Dossier management package - table ronde

Adapter les management packages au nouveau paradigme de la jurisprudence fiscale

Publié le 30 juin 2022 à 11h17

Sahra Saoudi et Gilles Lambert    Temps de lecture 6 minutes

Aligner les intérêts des investisseurs et de l’équipe dirigeante d’une entreprise, tel est l’objectif des management packages. Mais ces mécanismes d’intéressement au capital, prisés pour les opérations de LBO, tendent à se complexifier, notamment en raison de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’Etat. A l’occasion de cette table ronde, avocats, financiers et CFO font le point sur les tendances du marché et les rapports de force actuels entre les parties, tout en évoquant la négociation et la structuration des packages dans le nouveau contexte jurisprudentiel et les implications fiscales qui en découlent.

De gauche à droite : 

  • Nicolas Meurant, associé, Deloitte Société d’Avocats 
  • Jacques-Henri Hacquin, associé fondateur, NG Finance
  • Jean-Louis Médus, associé, Adwise Avocats
  • Susanne Liepmann, group CFO, HTL biotechnology, présidente Fiplus

Etat des lieux du marché

Jean-Louis Médus, associé, Adwise Avocats : Les tendances du marché sont globalement bonnes. Les management packages sont devenus un passage incontournable lors de structuration de LBO. On constate une petite tendance à l’abaissement des multiples de déclenchement. Tant mieux. Les taux étaient quand même très bas, donc c’était assez légitime d’abaisser les seuils de déclenchement, y compris des seuils de TRI qui déclenchent les bornes des rétrocessions. En tous les cas, de mon point de vue d’avocat, ce qui est délicat c’est la structuration juridique de ces mécanismes, et qu’il demeure nécessaire d’avoir une évaluation des instruments émis. La notion de prise de risque actionnarial n’a pas disparu. Mais on a effectivement, maintenant, une contrainte jurisprudentielle qui rend la structuration compliquée. D’autant plus que finalement ce que l’on inclut souvent dans notre documentation est de fait imposé aux managers par les pratiques de place et particulièrement les pratiques bancaires. Avec les conventions de financement bancaire, qui imposent un vesting, la présence des managers (sinon l’exigibilité anticipée du crédit joue), ceux-ci restent investis sans vendre trop de titres. Sinon là encore, cela modifie leur appréciation. On est vraiment dans une quadrature du cercle.

Nicolas Meurant, associé, Deloitte Société d’Avocats : Je vous rejoins tout à fait. Le marché est plutôt animé, il est assez bon pour des opérations de toute taille. On en voit de très importantes et de plus modestes. Ce qui est très intéressant, c’est que le changement de paradigme et la jurisprudence de juillet 2021 ont rendu la qualification fiscale incertaine. Et face à cela, nous nous adaptons au mieux. Selon les deals rencontrés, que ce soit du côté des managers ou du côté des fonds, personne n’a envie de prendre trop de risques. Cela dit, dans certaines structurations juridiques, on observe une évolution des éléments pour tenir compte de ce que seraient des indicateurs de requalification en traitements et salaires. Et dans ces structurations, cela s’avère plus compliqué, parce qu’il est important de s’assurer que les managers vont rester actionnaires jusqu’au dénouement de l’opération, au moins sur une partie du package. Il est vrai qu’il existe donc des contraintes diverses et variées qui nous conduisent, dans certains management packages, à avoir davantage d’éléments qui vont dans le sens d’une qualification en plus-value. En revanche, dans d’autres packages, une application stricte de la grille de lecture du Conseil d’Etat ne nous conduit pas forcément à la qualification que l’on aurait souhaitée. En 2022, le Conseil d’Etat est allé jusqu’à considérer que le risque financier pris a été un moyen inopérant et donc ne s’appliquait pas pour justifier que le gain réalisé ait la qualification de plus-value. A cet égard, notre pratique n’a pas changé. A partir du moment où des professionnels de la finance, des fonds, ou des personnes morales demandent à des personnes physiques d’investir, il nous paraît nécessaire – et cela non pas pour des raisons fiscales, si cela ne l’a jamais été – de valoriser cet investissement à l’entrée comme à la sortie, même si cette valorisation ne protège plus vraiment d’un point de vue fiscal. Nous pensons qu’il devrait y avoir des évolutions jurisprudentielles sur ce sujet. En attendant, nous conservons cette pratique, parce qu’elle nous semble bonne et juste, même en dépit de son absence de conséquence en matière fiscale.

Jacques-Henri Hacquin, associé fondateur, NG Finance : Je suis tout à fait d’accord. Je compléterais par un point de vue chiffré, car nous avons l’occasion, chaque année, de pouvoir accompagner près d’une centaine d’opérations de structuration, plutôt dans l’environnement LBO, et également du côté Sponsorless. Et à ce titre, le nombre de plan d’intéressement n’a pas baissé, mais c’est même accru du fait du besoin des investisseurs de « séduire » les managers, sous toutes leurs formes. Aujourd’hui, les acteurs de la place, qu’ils soient investisseurs ou personnes physiques, sont conscients du risque induit par le durcissement des derniers arrêts 2021-2022. Du côté des fonds, chaque directeur de participation de fonds a conscience du risque fiscal. Il ne cherche pas chez nous un blanc-seing, mais la justification d’une juste valeur à l’entrée pour les managers, même si le risque de requalification se situe principalement à la sortie, lorsque la plus-value est matérialisée et au moment où l’administration fiscale vient contrôler et éventuellement la requalifier en traitements et salaires. Cela signifie que l’on constate une prise de conscience du risque, reporté au moment du débouclage. Malheureusement, avec la période électorale, bon nombre d’acteurs se sont dit : « Il ne se passera rien pendant six mois. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on arrête les opérations ? Est-ce qu’on essaie d’innover ? » Il y a des sujets à la marge, mais évidemment tous sont rattrapés par des décisions différentes, même en 2022. Nous sommes donc plutôt tentés de dire : « On n’a pas de solution, on fait, on va voir ce que ça va donner. » Il y a des petites innovations évidemment. Mais c’est surtout dans la façon dont ça va se déboucler : c’est là où il va falloir faire plus attention. Maintenant que la présidentielle est passée, est-ce que le législateur souhaitera encadrer intelligemment la structuration du management package ?

