portent avant tout sur leur format. «Au côté de l’entretien d’évaluation annuel traditionnel, certains groupes ont en effet commencé, depuis plusieurs mois, à organiser des entretiens individuels intermédiaires, constate Joris Wonders, directeur du département talent & reward de Towers Watson. Parmi nos clients, plusieurs autres sociétés envisagent de faire de même.» Selon des observateurs, il s’agirait d’une dynamique de fond en Europe.
Des points d’étape appréciés des collaborateurs
Mise en place depuis quelques années déjà par certains groupes, à l’image de La Française des jeux (voir encadré), cette pratique tend ainsi à gagner en popularité, soutenue par l’environnement économique et financier toujours morose. Outre l’atonie de l’activité, la période actuelle reste en effet marquée par une visibilité très réduite. Dans ce contexte, le fait de fixer un objectif en début d’exercice, avant de dresser un bilan douze mois plus tard, apparaît aux yeux d’un nombre croissant de directeurs financiers comme peu pertinent, voire inefficace.
A l’inverse, en programmant au moins deux entretiens dans l’année, les managers financiers s’offrent la faculté de réajuster des objectifs devenus obsolètes ou de mettre en œuvre des mesures correctives plus rapidement. «En termes de pilotage de la performance, cette stratégie se traduit par un regain d’agilité au bénéfice de l’entreprise, assure Romain Bureau, senior partner chez Mercer. En outre, elle est le plus souvent plébiscitée par les collaborateurs eux-mêmes, notamment les profils les moins seniors qui sont très demandeurs de “feedbacks” réguliers.»
Le rendez-vous de fin d’année maintenu
Face à l’intérêt mutuel suscité par ces points d’étape intermédiaires, les ingrédients semblent donc réunis, de l’avis des observateurs, pour assister à leur généralisation au sein des grands groupes. De là à imaginer une disparition de l’entretien de fin d’année, il y a toutefois un pas que les spécialistes refusent de franchir. Pour eux comme pour les directeurs financiers, l’évaluation organisée à l’issue de chaque exercice reste en effet un rendez-vous incontournable à plusieurs titres. «D’une part, il s’agit du moment le plus propice pour déterminer la rémunération variable qui sera distribuée dans la mesure où, l’année étant achevée, il est possible de comparer les performances individuelles avec les objectifs préalablement fixés, poursuit Romain Bureau. D’autre part, le directeur financier peut procéder à une revue d’effectifs complète, ce qui lui permet de connaître les aspirations de chacun. Ce faisant, il est ainsi en mesure de planifier d’éventuels mouvements internes et d’évaluer le budget destiné à la formation.»
Deux problématiques généralement considérées comme un casse-tête par les responsables financiers, qui peuvent être plus facilement réglées en procédant à plusieurs entretiens d’évaluation durant l’année. Même si l’échantillon d’entreprises concernées reste encore relativement limité, certains observateurs affirment en effet que le turn-over au sein des équipes qui en bénéficient a tendance à être inférieur à la moyenne sectorielle.
Questions à… Pierre-Marie Argouarc’h, directeur des relations humaines et de la transformation, La Française des jeux
Comment se déroulent les entretiens d’évaluation annuels pour les collaborateurs financiers du groupe ?
Pierre-Marie Argouarc’h, directeur des relations humaines et de la transformation, La Française des jeux : Pour les membres de la fonction finance comme pour l’ensemble de nos salariés, nous organisons chaque année, entre janvier et mars, un entretien individuel. A cette occasion, un bilan de l’exercice écoulé et des projets en cours est effectué. Depuis deux ans, nous réalisons également des entretiens intermédiaires, entre avril et décembre. A ce jour, près d’un quart de nos collaborateurs en bénéficient. Au sein de la direction financière, c’est par exemple le cas de la plupart de nos contrôleurs de gestion. Nous avons toutefois l’objectif de généraliser cette pratique.
Pourquoi avoir instauré une telle démarche ?
Pierre-Marie Argouarc’h : Depuis cinq ans, nous avons recruté près de 1 000 collaborateurs. Afin notamment de nous assurer de leur bonne intégration et du respect de leurs objectifs, nous avions considéré qu’il était opportun d’effectuer un bilan d’étape. A partir de là, nous nous sommes posés la question suivante : dès lors qu’un projet est modifié – quelle que soit la cause – ou que des objectifs sont révisés, pourquoi attendre l’entretien annuel pour en discuter avec le salarié concerné ? Face aux retours positifs que nous enregistrons de la part de nos salariés à l’issue des premiers rendez-vous intermédiaires, nous avons conclu que le fait de mener un suivi plus régulier permettait un pilotage plus efficace de la performance.
Envisagez-vous donc de supprimer le traditionnel entretien de fin d’exercice au profit de rendez-vous plus spontanés, répondant à un besoin précis ?
Pierre-Marie Argouarc’h : L’entretien de fin d’exercice est maintenu car il présente plusieurs avantages. D’abord, il permet de dresser un bilan global de l’année et des performances individuelles, ce qui contribue à calculer la part de la rémunération variable, qui est versée au mois de mars de l’année suivante. En outre, les collaborateurs profitent de ce moment pour nous indiquer leurs souhaits d’évolution, notamment en matière de formation. Ainsi, nous pouvons nous appuyer sur ces échanges pour définir le budget correspondant.
Salaires : moins d’augmentation collective en perspective
- Selon les prévisions de plusieurs cabinets spécialisés, les revalorisations salariales devraient s’élever en 2016, toutes entreprises et postes confondus, entre 1,5 % et 2 % en moyenne. Une fourchette qui devrait globalement s’appliquer aux métiers de la fonction finance, sauf pour les profils spécialisés ou rares (consolideurs, trésoriers…), pour lesquels l’augmentation pourrait atteindre jusqu’à 7 %.
- Toutefois, la situation ne devrait pas profiter à l’ensemble des collaborateurs. «Cette année déjà, une part importante des effectifs financiers n’a pas vu son salaire progresser, rappelle Mikael Deiller, manager exécutif senior chez Michael Page Finance & Comptabilité. Cela a par exemple été le cas de 41 % des contrôleurs de gestion. En 2016, la tendance devrait rester identique.» Une perspective confirmée par plusieurs directeurs financiers d’ETI et de grands groupes.
- Afin d’appliquer une telle politique différenciée d’augmentation, les directions financières réfléchissent de plus en plus à la mise en place de rémunération variable. «Le fait de conditionner une partie du revenu au respect de critères préalablement établis constitue un moyen simple et objectif pour récompenser les meilleurs éléments», estime un directeur financier d’ETI. Ainsi, plusieurs groupes tendent à élargir cette stratégie. «Sur nos 80 collaborateurs financiers, 25 reçoivent une part variable, illustre Pierre-Marie Argouarc’h, directeur des relations humaines et de la transformation au sein de La Française des jeux. Au niveau du groupe, ce chiffre monte à environ 200 et il progresse tous les ans de 50 personnes.»