Avec près de 22 milliards d’euros d’encours sous gestion à fin 2023, 40 000 entreprises clientes et 1,4 million de comptes d’épargne salariale et d’épargne retraite, Société Générale est un acteur important en France sur le marché de l’épargne retraite et salariale. Son positionnement privilégié lui permet d’observer les besoins des salariés et des entreprises. Pour les équipes, les entreprises doivent être davantage mobilisées sur cette question essentielle qu’est la préparation de la retraite pour les salariés. La généralisation des dispositifs d’épargne entreprise ainsi que la mise en œuvre de campagnes d’information constituent des éléments importants de cette mobilisation.
Alors que les débats sur une relance de la réforme des retraites occupent le nouveau gouvernement et les oppositions, avec un accent mis sur l’âge de départ à la retraite, la baisse des taux de remplacement et la possibilité de développer une épargne à long terme restent relativement absentes de ces discussions. Selon la DREES, en 2022, l’épargne retraite par capitalisation occupait une part modeste dans le système français : 5,1 % des cotisations sociales étaient dédiées à l’épargne retraite et 2,3 % des prestations perçues par les retraités provenaient de cette épargne. Ces chiffres traduisent une dépendance forte au régime par répartition, un modèle souvent jugé vulnérable face aux défis démographiques confirmés très récemment dans notre pays. Cependant, environ 13 % des actifs occupés disposaient d’un plan d’épargne retraite d’entreprise et 10 % bénéficiaient d’un plan d’épargne individuel (PER individuel), avec des chevauchements possibles entre ces groupes. L’épargne salariale peut en effet jouer un rôle essentiel pour augmenter la part de la retraite par capitalisation. Deux réformes majeures ont été menées récemment en ce sens : la loi Pacte (2019) qui a simplifié et uniformisé tous les dispositifs d’épargne retraite et la loi sur le partage de la valeur (2023) qui, depuis le 1er janvier 2025, impose aux entreprises de 11 à 49 salariés de mettre en place un dispositif d’épargne, dans la continuité de l’obligation qui existait déjà pour les entreprises de 50 salariés ou plus. Des efforts sont nécessaires en effet, notamment en ce qui concerne l’accès pour les salariés des petites entreprises. Selon les données de la DARES, 52,9 % des salariés français bénéficiaient d’au moins un dispositif d’épargne salariale en 2022. Mais parmi les entreprises de 11 à 49 salariés, seulement 20,7 % proposent un dispositif d’épargne salariale, l’essentiel des salariés couverts travaillent dans de grandes entreprises. Ce taux n’a pas évolué depuis 2020, sauf pour les petites entreprises (moins de 50 salariés), où l’on observe une légère hausse : les entreprises de moins de 50 salariés sont passées d’un taux d’équipement de 18,5 % à 19,9 %. Ces chiffres révèlent donc un déficit important d’accès à ces dispositifs dans les petites entreprises, qui représentent pourtant une part significative du tissu économique français. La loi sur le partage de la valeur pourrait jouer un rôle crucial pour remédier à cette situation. Rappelons-le, toutes les études montrent que les salariés, lorsqu’ils connaissent bien les dispositifs d’épargne à moyen et à long terme pour la préparation de la retraite proposés par leur entreprise, les apprécient grandement (voir entretien ci-contre).
Des dispositifs inégalement utilisés
Les entreprises françaises disposent de quatre principaux outils pour encourager l’épargne salariale de leurs employés dont l’adoption varie significativement en fonction de la taille de l’entreprise. Les accords de participation adoptés en 2022 par 39,1 % des entreprises (et 4,3 % pour les entreprises de moins de 50 salariés), selon les chiffres de la DARES, permettent de redistribuer une partie des bénéfices aux salariés, favorisant une meilleure implication dans les performances de l’entreprise. Les accords d’intéressement, qui concernaient 34,6 % des entreprises en 2022 (9,9 % si moins de 50 salariés), reposent sur des objectifs collectifs définis à l’avance, encouragés par une fiscalité avantageuse. Le plan d’épargne entreprise (PEE), qui permet aux salariés d’épargner à moyen terme avec des avantages fiscaux et sociaux, est présent dans 44,4 % des entreprises, mais dans seulement 13,6 % des entreprises de moins de 50 salariés. Enfin, le plan d’épargne retraite collectif (PER collectif) est présent dans 26,7 % des entreprises (7,2 % pour les petites entreprises). Cet outil créé en 2003 et réformé en 2019 dans le cadre de la loi Pacte est le moins répandu, bien qu’il offre des solutions de long terme adaptées aux besoins des futurs retraités. Il pâtit encore d’un manque de sensibilisation et d’une relative complexité dans sa mise en œuvre, bien qu’il puisse constituer une solution idéale pour préparer la retraite.