Quoi qu’il en soit, on a quand même vu, pour reparler des chiffres, une baisse de certains multiples, là aussi parce qu’il y a une relation de force entre les managers et les investisseurs. Soyons clairs : celle-ci est aujourd’hui entre les mains des managers. La liquidité de marché fait qu’une société mature, avec un dirigeant en place avec un niveau de performance significatif, a facilement le choix entre différents investisseurs. En plus de cela, si l’on n’est pas sur une opération primaire mais secondaire, voire tertiaire, il y a aussi une « éducation » aux conseils, ce qui permet aux managers d’être très bien accompagnés. On a pu en constater l’évolution au cours des 20 dernières années. Concernant les instruments, la tendance se porte vers l’utilisation des attributions gratuites d’actions.

Pour les personnes les plus averses au risque, le but est d’essayer d’avoir une structuration « pari passu ». Dans le cas d’un fondateur qui détient une partie significative du capital, on s’oriente plutôt vers un investisseur financier qui investit via du sweet equity (OC/OBSA/ADP taux) pour éviter une trop forte dilution à l’entrée, attachant un envy ratio, au besoin. Pour des managers qui n’ont malheureusement pas les mêmes capacités que les fondateurs en matière d’investissement financier, mécaniquement, on reste sur des schémas « ratchet ». Pour des salariés, on peut voir un régime d’AGA, voire d’AGADP. Il y a beaucoup de discussions là-dessus. Mais ce que l’on voit, dans les dernières opérations, c’est qu’on a très souvent des surcouches d’AGA (DP) qui viennent compléter soit des AO, soit parfois même un mix avec des ADP, pour des raisons de résidence fiscale et autres. Et cette tendance s’est accrue bien avant la crise de la Covid-19.

«La notion de prise de risque actionnarial n’a pas disparu, mais la contrainte jurisprudentielle rend la structuration compliquée.»

Jean-Louis Médus Associé ,  Adwise Avocats

Quels sont les outils pour la structuration des management packages ?

Jean-Louis Médus : L’action gratuite est un outil limité, on le sait tous, dans son volume global. Et effectivement, elle n’est pas très incitative parce qu’en termes d’alignement d’intérêts, il n’y a pas de prise de risque actionnarial de son attributaire. C’est clairement un outil de cercle 2. Ce n’est pas avec l’action gratuite qu’on monte, qu’on structure vraiment le noyau dur du management package. Pour rebondir sur ce que disait Nicolas, je partage pleinement son analyse, finalement on est aujourd’hui plus renseigné dans les conclusions des rapporteurs publics sur leur volonté réelle, que par les arrêts du Conseil d’Etat. Il faut effectivement se référer aux conclusions du rapporteur public pour lire, expressis verbis, que la prise de risque actionnarial est un critère insuffisant. On ne nous dit pas qu’elle est inutile, au contraire, je pense que ça reste totalement utile, même indispensable. C’est pour cette raison que je disais qu’il demeure très utile de faire pricer ces outils. Mais ça ne suffit plus à écarter la requalification fiscale, si requalification il y a.

Nicolas Meurant : C’est exactement cela. Auparavant, on était tous arrivé, quel que soit l’instrument juridique utilisé, à expliquer qu’à partir du moment où on avait pris des risques, où on avait investi significativement – et il y a d’ailleurs des décisions du comité d’abus de droit qui mettent l’appréciation d’un montant significatif plus bas que ce qu’on pouvait faire dans un certain nombre d’opérations – le package était correctement valorisé. L’incompréhension entre la pratique financière et juridique d’une part et les raisonnements soutenant la nouvelle grille de lecture, d’autre part, atteint son paroxysme : si le management package n’est pas in abstracto une structure de rémunération mais bien un investissement exigé par les sponsors financiers, certaines conditions in concreto sont bien de nature à créer un doute sur le caractère rémunératoire de tels investissements. Ce qui est en jeu pour la France c’est de convaincre les managers et les sponsors financiers de structurer ici les investissements des managers et des sponsors financiers. Soulignons que les managers pourraient très bien construire des management package dans tous les pays de l’OCDE, dans tous les pays où il y a des fonds d’investissement. Qu’est-ce qui ferait alors qu’un manager de bonne qualité vienne investir et travailler en France ?

Le management package, c’est un point d’équilibre : entre ce que les personnes physiques peuvent investir et ce que les sponsors peuvent accepter d’investisseurs minoritaires ; salariés et dirigeants par ailleurs. Les fonds sont toujours attentifs d’avoir des managers qui vont davantage s’intéresser à la société qu’ils dirigent et qu’ils animent, qu’à leur portefeuille financier et sa prise de valeur. Dans le management package, il y a cette idée de réinvestissement et, nouveau paradoxe, la jurisprudence conduit aujourd’hui à considérer des outils d’actionnariat salariés spécifiques tels que les attributions gratuites d’actions.

