Les sociétés de gestion ont fortement renforcé leurs équipes dédiées aux actifs immobiliers ces dernières années. La double expertise de ces profils, à la fois financière et immobilière, explique leur rareté et par conséquent la hausse de leur rémunération.
Les recrutements en immobilier ont le vent en poupe en ce début d’année 2016. Les sociétés de gestion ont en effet annoncé récemment l’embauche de nombreux profils spécialisés dans ce secteur : en février, Julien Guillemet a rejoint Primonial REIM en tant que directeur des investissements ; en mars, François Dupuis a été nommé directeur des investissements et arbitrages de Fiducial Gérance, et Nils Hübener est devenu directeur investissement Europe chez BNP Paribas REIM. «Ce début d’année est marqué par une reprise des recrutements, après un léger essoufflement en fin d’année 2015, confirme Nicolas Bauer, associé chez Tillerman en charge de l’immobilier. Les candidats à des postes de gérants, par exemple, ont aujourd’hui plusieurs offres en main, ce qui n’était pas le cas il y a encore six ou sept mois.»
Pour autant, les recrutements en immobilier sont toujours restés dynamiques ces dernières années. Les recruteurs témoignent même d’une demande croissante de profils spécialisés dans ce segment de marché. «L’an passé, j’ai effectué 28 missions de recrutement en immobilier, contre 22 en 2014 et 14 en 2013», précise Etienne Billing, consultant senior en finance de marché chez Fed Finance. Face à la forte progression de leurs encours, les sociétés de gestion spécialisées en immobilier ont renforcé leur politique de recrutement au cours des dernières années. Celle-ci s’est portée principalement sur des postes de commerciaux et de gérants, avec un besoin orienté vers des candidats plutôt seniors. Des profils encore recherchés aujourd’hui par les recruteurs.
Une formation spécifique
La recherche de profils expérimentés ne les empêche pas d’être attentifs au cursus académique. Les exigences en termes de formation pour ce type de postes restent ainsi élevées. La particularité des profils immobiliers, qu’ils soient commerciaux ou gérants, réside dans le double cursus qu’exige le marché immobilier. En effet, les candidats doivent maîtriser aussi bien la gestion financière que l’actif immobilier lui-même. «Cette double compétence est souvent devenue un prérequis pour les sociétés de gestion, qui veulent s’assurer que le sous-jacent est compris, et pas seulement les outils financiers classiques», confirme Karim Habra, directeur de LaSalle France.
De fait, les recrutements de gérants sont marqués par une exigence forte en matière d’expertise immobilière, au travers de formations spécialisées. Certaines écoles d’ingénieurs ou de commerce ont ainsi développé des masters spécifiques. C’est le cas de l’Ecole spéciale des travaux publics (ESTP) avec le mastère MOGI (maîtrise d’ouvrage et gestion immobilière) ou de l’Essec, avec son mastère spécialisé MUI (management urbain et immobilier). Les universités proposent également des formations spécifiques en immobilier, comme Paris X-Nanterre ou l’université Paris-Dauphine, avec la mention Management de l’immobilier (246) de son master finance. «L’offre de formations proposée par les grandes écoles et les universités s’est ainsi renforcée au cours des dernières années afin de satisfaire une demande croissante de spécialisation de la part des acteurs de la sphère immobilière», explique Etienne Billing. Pour les postes de commerciaux, les candidats peuvent faire valoir un cursus financier plus généraliste, mais une formation spécialisée reste un atout. Cette spécialisation doit aussi se refléter dans l’expérience professionnelle.
Une expérience dans l’immobilier indispensable
Après l’école ou l’université, les candidats aux postes de gérants ou de commerciaux ont souvent acquis une première expérience ailleurs dans l’immobilier, même si le recrutement direct par une société de gestion reste possible. «Les candidats recherchés sont généralement passés par une foncière, un cabinet d’expertise en évaluation immobilière, ou d’autres postes en direction générale ou gestion avec une forte dominante immobilière», précise Etienne Billing. La spécialisation sur un type de biens (bureaux, centres commerciaux, habitations, etc.) n’est pas obligatoire, surtout pour des profils moins expérimentés, qui pourront se confronter à plusieurs domaines avant de se spécialiser ultérieurement.