Une sous-optimisation du PER
La sous-optimisation du PER se reflète aussi dans la répartition des montants versés aux salariés. En 2022, les montants moyens versés aux salariés via les dispositifs d’épargne salariale se répartissent de la façon suivante, selon les données de la DARES : la prime de partage de la valeur versée à 6 millions de bénéficiaires affiche un montant moyen de 885 euros, la prime de participation touchée par un nombre équivalent de salariés représente en moyenne 1 800 euros, la prime d’intéressement a été perçue par 5,5 millions de salariés pour un montant moyen de 2 066 euros. En revanche, l’abondement est beaucoup moins utilisé que les primes. En effet, sur le PEE, il n’a bénéficié qu’à 2,3 millions de salariés pour un montant moyen de 760 euros et à 1 million de salariés pour un montant moyen de 650 euros sur le PER collectif. Cela reflète une préférence pour les rémunérations directes plutôt que pour les dispositifs de long terme, souvent perçus comme moins flexibles.
Les dispositifs d’épargne retraite d’entreprise ont cependant plusieurs atouts qui restent encore à valoriser auprès des petites structures mais également auprès des salariés ; il est clair qu’une épargne retraite moyenne inférieure à 20 000 euros est largement insuffisante pour combler les lacunes des taux de remplacement. Pour y remédier, il serait possible de simplifier la mise en place des PER d’entreprise dans les petites entreprises en systématisant des mécanismes d’adhésion automatique ou en renforçant les incitations fiscales et sociales notamment liées aux abondements par l’employeur. Il faudrait enfin encourager une épargne volontaire en proposant des campagnes de communication nationales pour promouvoir l’importance de l’épargne retraite et en développant des outils pédagogiques pour guider les salariés dans leurs choix financiers. L’épargne salariale et retraite en France reste sous-exploitée malgré des dispositifs attractifs et des réformes récentes. Les petites entreprises, en particulier, doivent être mieux accompagnées pour intégrer ces solutions. Face à la pression croissante sur le système par répartition, une stratégie concertée impliquant les employeurs, les salariés et l’Etat pourrait s’avérer nécessaire pour garantir une retraite financièrement viable à tous les actifs.
Questions à… Frédéric Barroyer, directeur de la ligne métier épargne retraite et salariale de Société Générale
Pourquoi est-il essentiel de faire de la pédagogie auprès des salariés concernant leurs dispositifs d’épargne retraite et salariale ?
C’est crucial, car la satisfaction des salariés envers leur dispositif dépend fortement de leur niveau de compréhension. Une enquête menée en 2024 auprès des salariés utilisant les produits d’épargne retraite et/ou d’épargne salariale de Société Générale montre que les trois quarts des salariés sont très satisfaits dès lors qu’ils possèdent une bonne compréhension des dispositifs. Cela illustre qu’une communication claire et adaptée peut réinventer leur expérience et leur engagement.
Comment les accompagner ?
Il est nécessaire de communiquer sur les sujets qui intéressent les salariés comme la fiscalité, les cas de déblocage, mais aussi le décryptage des supports de placement et de la gestion financière. 89 % des salariés ont déclaré dans l’enquête qu’ils souhaitaient être informés régulièrement via des canaux digitaux. Il faut aussi adapter les dispositifs aux attentes des salariés et cela passe par la modernisation des outils, une diversification des supports d’investissement et une prise en compte des valeurs sociétales et environnementales, puisque de nombreux salariés expriment un vif intérêt pour les investissements responsables. Enfin, il est nécessaire d’encourager une participation active des salariés quant à la préparation de leur retraite. Les salariés qui réalisent des versements volontaires ou qui utilisent des services de préparation à la retraite ou de coaching retraite sont significativement plus satisfaits. Les premiers obtiennent un score de satisfaction de 74 % soit 16 % de plus que la moyenne. Leur proposer des outils leur donnant une vision globale de leur épargne est un excellent moyen de les engager.
Est-il nécessaire de réformer encore le système ?
Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer auprès des salariés pour leur permettre de préparer leur retraite. Pour cela, il faut davantage orienter les primes vers les dispositifs de long terme. Cela vaut également pour la prime de partage de la valeur. La perception immédiate de la totalité des primes devrait être exceptionnelle. Un levier intéressant pour les employeurs et leurs salariés consiste aussi à verser les congés non utilisés vers les dispositifs d’épargne longue. C’est un flux d’épargne « gagnant-gagnant ». Enfin, l’actionnariat salarié doit également être soutenu et promu, tant il participe avec ses atouts propres à la préparation de la retraite des salariés.
Frédéric Barroyer dirige la ligne métier épargne retraite et salariale chez Société Générale Assurances depuis 2020. Après avoir occupé plusieurs fonctions dans la division asset management du groupe Société Générale, il a été nommé en 2009 responsable pays pour Société Générale Securities Services (SGSS) en Allemagne et, en 2014, directeur général de SGSS S.p.A. en Italie. Il rejoint Société Générale Assurances en janvier 2020.