Sur la question de l’action gratuite, je nuancerai ce qui vient d’être dit. Il n’y a pas un outil qui permettrait de tout solutionner : on ne peut pas soutenir qu’il y a plus de sweet equity, qu’il n’y a plus de ratchet et que tous les ratchets sont gratuits. Economiquement, ces attributions ne conduiront pas à la disparition des investissements financiers des managers.

Sur la possibilité évoquée d’outil juridique de ratchet et de sweet equity, ce panachage ne se voit pas dans tous les deals, mais un peu dans beaucoup de deals. Ce n’est pas pour cacher quelque chose, ou parce que ce serait difficile simplement parce que le cumul d’instruments ne fait qu’accroître la complexité et la compréhension des outils alors même que le faisceau d’indices retenu en jurisprudence ne semble à ce jour constitué que d’éléments en faveur de la requalification en traitement et salaires.

Enfin, sur le désalignement des intérêts, il existe sans nul doute un problème d’attractivité du territoire. Si l’on souhaite que le management package se fasse en France, il est urgent, non pas de faire des cadeaux, mais de clarifier la situation et prendre une position. Dans quelles conditions ? Prenez le cas d’un directeur général d’une société sous LBO dont le reporting financier et les exigences ne sont pas les mêmes, la probabilité de ne pas y être 18 mois après n’est pas la même. Et les montants d’investissement exigés n’ont pas de signification propre ; ils dépendent toujours de la taille des opérations, du secteur économique, de la compétitivité et des rémunérations fixes et variables. Les sponsors demandent à des directeurs généraux, des cadres, d’investir leurs économies. A posteriori, les services de contrôle pourraient cinq ans après, que parce qu’ils sont sortis en même temps que le majoritaire, sans avoir bénéficié de fenêtre de liquidité, que leurs investissements sont une rémunération à la main de l’employeur. Je reprends des termes de la rapporteure publique : « la main de l’employeur », il ne faut pas exagérer. L’actionnariat des salariés et dirigeants est un phénomène reconnu, encouragé par ailleurs, par le législateur lors de la loi Pacte.

A partir du faisceau d’indices consacré par le Conseil d’Etat, est-ce qu’on est en train de présumer que quand un salarié investit dans la société où il travaille, il est allé y dissimuler du salaire parce qu’il ne pourra vendre que si l’investisseur majoritaire atteint ses objectifs de TRI ou de son multiple ?

Cela me semble excessif. Quand on demande une clarification de nature législative ou doctrinale, on ne dit pas : « C’est scandaleux, les gens payent des impôts. » Ce n’est bien entendu pas ça que l’on soutient. On dit simplement : « Donnons le choix quand les gens choisissent de venir investir et travailler en France dans les sociétés sous LBO », surtout quand les pouvoirs publics mettent en œuvre des politiques d’investissement et fiscalement attractives.

Prenons un exemple : un investisseur qui réalise une belle opération et qui dégage 1,3 million d’euros de plus-value paye la flat tax. Très bien. Comme il est au-dessus, à 1 million, du seuil de déclenchement de la contribution sur le revenu, il ne paye pas 30 %, il faut dire les choses complètement, il paye 34 %. Les hauts revenus contribuent plus que les autres soit 442 000 euros.

Avec un plan d’actions gratuites, et c’est probablement pour ça que Jean-Louis disait ce n’est pas les instruments de cercle 1… Le même contribuable avec 1,3 million d’euros issus d’un plan d’actions gratuites, va payer 840 000 euros d’impôts. C’est deux fois plus. Qu’est-ce qui justifie qu’un salarié qui participe au développement capitalistique de son entreprise paye deux fois plus qu’un investisseur simple ? En termes de compétitivité internationale, il faut non seulement clarifier la situation du manager investisseur en France mais également revoir à la baisse la fiscalité des gains d’actionnariat salarié encadrés.

Jean-Louis Médus : Effectivement, il y a une forme de frustration aujourd’hui. Je l’exprime avec ce propos qui est mesuré. On a aujourd’hui sur la table, en droit positif français, une comparaison entre le management package de nos clients, c’est-à-dire les managers de droit commun dans des LBO, et exactement le même outil qui est le management package des managers de fonds, ce qu’on appelle le carried interest. On a, pour les mêmes conditions de fonctionnement, deux régimes différents, l’un incertain (package de droit commun), l’autre robuste (carried). C’est-à-dire que dans le carried des fonds, on nous dit expressément qu’il faut que le titulaire soit salarié ou soumis à un régime fiscal de salarié, qu’il faut qu’il conserve cinq ans les titres, qu’il ait du vesting. On constate même que dans les règlements de fonds, il y a des clauses de leaver qui sont précisément celles aujourd’hui qu’on redoute parce qu’elles teinteraient le gain en capital en salaires. La loi fixe d’autorité dans le carried le prix de l’option, maximum 1 %, voire 0,5 % le plus souvent, voire 0,25 % dans les fonds de PME, à comparer à ce que sont les valorisations de management packages par des gens sérieux qui, Jacques-Henri le disait tout à l’heure, prennent en compte la volatilité. Plus j’ai une volatilité élevée, plus j’ai une ouverture de ma courbe, plus ça va renchérir le prix de mon package. Et on finit, dans les packages de droit commun, souvent avec des pourcentages du sous-jacent action qui sont plutôt à 7, 8, 9, voire 10 % quand on a beaucoup de volatilité (versus les taux de 1 %, 0,5 % ou 0,25 % en carried). Je rejoins Nicolas de ce point de vue, il faut un moment arrêter et clarifier les choses. Il faut que les règles du jeu soient très claires. Ce régime du carried par exemple est compétitif… Et tant mieux, il faut qu’il le reste. Mais il est même attractif, vous l’avez compris, à l’entrée. C’est-à-dire que le prix auquel on fait payer les outils de carried est extrêmement faible, beaucoup plus faible que ce que des évaluateurs sérieux identifient comme valeur pour nos packages de droit commun.