L’autre caractéristique du recrutement de profils immobiliers tient à l’internationalisation des profils. Cette tendance s’est confirmée ces dernières années. S’il y a dix ans, ce secteur restait marqué par une forte empreinte nationale, les gestionnaires et commerciaux d’aujourd’hui sont amenés à travailler fréquemment sur des opérations à l’étranger, notamment en Europe. «Les sociétés de gestion et les grands investisseurs réfléchissent désormais en termes de “poches d’allocation d’actifs”, les spécialistes de l’immobilier doivent donc être capables de s’adapter», explique Sophie Wigniolle, associée chez Eric Salmon & Partners. Le recrutement dans les sociétés de gestion d’actifs immobiliers s’en ressent : «Une expérience à l’international est désormais nécessaire pour s’assurer que les candidats ont conscience de l’existence de fortes spécificités locales», relève Karim Habra. Le secteur immobilier reste en effet marqué par d’importants particularismes nationaux, la réglementation comme le carnet d’adresses variant selon les pays. Les professionnels qui bénéficient d’expériences à l’étranger sont donc particulièrement recherchés, mais ils sont peu nombreux.
Des salaires dynamiques
Cette rareté a poussé les rémunérations à la hausse. De même que pour les profils alliant une bonne connaissance financière et une forte expertise immobilière, les recruteurs n’hésitent pas à proposer des rémunérations attractives. «Il existe une tension sur ce type de profils aujourd’hui qui, couplée à une financiarisation de l’industrie immobilière, a poussé globalement les rémunérations à la hausse», confirme Sophie Wigniolle. Aujourd’hui, un commercial recruté après trois à cinq ans d’expérience peut prétendre à une rémunération fixe comprise entre 55 000 et 65 000 euros. Un gérant entre trois et cinq ans d’expérience peut quant à lui obtenir un fixe compris entre 50 000 et 60 000 euros (voir tableau). En plus de bénéficier de rémunérations moyennes plus importantes aujourd’hui qu’il y a quelques années, la marge de négociation des candidats s’est accrue. «Les sociétés de gestion, en ce début d’année 2016, doivent redoubler d’efforts pour attirer les meilleurs talents, et offrir des conditions avantageuses à des profils qu’elles ne sont plus assurées d’obtenir», assure Nicolas Bauer.
Quant aux perspectives d’évolution future de la sphère immobilière, il n’est pas prévu d’inversion de tendance : «Nous avons une visibilité sur les deux ou trois prochaines années dans ce secteur, les perspectives sont très bonnes», confirme Nicolas Bauer. La spécialité immobilière a donc encore de beaux jours devant elle.
Des possibilités d’évolution confinées à la sphère immobilière
• Au sein des sociétés de gestion, les profils immobiliers peuvent espérer une progression relativement rapide. Un gérant pourra par exemple gagner en responsabilité et en autonomie au fur et à mesure que son portefeuille sous gestion augmente. Il sera ainsi progressivement impliqué dans la définition de la stratégie d’investissement.
• Après avoir passé 10 ou 15 ans dans l’immobilier, il n’est pas rare de voir des profils expérimentés créer leur propre boutique, comme Atream, créée par Pascal Savary (ancien directeur des acquisitions et des fonds de Stam Europe) et Grégory Soppelsa (ancien directeur des acquisitions d’Auteuil Investissement) et agréée par l’AMF en 2013. «C’est une pratique qui se développe, confirme Etienne Billing. Si la relation de confiance était établie, les clients n’ont pas de problème à suivre le gérant dans sa nouvelle structure.»
• En revanche, à la suite d’une expérience au sein d’une société de gestion spécialisée en immobilier, les possibilités de reconversion dans d’autres classes d’actifs restent limitées.