Faisant face à une pression réglementaire toujours importante, les sociétés de gestion continuent de renforcer leurs équipes dédiées au contrôle et à la conformité. Pour attirer des professionnels expérimentés, elles sont prêtes à offrir des rémunérations attractives.
Le métier du contrôle interne et de la conformité dans la gestion d’actifs a encore de beaux jours devant lui. Alors que de nombreuses sociétés de gestion ont déjà intégré ce type de fonction au sein de leur organisation depuis 2011, date à laquelle l’AMF a renforcé ses règles d’encadrement, les recrutements ont largement repris ces derniers mois. «En six mois, le nombre de missions que j’ai obtenues en contrôle interne et en conformité a été multiplié par deux», confirme Etienne Billing, consultant senior en finance de marché chez Fed Finance. Ce phénomène s’explique par la pression que subissent les équipes déjà en poste pour suivre les évolutions réglementaires, toujours aussi nombreuses.
«L’an passé, à titre d’illustration, j’ai étudié une quinzaine de réglementations et mises à jour de doctrines, énumère Christèle Chambon, responsable du contrôle interne et de la conformité de DNCA depuis juillet dernier. Cette année, je dois suivre en priorité certains chantiers réglementaires, comme les nouvelles règles internationales visant à combattre l’évasion fiscale ou Automatic Exchange of Information (AEI), les directives Marchés d’instruments financiers (MIF 2), Abus de marchés (MAD 2) ou encore Ucits V.» Une charge de travail importante qui l’a conduite à recruter ces derniers mois deux professionnels pour l’épauler. Cette situation se retrouve chez de nombreux professionnels de l’asset management. «Les cabinets de conseil, les filiales de gestion de groupes bancaires ou même les sociétés de gestion indépendantes prolongent la tendance à renforcer leurs équipes pour préparer les échéances à venir», ajoute Etienne Billing.
Néanmoins, les postes recherchés concernent surtout des profils assez expérimentés. «Mes mandats se portent avant tout vers des professionnels détenant au minimum huit ans d’expérience», complète Etienne Billing. Les sociétés de gestion plébiscitent notamment les candidats ayant eu une expérience dans les établissements bancaires. Ceux issus des banques de financement et d’investissement sont souvent de bons profils car leur expertise de la réglementation bancaire, notamment de Bâle 3, leur permet de mieux appréhender celle des sociétés de gestion. Mais d’autres compétences sont également recherchées. «Des juristes ou des auditeurs constituent aussi de bons candidats à des postes de contrôle et de conformité car ils ont développé une rigueur nécessaire à ce métier», ajoute Christèle Chambon.
Les sociétés de gestion apprécient aussi les personnes qui ont eu une expérience opérationnelle dans la finance avant de se tourner vers la conformité.«Avant de devenir RCCI, j’ai passé une dizaine d’années dans des fonctions à responsabilités en reporting, comptabilité, création de produits et relations clientèle au sein de SGAM puis Ixis AM, des fonctions très opérationnelles qui m’ont ensuite permis de cibler et construire, en lien avec les responsables opérationnels, des dispositifs de contrôle au sein des sociétés de gestion», précise Christèle Chambon. Même pour des postes à moins haut niveau, une expérience de terrain est souvent un atout. «Après notamment un diplôme d’ingénieur à l’Ensam, j’ai travaillé dans l’analyse financière et dans la gestion de produits dérivés, commente Florent Druel, responsable du contrôle des risques chez Vestathena. Ma connaissance des marchés financiers et surtout ma capacité à modéliser les risques sont désormais appréciées car cela me permet de développer des outils de gestion des risques adaptés à la réglementation.»
La connaissance de cette dernière est d’ailleurs une compétence particulièrement recherchée par les sociétés de gestion. Certaines grandes maisons, comme AXA IM, ont même créé des postes dédiés uniquement à la veille réglementaire. «La directive MIF 2 rassemble par exemple à elle seule plusieurs centaines de pages à comprendre et à synthétiser, en plus des consultations, ajoute Etienne Billing. Une personne qui rejoint une équipe de contrôle en maîtrisant cette réglementation leur permet de gagner en efficacité. Nous constatons donc encore des créations de postes pour des experts réglementaires.»
Ce type de profils, rare et souvent difficile à recruter, peut donc obtenir des rémunérations très attractives, en moyenne 15 % à 20 % supérieures à la moyenne du marché sur ce segment de professionnels. Pourtant, ce métier figure déjà parmi les plus rémunérateurs des fonctions supports. «Si les débutants obtiennent une rémunération de 35 000 à 38 000 euros, les professionnels entre cinq et huit ans d’expérience peuvent facilement prétendre à des rémunérations comprises entre 50 000 et 75 000 euros annuels, tandis que les plus seniors (15 ans d’expérience et plus) peuvent atteindre et dépasser les 100 000, notamment les RCCI», détaille Etienne Billing. Ces rémunérations fixes sont même complétées de parts variables, calculées en fonction d’objectifs qualitatifs, qui peuvent représenter entre 10 % et 25 %. Pour autant, les candidats ont souvent une marge de négociation importante. «Il est aisé d’identifier les professionnels du contrôle au sein des sociétés de gestion, commente Etienne Billing. Mais ils sont souvent difficiles à convaincre de changer de poste car les sociétés leur confient aujourd’hui des missions sous la forme de projets qu’ils souhaitent bien souvent mener jusqu’à leur terme.» Des tâches qui sont donc bien plus riches que ne le pensent souvent les étudiants en finance qui se montrent encore peu enthousiastes envers ce type de métier.
Un métier transversal qui offre des perspectives d’évolution
. Les fonctions liées au contrôle interne et à la conformité au sein des sociétés de gestion apportent une vision assez transversale de ce secteur, ce qui peut offrir des opportunités de progression en dehors de leur fonction. «J’ai un temps hésité avec le conseil avant de me tourner vers le métier de contrôle des risques dans la gestion d’actifs,indique Florent Druel, responsable du contrôle des risques chez Vestathena. Alors que ce métier est souvent perçu comme une fonction coercitive au sein des sociétés de gestion, je travaille dans les faits main dans la main avec les gérants. Cette proximité permet d’avoir une vision globale du fonctionnement d’une société de gestion, ce qui pourrait à terme m’offrir un tremplin pour accéder à l’analyse financière ou à la gestion.»
. Pour ceux qui souhaitent poursuivre dans la conformité, les opportunités de carrières sont moins nombreuses. Les équipes sont souvent resserrées et les perspectives d’évolution assez faibles en interne, notamment après avoir accédé au poste de responsable du contrôle interne et de la conformité. Ces derniers peuvent néanmoins changer de structure, mais ils vont difficilement se tourner vers d’autres secteurs d’activités. Si certains responsables de la conformité issus du monde bancaire peuvent se tourner vers la gestion d’actifs, l’inverse est moins fréquent compte tenu des écarts de rémunération assez importants.
Pas de formation spécifique plébiscitée
. En dehors du master droit pénal financier de l’Université de Cergy-Pontoise, créé il y a quelques années en partenariat avec l’Essec, aucune formation ne prépare spécifiquement à la fonction de contrôle interne et de conformité au sein des sociétés de gestion. Les professionnels qui y exercent ont souvent une formation juridique, d’audit ou sont issus d’école de commerce.
. Néanmoins en tant que responsable de la conformité et du contrôle interne (RCCI), les professionnels doivent obtenir une carte professionnelle délivrée par l’AMF. Le régulateur organise deux fois par an des cessions de formation pour faciliter le passage de cet examen qui est obligatoire.