Il y a eu une tentative de réforme par un amendement dans le cadre de la loi de finances pour 2022 qui n’a pas abouti. C’est vraiment très regrettable parce que cette situation crée une incertitude complètement folle pour des gens, je rejoins totalement Nicolas, qui sont dans une situation où en réalité, ce n’est même plus la main de l’employeur qui commande, c’est la main du drag along actionnarial. C’est-à-dire il y a un actionnaire majoritaire, et c’est normal qu’il assume sa politique actionnariale, qui dit à un moment : « L’heure de la sortie est là, on s’est désendetté. Le marché est porteur, il y a des offres, on vend tous. » A ce moment-là, tout le monde vend et il y a une clause de discipline actionnariale qui s’impose à tous, et le fait que les managers soient tenus par cette discipline actionnariale et des clauses de leaver dans des sociétés non cotées ne doit pas conduire à requalifier leur gain actionnarial en salaires s’ils ont pris un risque d’actionnaire. Il faut clarifier le jeu. On ne peut pas dire à ce moment-là à un manager sous LBO – effectivement, c’est autrement plus compliqué d’être DG d’une entreprise sous LBO que DG d’une PME sans la présence d’un investisseur financier – que son investissement doit être considéré fiscalement comme du traitement et salaires, avec un coût fiscal qui est prohibitif, effectivement.

Jacques-Henri Hacquin : Après, rien ne nous interdirait de faire un benchmark des salaires bruts des dirigeants dans les segments pour donner des fourchettes de salaires dans des sociétés qui ne sont pas sous LBO ou sponsorless. Le but étant de voir, lors de l’arrivée d’un investisseur financier, s’il y a un décalage significatif ou si le dirigeant dispose d’un salaire ou d’un mandat social au prix du marché qui pourrait venir justifier que le reste n’est donc pas du salaire, mais bien un risque d’investisseur qui serait pricé et qui pourrait venir justifier une plus-value.

Susanne Liepmann, group CFO, HTL biotechnology, présidente Fiplus : Je suis directrice financière de groupes sous LBO. J’en suis à mon quatrième fonds. Pour rebondir sur cette question de salaires, je pense qu’il est fondamental que salaire et package ne se mélangent pas. Parce que sinon ça peut faire aussi prendre des mauvaises décisions pour l’entreprise, qui privilégient le  court terme, ou qui tendraient à privilégier des actions qui viseraient une présentation plus flatteuse d’un EBITDA, par exemple dans la perspective d’une revente. Justement, tous les dirigeants de l’entreprise sous LBO, et a fortiori les CFO, doivent conserver leur double statut d’investisseur et de salarié. Parce que sinon, on ne peut plus  travailler à l’alignement des intérêts avec les investisseurs financiers. Car si l’on n’est pas payé par rapport au marché, il y a forcément un biais

Jean-Louis Médus : C’est d’ailleurs une des conditions légales du carried. Dans les conditions légales du carried, Il faut percevoir une « rémunération normale ».

Nicolas Meurant : Je suis quand même un peu réservé sur l’éventualité de benchmark qui légitimerait que le retour sur investissement soit une plus-value. Il y a plus-value parce qu’il y a eu investissement et parce qu’il y a cession à la fin. C’est le principe. Nous avons souvent utilisé les problématiques de benchmark lorsque l’administration venait redresser les management packages en PEA et dans lequel l’administration soupçonnait le fonds, le CEO, le CFO, d’avoir caché de la rémunération dans le PEA. Cet argument était toujours assez imparable vis-à-vis de l’administration. S’agissant de justifier de la nature d’une plus-value en lien avec le caractère normal de la rémunération, j’ai une réticence fiscale : L’administration fiscale et sociale dispose de toutes les rémunérations de France. Est-ce que pour autant ces informations pourraient être partagées ? Non, cela n’est pas compatible avec le secret fiscal.

Susanne Liepmann : Je pensais plutôt à la logique d’investisseurs indépendants qu’à un benchmark de salaires. Pour les LBO qui sont sortis depuis les arrêtés de juillet 2021, évidemment, ça a créé énormément d’anxiété pour les sortants. Cependant, je suis très réservée sur le fait d’aller rouvrir des packages, surtout pour des investisseurs individuels qui bien sûr ne sont plus des managers, car cela pourrait aussi être interprété négativement par l’administration fiscale. Ces arrêtés ont créé énormément d’incertitude. Des gens qui veulent réinvestir et accompagner leur entreprise se posent tous ces questions en disant : « Attendez, si je me mets à risque, je ne peux pas. » Je pense, vraiment, ça crée plus de problèmes pour l’investissement en France que ça en a l’air de résoudre. J’entends beaucoup cela dans mon entourage de CFO sous LBO.

«Nous avons œuvré sur des renégociations en matière de structuration, mais nous n’avons pas vu de restructuration qui faisait directement suite à la jurisprudence du Conseil d’Etat.»

