Recrutement

Quand trop d’exigence nuit...

Publié le 6 mars 2015 à 17h14

Guillaume Clément

De nombreuses entreprises disent avoir du mal à recruter des collaborateurs qui répondent parfaitement à leurs exigences dans les fonctions financières. Une situation qui résulterait moins d’une pénurie de talents que de la difficulté qu’éprouvent certaines sociétés… à séduire ces derniers !

Pour les directions financières cherchant à recruter des collaborateurs, les temps sont durs. Une étude menée en début d’année par Michael Page, auprès notamment de 304 responsables financiers en France, indique en effet que 70,1 % d’entre eux trouvent «difficile» de s’entourer des talents dont ils ont besoin. Pourtant, à en croire les cabinets de recrutement, les candidats qualifiés ne manquent pas !

«Nous rencontrons de nombreux professionnels qui bénéficient d’un très bon niveau de formation dans les métiers de la finance en France», affirme Bruno Fadda, directeur chez Robert Half. Pour ce dernier, l’explication serait donc à chercher ailleurs, en particulier dans les critères de sélection des entreprises elles-mêmes. «Celles-ci ont fortement durci leurs cahiers des charges depuis 2008, y compris dans la fonction finance, ce qui rend nos recherches encore plus complexes qu’auparavant», poursuit Bruno Fadda. Afin d’optimiser au maximum leurs recrutements, les directions financières n’hésitent en effet plus à réclamer, dans un contexte budgétaire plus contraint, des «super-candidats» capables de prendre en charge une variété de tâches qui auraient auparavant été confiées à plusieurs collaborateurs.

Cette quête de profils polyvalents concerne avant tout les spécialistes comme les comptables fiscaux, les contrôleurs de gestion industriels et les consolideurs. Désormais, les sociétés attendent de ces derniers qu’ils soient en mesure – en plus de leur expertise – de s’adapter à des tâches et à des environnements différents de leur cœur de métier. Un responsable comptable peut par exemple être amené à copiloter un projet de développement commercial avec un directeur marketing ou participer à la mise en place d’un nouveau système d’information. Autrefois exigée pour les seuls postes de directeur financier, cette faculté à interagir avec différents services et avec des équipes multiculturelles, souvent présentes sur plusieurs sites, notamment à l’étranger, est un «savoir-être» de plus en plus demandé pour les fonctions de cadres financiers.

Des candidats en position de force

Outre de telles difficultés à trouver des profils qui les intéressent, les directions financières peuvent aussi être confrontées à un autre problème : ne pas réussir à susciter l’intérêt des candidats correspondant à leurs attentes ! De plus en plus de professionnels retirent en effet leur candidature au cours du processus de recrutement, voire finissent par refuser le poste auquel ils postulaient lorsque celui-ci leur est finalement proposé. Une situation favorisée par l’augmentation des opportunités sur le marché du travail. «Trop de sociétés pensent encore que, parce que la situation de l’emploi est globalement tendue en France, les professionnels de la finance sont prêts à tout pour obtenir un poste, explique Bruno Fadda. La réalité est tout autre puisque le marché reste dynamique pour les fonctions comptables et financières. Les meilleurs profils sont même souvent convoités par plusieurs employeurs en même temps.»

Dans ce contexte, il incombe donc à l’entreprise de se mettre en valeur auprès des potentielles recrues. Si la rémunération reste un critère déterminant pour séduire les collaborateurs, d’autres paramètres entrent de plus en plus en ligne de compte, d’après les cabinets de recrutement, comme la perspective de participer à un projet motivant et les possibilités d’évolution de carrière en interne. Les spécialistes constatent aussi que les candidats sont de plus en plus soucieux des contraintes liées à la mobilité induites par leur futur emploi.«Certains professionnels refusent de rejoindre les entreprises qui sont trop éloignées de leur lieu de résidence, constate Mikaël Deiller, senior executive manager chez Michael Page. Plus généralement, les sociétés qui se situent dans des zones peu attractives et difficilement accessibles éprouvent des difficultés bien plus importantes à recruter que celles dont les bureaux sont sur des sites comme la Défense (près de Paris) ou les centres-villes des métropoles.» Quant aux postes financiers qui s’exercent à mi-temps entre plusieurs villes, ou qui nécessitent des déplacements fréquents en France et à l’étranger, ils auraient encore plus de difficultés à trouver preneur !

Enfin, une des causes principales de renoncement des candidats est le plus souvent liée à la longueur des procédures de recrutement, qui peut atteindre jusqu’à deux mois. «L’augmentation du nombre d’interlocuteurs au sein des sociétés, que nous observons depuis la crise, dessert les sociétés, confie Laurent de Bellevue, directeur associé chez Robert Walters. Plus le candidat est contraint d’attendre, plus il risque de se lasser et de saisir d’autres opportunités.» Les entreprises les plus réactives tendent ainsi à être celles qui remportent les meilleurs profils.

Deux pistes pour s’adapter

Pour ne pas voir s’échapper les talents dont elles souhaitent s’entourer, les directions financières ont donc tout intérêt à se montrer davantage flexibles, tant en matière de calendrier que d’exigences. «Nous encourageons les sociétés à favoriser les compromis avec les candidats, recommande Mikaël Deiller. Un terrain d’entente peut typiquement être trouvé en accordant à un postulant un champ d’action qui n’était pas prévu dans le descriptif initial du poste, ou, inversement, en lui retirant certaines tâches si elles ne l’intéressent pas ou n’entrent pas dans son champ de compétences.»A défaut, les entreprises peuvent aussi proposer aux nouvelles recrues des formations en interne. «Même si la majorité d’entre elles préfèrent recruter des professionnels déjà formés, il peut être rapidement rentable d’envoyer, par exemple, un collaborateur dans une filiale à l’étranger pendant quelques semaines pour lui permettre de parfaire son anglais, poursuit Mikaël Deiller. Payer une formation portant sur l’utilisation d’un système d’information n’exige pas non plus de dépenses irraisonnées.» Un constat assez largement partagé, puisque, selon l’étude de Michael Page parue en début d’année, la seconde priorité liée aux ressources humaines des directeurs financiers en 2015, après la gestion du changement, porte sur la formation et le développement de leurs collaborateurs.

Certaines entreprises doivent apprendre à mieux se vendre

Les sociétés qui ont du mal à recruter des collaborateurs financiers souffrent souvent d’un manque de visibilité sur le marché de l’emploi. «Contrairement aux grands groupes qui peuvent compter sur le prestige de leur marque pour attirer les candidats, les sociétés moins connues doivent redoubler d’efforts pour attirer les talents financiers», constate Mikaël Deiller, senior executive manager chez Michael Page.

Un bon moyen de se rendre attractif est de communiquer sur Internet et dans la presse sur ses projets de croissance, ses opérations de financement à venir, ainsi qu’expliquer son activité et ses perspectives.» Pour se faire connaître, de plus en plus d’entreprises participent aussi notamment à des salons professionnels et à des rencontres avec les étudiants.

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