Au-delà des diplômés des grandes écoles et des universités, les entreprises de la finance, banques en tête, se tournent de plus en plus vers les nouvelles écoles d’informatique, telles l’Ecole 42 ou Simplon, pour recruter.
Le 6 novembre, une nouvelle promotion de 900 élèves a fait sa rentrée à l’Ecole 42, l’école d’informatique créée en 2013 par l’homme d’affaires Xavier Niel, dans le nord-ouest de Paris, boulevard Bessières.
Là, ces jeunes âgés de 18 à 30 ans, qui ont été sélectionnés parmi 50 000 candidats, ont commencé à suivre un cursus un peu particulier. La formation à laquelle ils participent pour devenir développeurs informatiques, durant trois à cinq ans, est entièrement gratuite, et ouverte à tous, sans conditions de diplôme. «40 % de nos élèves n’ont pas le baccalauréat. Nous recherchons des jeunes qui ont du talent en informatique, mais qui ne sont pas forcément reconnus par le système éducatif classique», explique Nicolas Sadirac, directeur général de l’établissement. En entrant dans cette école hors normes, ils ont cependant la quasi-certitude de trouver un emploi. La raison ? «En France, les entreprises sont confrontées à une pénurie de développeurs informatiques, alors qu’elles en ont de plus en plus besoin. 80 % de nos étudiants sont recrutés avant leur sortie de l’école, dans des start-ups ou de grandes entreprises, en premier lieu du secteur numérique mais aussi de plus en plus du monde de la finance», constate Nicolas Sadirac.
Les banques, notamment, sont devenues de gros recruteurs du numérique, d’après lui, alors qu’elles investissent dans l’intelligence artificielle, la blockchain et la sécurité des moyens de paiement. Un point de vue partagé par Stéphane Distinguin, président de la Grande Ecole du numérique, pour qui «les plus grands recruteurs dans le domaine du numérique sont les banques».
En pleine transformation digitale, les établissements bancaires qui recrutaient auparavant surtout des jeunes diplômés des grandes écoles et des universités, se tournent désormais aussi vers les nouvelles écoles d’informatique, telles l’Ecole 42, Simplon et la Grande Ecole du numérique (voir encadré), qui sont gratuites et ouvertes à tous.
C’est notamment le cas de Société Générale. La banque de la Défense embauche de plus en plus de jeunes issus de l’Ecole 42 et de Simplon notamment. «Nous diversifions nos recrutements. Nous recherchons de plus en plus de nouveaux profils, de jeunes talents du numérique, issus d’écoles moins traditionnelles et de start-ups», explique Hélène Krief, responsable recrutement de la banque de grande clientèle et solutions investisseurs de Société Générale. Il en va de même chez BNP Paribas et BPCE.
Attirer de nouveaux profils
«Recruter des professionnels du numérique n’est aujourd’hui pas simple face à l’importance de la demande. En nous tournant vers les nouvelles écoles d’informatique, et notamment Simplon, nous parvenons à recruter des développeurs informatiques de qualité», indique Catherine Vallée, chargée de recrutement à BPCE.
Au-delà des banques, les nouvelles écoles non traditionnelles sont également devenues une filière de recrutement pour d’autres acteurs de la finance. C’est le cas du géant de l’assurance Allianz qui mise désormais sur de «nouveaux profils» de candidats, plus divers. «Depuis quelques années, nous recrutons des jeunes talents du numérique issus des nouvelles écoles informatiques et des start-ups, et ces recrutements devraient augmenter dans les années à venir au vu de nos besoins dans ce domaine», estime Cécile Deman-Enel, directrice du développement RH et talent management chez Allianz France.
Axa, AG2R-La Mondiale, JP Morgan s’intéressent également à ces nouvelles écoles. La preuve ? Ces entreprises ont toutes noué des partenariats avec certaines d’entre elles, basés sur des échanges en matière de formation et d’organisation d’événements, et sur du mécénat. JP Morgan, IDInvest, BNP Paribas de même qu’Allianz figurent ainsi parmi les mécènes de Simplon.
Les uns et les autres, qu’il s’agisse des groupes d’assurance ou des banques, proposent par ailleurs toute une panoplie de projets aux étudiants de ces écoles, afin de mieux se faire connaître et de séduire ces jeunes geeks qui ne sont pas forcément attirés par le monde de la finance. Société Générale, par exemple, organise des concours pour les start-ups créées par des jeunes de ces écoles afin de les inciter à s’installer sur leur technopole des Dunes, à Val-de-Fontenay (94). A l’instar d’Allianz ou d’autres acteurs de la finance, la banque lance aussi des «hackathons», c’est-à-dire des projets menés avec les étudiants, durant 48 ou 72 heures, dans les domaines du digital, des nouvelles applications numériques ou des produits cryptés. «Nous venons de mener un hackathon de 72 heures sur la sécurité numérique avec la Société Générale et le ministère de l’Economie numérique», explique Nicolas Sadirac, de l’Ecole 42. De son côté, BNP Paribas met actuellement en place avec l’Ecole 42 un laboratoire sur la banque en ligne, la relation client et les nouveaux usages de la carte bancaire. «Tous ces projets permettent aux entreprises de trouver de nouvelles idées et de nouveaux talents», souligne un professionnel.
Plus de diversité dans l’entreprise
Recruter des jeunes avec de nouveaux profils induit aussi plus de diversité dans l’entreprise. «Cela renforce la diversité chez nous, parmi nos salariés. Nous devons donc réaliser un effort d’intégration, afin d’accueillir au mieux cette génération de jeunes professionnels qui disposent de nouvelles compétences, afin de les fidéliser», indique Cécile Deman-Enel, directrice du développement RH et talent management chez Allianz France.
Cela ne va pas, parfois, sans poser des défis. Provenant d’un univers différent des grandes écoles et des universités, les jeunes issus des nouvelles écoles apportent souvent de nouvelles façons de penser, de travailler et de vivre au sein de l’entreprise.«Nous devons faire en sorte que ces jeunes trouvent chez nous des challenges intéressants, des approches collaboratives et flexibles, à la hauteur de leurs attentes. Et nous travaillons à rendre notre culture d’entreprise plus collaborative pour tous les salariés, et plus inclusive, ce qui est très enrichissant», souligne Cécile Deman-Enel.
Accueillir de nouveaux profils demande ainsi des efforts d’adaptation pour les entreprises, mais celles qui y recourent s’estiment gagnantes. Pour elles, cela ne fait pas de doute : une plus grande diversité rend l’entreprise plus créative.
Des écoles non traditionnelles et très récentes
Face aux difficultés des entreprises à recruter des talents du numérique, plusieurs écoles d’informatique non traditionnelles, gratuites et ouvertes à tous, et à la pédagogie souvent innovante, ont vu le jour au cours des dernières années. Outre l’Ecole 42, fondée en 2013 par Xavier Niel, Simplon a été créée en 2014 dans une usine désaffectée de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Depuis lors, cette start-up soutenue par des partenaires publics et privés – tels Orange, Banque Populaire, JP Morgan, AG2R-La Mondiale – a formé 1 000 personnes, âgées de 18 à 38 ans, dans le cadre de sessions intensives de six mois. Elle a ouvert cette année une antenne parisienne. Lancée par le président de la République François Hollande en septembre 2015, la Grande Ecole du numérique est, quant à elle, un label public de formations courtes et qualifiantes aux métiers du numérique. Elle regroupe désormais plus de 400 formations innovantes (dont celles de l’Ecole 42 et de Simplon) dans toute la France. Son statut est celui d’un groupement d’intérêt public rassemblant acteurs publics et privés (notamment la Société Générale).