Jacques-Henri Hacquin Associé fondateur ,  NG Finance

Vers une vague de renégociation

Jean-Louis Médus : J’ai constaté plutôt une demande d’un état des lieux des clients qui nous disent : « Voilà ce qu’on a mis en place. Quel est le niveau de risques induit compte tenu des jurisprudences ? » Effectivement, nous sommes sollicités sur une démarche de conseil consistant à dire : « Autant que faire se peut, essayons d’être sur des logiques de partage de valeurs actionnariales avec, nos amis financiers l’expriment bien, des couples rendement-risque différents attachés aux divers instruments. » Une ADP à taux qui déclenche tout de suite, qui est prioritaire mais avec un rendement plafonné diffère d’un ratchet qui déclenche un multiple x2 avec un TRI à 15 ou 16 %. Effectivement, mon espérance de gain peut être plus importante, mais le risque que je prends est plus élevé et je suis primé par des instruments à taux. Cette démarche d’explication est nécessaire dans le cadre d’une distribution de valeurs avec des couples rendement-risque différents.

Et sous l’angle juridique, la tendance que nous observons est de faire disparaître la présence de clauses, comme les clauses de leaver dans les pactes d’actionnaires qui vont avoir tendance à dénaturer, en tous les cas c’est ce que l’on anticipe, le mécanisme d’investissement en gain salarial. Cela révèle un décalage entre la vision fiscale prétorienne et la réalité économique. Quand un LBO se passe mal, ou quand un dirigeant part en cours de LBO, il faut bien, surtout dans des sociétés non cotées, anticiper cette situation… Il ne faut pas oublier que plus de 90 % des sociétés françaises ont moins de 10 salariés. Il faut bien que l’on fixe des règles de discipline actionnariale dans des sociétés non cotées, souvent en SAS, qui ne peuvent donc pas faire appel public à l’épargne. Lorsqu’un salarié est parti en conflit avec son entreprise avec les titres en poche, il peut devenir difficile de les récupérer. Donc évidemment qu’il y a des clauses de leaver, et des clauses de drag along. Et elles n’ont en réalité rien à voir avec la requalification salariale fiscale. Elles ont juste à voir avec la discipline actionnariale et la protection de l’intérêt social.

Jacques-Henri Hacquin : Nous intervenons généralement à l’entrée de l’opération et en cours d’opération lorsqu’il y a des changements actionnariaux avec l’entrée de nouveaux managers, ou parce que, comme par exemple pendant la Covid-19, les sociétés ont sous-performé au moment de la sortie de certains investisseurs, ces derniers souhaitaient quand même « remercier » le management qui s’était battu pour la prospérité de l’entreprise. Nous avons donc œuvré sur des renégociations en matière de structuration. Mais de notre côté, nous n’avons pas vu de restructuration qui faisait directement suite à la jurisprudence du Conseil d’Etat.

Susanne Liepmann : C’est un peu tôt encore.

Nicolas Meurant : Il faut s’entendre sur ce qu’on veut dire par renégociation. Est-ce que dès la publication des jurisprudences, on a dû faire attention aux critères dans un package ? Bien sûr que oui. Est-ce que pour autant nous allons remettre à plat un équilibre de X années précédentes ? Nous avons dressé beaucoup d’états des lieux. Sur la renégociation, je ne veux pas laisser imaginer qu’on ferait état dans des documents d’éléments qui feraient semblant de ne pas comprendre ce que le Conseil d’Etat a voulu dire. La réalité, c’est ce que Susanne a très bien dit. Il y a trop d’anxiété pour les sortants, trop d’incertitude pour les entrants et pendant ce temps, vous avez un deal quand même à faire tourner… Parce que le turnover existe, même dans les sociétés sous LBO. Donc il faut bien arriver à mettre tout le monde d’accord. Pour mettre tout le monde d’accord, là, parfois, il faut se reposer des questions. Mais qui ne sont pas des conséquences de la jurisprudence. On a toujours vu dans les management packages qu’en cas d’entrée de nouveaux, de sortie d’anciens, de recapitalisation, d’opérations dans la vie du groupe, il fallait ajuster le management package. Enfin, je réserverais le cas de situation de management package qui serait, je n’en ai pas vu tant que ça, du même type de ceux qui ont fait l’objet des arrêts de plénières. Il y avait quand même dans certains cas des faits un peu caricaturaux, qu’on ne voit pas dans tous les packages.

Jean-Louis Médus : L’affaire G7 dans les arrêts de juillet 2021, exactement. Avec des garanties de valeur plancher de rachat qui gomment le risque actionnarial. Vous avez raison.

Susanne Liepmann : C’est surtout aussi le fait que dès que vous avez des clauses de good and bad leaver, il y a soupçon. Donc ça met tous les packages sous pression. Là aussi, personnellement je me demande un petit peu qu’est-ce que le Conseil d’État a voulu faire. Ça a induit beaucoup d’incertitude. J’ai beaucoup échangé avec nos avocats à ce sujet tout au long des derniers mois, et il semble y avoir eu quand même quelques changements d’attitude. Il y a maintenant de nouveau des discussions sur la norme du marché de réinvestir  50 % des fonds reçus. Elle a l’air de vaciller sérieusement si vous êtes sur un package sortant qui peut être entaché de soupçons de par son organisation qui n’est plus adaptée à la nouvelle jurisprudence. Une solution est de réinvestir moins pour garder des liquidité. Sinon, il faut négocier des puts des investisseurs individuels qui seraient quand même très intéressants pour montrer un équilibre dans la relation, mais là, je pense que les fonds ne sont pas encore prêts. On constate également, comme disait Maître Médus, la suppression des clauses des good and bad leavers. Évidemment, il y a d’autres manières de le faire. Par exemple, avoir une période d’observation pendant quelques mois, pendant lesquelles les parties peuvent aussi se partager en disant : finalement, chacun reprend son investissement sans perte ni gain, si l’ affectio societatis ne se fait pas. Donc la nouvelle jursprudence a quand même mis le marché en mouvement sur, un certain nombre de choses qui étaient assez figées et potentiellement déséquilibrées. Aujourd’hui je ne sais pas comment vous voyez ça. Néanmoins, la chose qui aura du mal à bouger et qui entache aussi fortement de soupçons une relation, ce sont les calls de départ qui semblent pour l’instant le seul moyen pour réguler la disclipline actionnariale.

