Rémunération

Les sociétés de gestion renouent avec les bonus

Publié le 17 avril 2015 à 16h23    Mis à jour le 17 avril 2015 à 19h06

Sandra Sebag

Après plusieurs années de vaches maigres, les bonus versés par les sociétés de gestion semblent repartir à la hausse. Ils restent toutefois inférieurs au niveau d’avant crise et sont soumis à une réglementation très stricte dans le cadre de la directive AIFM.

Le mois de mars est un mois important pour les salariés des sociétés de gestion car c’est celui durant lequel sont annoncés, puis payés, les bonus. Ces primes d’un montant variable calculées en fonction de plusieurs critères comme la performance ou encore la collecte générée, sont versées à l’ensemble des salariés des sociétés de gestion, mais de façon individualisée. Cette année les bonus sont clairement orientés à la hausse, ce qui n’était pas arrivé depuis le début de la crise financière en 2008. «Les salariés des sociétés de gestion ont retrouvé le sourire, témoigne Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search, un cabinet de chasseurs de têtes. Les bonus sont nettement en hausse par rapport à l’an dernier, même si les niveaux de 2008 n’ont pas été encore retrouvés.» Même son de cloche chez Robert Half. «Les bonus reflètent l’activité de l’année 2014 qui a été plutôt bonne pour les sociétés de gestion», indique Baptiste Lambert, manager de Robert Half Financial Services. Difficile tout de même de donner un chiffre moyen qui témoignerait de cette hausse tant les bonus peuvent varier en fonction du type de poste occupé et de la société de gestion : la hausse est estimée néanmoins dans une fourchette comprise entre 20 et 30 %.

Un redémarrage du marché du travail

Cet accroissement a pour but de retenir les meilleurs talents dans un contexte de redémarrage de l’emploi. Les premiers mois de l’année 2015 confirment en effet le sentiment des recruteurs à fin 2014 quant à l’évolution de l’emploi dans les sociétés de gestion. «Le marché de l’emploi redémarre vraiment, affirme Odile Couvert. La concurrence autour de certains profils s’accentue.» Les gérants spécialisés sur la dette, les analystes ou encore les commerciaux seniors et les spécialistes de la conformité sont en effet recherchés (voir Option finance du 26 janvier 2015). Les sociétés de gestion n’hésitent ainsi plus à récompenser leurs meilleurs talents afin d’être certaines de les conserver. «Les sociétés de gestion sortent d’une longue période de crise durant laquelle elles ont été vigilantes en matière de salaires, rappelle Baptiste Lambert. La situation s’améliorant, elles doivent récompenser leurs salariés et notamment ceux qui sont les plus importants pour le développement afin de les fidéliser.»

Les salariés ne sont cependant pas tous logés à la même enseigne. La part de la rémunération variable est en effet plus élevée pour certaines fonctions comme les gérants, les commerciaux ou encore le management qui sont directement impliqués dans l’obtention des bons résultats de la société de gestion. Parmi les fonctions qui ont été récemment favorisées figurent les commerciaux, mais aussi les spécialistes du marketing et de la communication, des sujets sur lesquels travaillent les sociétés de gestion afin de se développer. Ces professionnels sont les premiers récompensés en cas de hausse des encours», constate Baptiste Lambert. Autre population bénéficiant de l’amélioration du climat : les gérants. «Ces derniers ont vu la part de leur rémunération variable fortement augmenter cette année, ils ont souvent perçu une partie des commissions de surperformance», poursuit Odile Couvert. Ces commissions sont versées par les investisseurs en cas de dépassement d’un certain niveau de performance.

Mais qu’il s’agisse des gérants ou des commerciaux, la part variable peut être très différente d’une société de gestion à l’autre. «Les bonus versés aux gérants peuvent varier dans une fourchette comprise entre 50 % et 150 % du salaire fixe», calcule Odile Couvert. Du côté des fonctions support en revanche, la hausse est moins nette. «La rémunération des fonctions support est plus lissée car la part fixe est plus importante que les bonus, à la différence des fonctions de front office, indique Odile Couvert. La part de la rémunération variable est comprise pour ces fonctions dans une fourchette entre 5 et 20 %. En période faste, leurs bonus sont moins élevés que ceux des commerciaux et des gérants et devraient se situer entre 15 et 20 % du salaire fixe.»

Des sociétés entrepreneuriales plus généreuses

Il existe également des différences en matière de bonus selon la structure de gestion. Les sociétés de gestion entrepreneuriales ont tendance à proposer des salaires fixes peu élevés et une part variable importante. «Les boutiques ont besoin d’attirer les talents, elles n’hésitent pas ainsi à reverser une part importante des profits aux gérants et aux commerciaux, explique Odile Couvert. A ce titre, certaines reversent un quart des commissions de surperformance aux gérants.» Par ailleurs, le management, mais aussi un grand nombre de collaborateurs, sont souvent associés au capital. Ils sont de ce fait directement intéressés aux bénéfices, ce qui n’est pas le cas pour les filiales de grands groupes. Dans une société de gestion comme Sycomore par exemple, 20 % du capital est détenu par les salariés. Et plus généralement, dans cette société de gestion, la part variable est importante tandis que les salaires fixes peuvent être inférieurs au marché (voir Option Finance du 26 janvier 2015).

Enfin, autre différence à souligner, selon le type d’agrément de la société de gestion, la réglementation qui s’applique en matière de salaire n’est pas la même. La directive AIFM entrée en vigueur à l’été 2013 intègre des critères très stricts en matière de rémunération. Celle-ci concerne toutes les sociétés de gestion ayant demandé un agrément afin de gérer des fonds alternatifs (FIA) dans l’immobilier, le capital investissement ou encore des hedge funds. Sur plus de 600 sociétés de gestion enregistrées en France, 315 étaient agréées AIFM au mois de février dernier. Un agrément qui a un impact non négligeable sur la formation des salaires en ce qui concerne notamment les gérants. A ce titre, la performance obtenue ne peut plus être le seul critère d’évaluation et doit être analysée au regard du risque pris. «La gestion est strictement encadrée en matière de risque ; si le gérant dépasse les limites de risque autorisées, il ne touchera pas de bonus et cela quelle que soit la performance obtenue», prévient Arabelle Conte, responsable commercialisation et vie des acteurs à l’Association française de la gestion financière (AFG). La performance et le risque doivent être analysés ex-post. Par conséquent, le paiement des bonus est différé dans le temps. «Au moins 40 % du paiement des bonus doit être étalé sur trois ans, poursuit Arabelle Conte. Si en n + 1, n + 2 ou n + 3, des dépassements non autorisés en matière de risque sont constatés, les bonus différés seront impactés.» Le bonus annoncé peut être ainsi très différent du bonus réellement perçu. Cette réglementation qui s’applique pour l’instant seulement aux gérants de fonds alternatifs devrait être prochainement généralisée. La directive Ucits 5, dont les lignes directrices (guidelines) devront être prochainement publiées, vise justement à harmoniser la gestion AIFM et la gestion Ucits. Une harmonisation qui aura clairement un impact sur les bonus des gérants.

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