Nicolas Meurant : Je comprends que ça entraîne des soupçons. Mais je ne connais pas d’actionnaire majoritaire qui accepte de rester avec un minoritaire avec qui il n’a plus de relation d’affaires. Jean-Louis parlait tout à l’heure de la main du drag along. C’est exactement ça. C’est-à-dire qu’un investisseur financier le jour où il a redressé, modifié, fait évoluer la société si juridiquement il ne peut pas tout vendre, il n’a pas d’acheteur. On ne peut pas être plus au cœur de la gestion de l’actionnariat et de la rémunération cachée que quand on reconnaît qu’il y a des calls, bien sûr. Il y a des calls, mais… C’est inévitable, c’est la main de l’actionnaire pas un détournement de l’employeur.

Jean-Louis Médus : C’est un mal nécessaire. Complètement.

Jacques-Henri Hacquin : Il faut, en effet, bien comprendre ce qu’on entend par renégociations. Ce qu’on a pu constater par ailleurs, c’est généralement situé dans une ManCo, où il y a effectivement une certaine souplesse pour un « turnover » de managers, permise par une liquidité à travers cette entité. Il y a des contextes qui s’y prêtent, des tailles d’opération ou de structuration qui conviennent. Dans les autres cadres (et je ne parle même pas des FCPE et autres véhicules) nous observons la mise en place de surcouches d’AGA, dans le cadre où on est salarié, pour venir soit compenser une sous-performance pour des raisons plutôt structurelles, de marché et/ou pour incentiver des nouveaux entrants en cours de vie. Sachant que le délai est plutôt court et qu’ils n’ont pas forcément la capacité de réinvestir énormément sur la période. Il est vrai que tous les contextes sont concernés. Mais quand on parle d’une renégociation au cabinet au niveau financier, on parle de ces trois contextes. Evidemment, il y en a d’autres.

Nicolas Meurant : Je ne sais pas si le dernier tient plus à la vie normale d’un management package qu’aux arrêts…

Jacques-Henri Hacquin : Disons que, comme tu le disais Nicolas, on ne va pas casser toutes les signed letters qui ont été mises en place, tous les documents juridiques qui ont été signés il y a quatre ans pour restructurer quelque chose. On le laisse vivre sa vie, il ne se déboucle pas, tant pis, on rajoute une surcouche.

Jean-Louis Médus : Effectivement, la pratique est aussi celle des restructurations et des recaps, en présence de LBO sortis de la zone de risque, où effectivement les dettes seniors étaient bien amorties, et où l’on avait de la visibilité sur l’issue. On ne peut pas réémettre des titres de package parce que les titres existants et les options sont tous dans la monnaie. Sinon c’est très coûteux. Mais on a refinancé des OC ou des OBSA assorties de taux élevé avec une tranche de dette senior bien moins coûteuse.

Jacques-Henri Hacquin : Ça coûte trop cher. Ça coûterait le prix de l’action.

Jean-Louis Médus : Exactement, ça n’a aucun intérêt. En revanche, on peut faire des récap. On peut finalement éteindre un sweet equity qui a été monté par un fonds avec de l’OC qui tourne parfois avec des taux élevés. Ce qui résout au passage un petit sujet fiscal tenant au risque de non-déductibilité fiscale des intérêts de la dette entre entreprises liées, d’ailleurs. Et lui substituer une couche de financement bancaire classique. Là, on gomme des petites aspérités qui pourraient donner un petit peu de grain à moudre à l’administration. De la même manière, les good et bad leavers, quand on est sorti de la zone de risque, que le management est sûr qu’on est, comme le disait Jacques-Henri à l’instant, à un horizon d’un an, deux ans d’une sortie, finalement, qu’est-ce qui compte ? C’est la discipline actionnariale, c’est une clause de drag along, c’est la certitude qu’on va pouvoir céder 100 % du capital.

Nicolas Meurant : Des renégociations liées aux conséquences économiques de la crise sanitaire, ça, on en a vu beaucoup. Les renégociations qui font suite à la nouvelle grille de lecture du Conseil d’Etat représentent une part infime. Il faut quand même avoir en tête, et on a beaucoup de nos institutions publiques qui parfois ont du mal à comprendre, c’est que ces sujets-là sont économiques avant d’être fiscaux. La fiscalité va avec l’économie et le droit va avec l’économie et la fiscalité. Ce n’est pas à part. Ce ne sont pas des mondes éthérés.

Jacques-Henri Hacquin : Clairement, Susanne le disait tout à l’heure, il est encore peut-être trop tôt. Les managers qui ont « survécu » à la crise – quand je dis survécu, dans une société sous LBO, je veux parler de ceux qui sont toujours en poste : ils ont été plus occupés à tenir les rênes des sociétés et des opérations qu’à se demander comment allait leur management package. Ils avaient bien d’autres choses à gérer. Si la société se porte bien, ils n’ont pas à s’affoler.

Susanne Liepmann : D’ailleurs, c’est intéressant de savoir qu’est-ce qu’est devenue la notion de risque. En plus, la crise sanitaire nous a quand même bien montré qu’il ne s’agit pas nécessairement d’ investissements qui portent leurs fruits tout le temps. Il y a pu en avoir qui ont été extrêmement malmenés. Justement, vous parliez de la fiscalité qui doit aller avec l’économie et le droit. L’économie devrait idéalement passer avant le droit. Or, finalement, la crise a grandement démontré cet élément de risque. Est-ce qu’il est complètement parti de la scène ?

Jean-Louis Médus : Non, il n’est pas parti de la scène. Je pense qu’il est toujours dans la grille de lecture. Mon analyse est que même si certains rapporteurs publics nous disent : « Peu importe le risque actionnarial », en réalité il faut lire en filigrane : « Ça ne suffit pas ». Mais il est toujours nécessaire, il reste incontournable. Ce qui est dommage de ne pas entendre, c’est que l’économie de la transmission, quand c’est une économie de private equity, de LBO, elle met forcément aux prises des gens qui ont des ressources financières, sinon illimitées en tous les cas très importantes, mais qui ne sont pas hands on, qui ne sont pas opérationnels et qui ont besoin d’une équipe managériale pour faire avancer l’entreprise. C’est ce mariage des deux. Nier ça, c’est une aberration. Après, effectivement, on a des distributions de couples rendement-risque en fonction des rôles des uns et des autres. Parce que le financier estime qu’il a un rendement normatif, qu’il est en droit d’attendre compte tenu du rendement (hurdle) que lui-même doit servir à ses sponsors. Une fois qu’il a atteint ce rendement normatif, il accepte l’augure que celui qui l’a aidé, qui finalement a géré l’entreprise au quotidien, puisse être intéressé au gain actionnarial. Avec souvent, d’ailleurs, un couple rendement-risque qui est plus haut perché, car les outils de package ont un profil convexe. D’ailleurs, ce qui serait intéressant, Jacques-Henri, c’est de regarder dans les scénarios de risques des management packages, et ça tordrait un peu le cou à certains propos de rapporteurs publics, la probabilité d’échec des outils de package qui est en réalité est très importante.

Jacques-Henri Hacquin : Le package a un effet « smiley »  entre le moment où l’on rentre dans l’opération et où l’on matérialise la plus-value. Nous voyons régulièrement des horizons de sortie à 4-5 ans tendant à se réduire, du reste. Pendant les premières années, lorsque la société est significativement endettée, même avec les intérêts qui sont capitalisés, la société peut devoir faire face à des besoins en cash-flows conséquents. Il faut être sûr que le business plan se déroule comme prévu. Vous avez également des contextes micro et macroéconomique qui peuvent entrer en jeu à ce moment-là. Si on regarde la prise de risque en capital des managers, nous pouvons démontrer, qu’à un moment donné, le management package est partiellement ou totalement à risque. C’est-à-dire que « l’investisseur individuel » peut perdre tout ou partie de son. Cette période est, en moyenne, située entre zéro et un an et demi, dépendant des secteurs activités. Mais la plupart des cas, ils sont bien à risque. Evidemment, comme ils sont débouclés quatre ou cinq ans plus tard, ils ont tous la performance qu’on leur connaît et malheureusement, les contrôles ne se font que sur les tickets gagnants.

Nicolas Meurant : On voit bien quand même que les services de contrôle, particulièrement la DNVSF, effectuent un travail assez technique sur ces questions, même si forcément on ne peut pas être toujours en accord avec leurs analyses. Quand il n’y a pas de risque financier pris, le contrôle fiscal ne sera pas le même que quand il y a un risque d’actionnaire.

Evidemment, et c’est ce qui est regrettable encore une fois, c’est l’incertitude qui est créée. Notre rôle est de rappeler qu’il y a un risque financier, qu’il y a un investissement et que la raison pour laquelle on réalise des plus-values, c’est parce qu’on a investi de l’argent. Donc le fait d’avoir des valorisations, le fait d’avoir des vrais retournements et des vrais benchmarks de compétiteurs qui ont survécu ou pas à la crise et dans quelles conditions et avec quel ratio, ce sera très important.

Nous ne souhaitons pas aller jusqu’au contentieux, mais, le cas échéant, nous y répondrons, aussi bien d’un point de vue administratif que juridictionnel. Parce qu’on ne peut pas un jour, d’un trait de plume, venir dire que ce que tout le monde fait dans le private equity, de faire investir des managers pour leur donner les moyens capitalistiques de développer l’entreprise, ne compte pas.

Jacques-Henri Hacquin : C’est le sens de l’histoire, parce que l’épargne salariale qui se développe avec des instruments légaux, cette fois-ci, est extrêmement large et tend à se développer davantage. Nous l’avons déjà dit, ce n’est pas encore le cas de la majorité des entreprises de moins de 10 salariés. Mais quoi qu’il en soit, c’est vraiment une tendance de fond. Le législateur a mis en place les outils, et ce, depuis quelques années maintenant. Puis, on commence à avoir un certain nombre de dirigeants qui comprennent l’intérêt d’intéresser les collaborateurs. Et les salariés comprennent que leur travail n’est pas juste un travail de fonction où ils ont une subordination à l’entreprise et ils viennent là, non pas uniquement pour un travail et juste un salaire, mais également pour quelque chose d’autre, un projet commun. Il y a également ici une ouverture avec des notions de la gouvernance.

«Le management package est un point d’équilibre entre ce que les personnes physiques peuvent investir et ce que

les sponsors peuvent accepter d’investisseurs minoritaires. »

Nicolas Meurant Associé ,  Deloitte Société d’Avocats

Perspectives…

Jean-Louis Médus : Je pense que tous autour de la table avons fait peu ou prou notre lobbying en approchant les uns et les autres. Pour avoir rencontré un ancien ministre qui revient sur le devant de la scène, j’ai eu le sentiment d’avoir face à moi quelqu’un qui, parce qu’il était passé en entreprise, avait une très nette compréhension, très claire, de l’économie, de la transmission d’entreprise, du LBO, de la nécessité par exemple, d’aligner le traitement fiscal du package avec la logique du carried. Mais c’est vrai que cette période préélectorale ne se prêtait pas à afficher des positions très marquées sur ce terrain. Donc il faut peut-être attendre que l’on ait une nouvelle Assemblée pour que les choses soient un peu plus apaisées et que l’on puisse travailler. De manière d’ailleurs tout à fait transparente et rationnelle encore une fois, c’est-à-dire avec un alignement sur un régime existant qui est celui du carried dans lequel il y a des conditions légales, fiscales très déclinées et très posées, c’est parfait. Et si l’on nous donne les strikes du carried pour les outils de ratchet managérial, c’est encore mieux.

Nicolas Meurant : Je suis très réservé sur la volonté législative aujourd’hui. Bien sûr, on comprend l’objectif, en période électorale, certes. L’initiative dans les textes fiscaux vient quand même plus souvent de Bercy que de l’Assemblée nationale. Est-ce que Bercy a envie de clarifier alors qu’ils sont maintenant en position de force sur le contentieux ? Ce qui n’est jamais sûr, mais cela peut arriver. Evidemment, nous attendons comme le reste du pays, d’en savoir un peu plus sur l’issue de ces échéances électorales1. Parce que n’oublions pas que la pratique veut désormais qu’un membre de l’opposition préside la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Je ne sais pas si cette Commission sera le meilleur endroit pour débattre de ces questions. En tout cas, il faut que le législateur s’en saisisse et qu’il débatte, parce que nous avons besoin de clarté. C’est un facteur important de compétitivité fiscale du territoire national.

Susanne Liepmann : De façon très opérationnelle, je pense d’ici là la nouvelle jurisprudence va quand même fortement peser sur les montants réinvestis. C’est évident, parce qu’il faut quand même gérer des liquidités pour les cas de potentiels redressements. Par contre, elle permet quand même de rediscuter, notamment des good et bad leavers, des périodes d’observation, voire peut-être de quelques engagements de rachats croisés. Elle ne va évidemment pas du tout actionner sur les calls. Tant que la situation reste incertaine, je pense qu’ il va y avoir une structuration avec les dispositifs légaux, qui sont surtout les actions gratuites dites Macron, pour essayer quand même de structurer de façon le plus adapté possible et faire en sorte que les investisseurs individuels puissent se concentrer sur la création de valeur versus une angoisse permanente d’un redressement. Il est en tout cas impératif d’être bien accompagné au niveau de la structuration et du suivi fiscal de l’investissement. Mais je suis d’accord avec le fait que cette situation ne peut pas rester en l’état. Il y a quand même énormément d’investissement et de croissance qui vient de ces entreprises et notamment en régions qui sont aussi extrêmement utiles pour la croissance de l’économie française.

Jean-Louis Médus : Les études de France Invest démontrent chaque année que les sociétés qui sont sous LBO avec un investisseur au capital surperforment le secteur généralement parce qu’ils bénéficient évidemment des capacités d’investissement qui sont attachées à l’arrivée de ces nouveaux capitaux. Mais également dans le management, dans la gouvernance, dans la structuration et dans la croissance même de l’organisation et du capital humain dans ces sociétés. Une meilleure gouvernance, bien sûr, qui aide à la création, qui renouvelle le management, qui permet de faire accéder à l’actionnariat des managers pas nécessairement issus du cercle familial. Ce sont des vrais relais de transmission d’entreprise.

Nicolas Meurant : On a l’occasion de reconduire assez souvent la question aux groupes mondiaux ou français qui investissent et que l’on accompagne. Leur demande est claire : il faut de la lisibilité et de la stabilité. Et c’est là où je me permettrais d’avoir une note positive, même si je n’ai pas de boule de cristal sur la période électorale : les pouvoirs publics ont compris que créer de la richesse en France supposait de faire venir les investisseurs, qu’ils soient étrangers ou que les fonds soient français et investis en France. Il faut souhaiter que les propositions législatives soient portées dans cet esprit et non pour faciliter les redressements, ou pour créer des présomptions de traitements et salaires quand il y a investissement aux côtés d’investisseurs capitalistiques.

Rappelons qu’il y a une grande partie des pouvoirs publics, de l’appareil d’Etat, qui est sensibilisée. Je ne sais pas si elle est majoritaire ou minoritaire, mais elle existe. Et on la voit dans beaucoup de domaines de la fiscalité et de l’économie œuvrer à ce que les investisseurs personnes physiques ou fonds d’investissement choisissent la France et non ses concurrents

«Tous les dirigeants de l’entreprise sous LBO, et a fortiori les CFO, doivent conserver leur double statut d’investisseur et de salarié.»

Susanne Liepmann Group CFO, HTL biotechnology, présidente ,  Fiplus

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