IT et Finance - Table ronde

Réglementation sur la facturation électronique : freins et opportunités

Publié le 25 juillet 2024 à 9h00

Anne del Pozo    Temps de lecture 22 minutes

Les intervenants : Olivier Taligault, global mandate program lead, Basware - Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing, Yooz - Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements, Tessi - A l’heure des derniers ajustements réglementaires sur la facturation électronique et alors que les échéances à sa mise en œuvre se rapprochent, de nombreuses interrogations demeurent au sujet de son impact sur les systèmes d’information et les organisations, mais aussi en ce qui concerne les opportunités qu’elle peut générer, notamment en termes d’optimisation des processus financiers. Dans ce contexte, la maturité des entreprises sur le sujet se renforce, d’autant que les promesses offertes par les nouvelles technologies en termes de bénéfices les y encouragent.

Les intervenants :

  • Olivier Taligault, global mandate program lead, Basware
  • Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing, Yooz 
  • Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements, Tessi

Olivier Taligault, global mandate program lead, Basware : Depuis l’annonce l’année dernière du décalage de la mise en place de la réforme, beaucoup de choses se sont passées. La DGFiP et l’AIFE ont continué à travailler et à mettre en place un certain nombre d’ateliers pour pouvoir mettre à disposition de l’ensemble des acteurs, entreprises et plateformes PDP candidates une dernière version des spécifications externes publiée en juin. Ces spécifications définissent le mode de fonctionnement et établissent comment seront traitées les factures électroniques dans le cadre de cette réforme. Désormais, nous travaillons sur cette nouvelle documentation pour voir quelles sont les modifications qui ont été apportées. Les principales d’entre elles touchent l’annuaire et en particulier les flux liés à l’annuaire ainsi que sur les lisibles des factures pour essayer de mettre en place un lisible unique pour les factures électroniques. Elles introduisent également une tolérance à l’arrondi, un statut renforcé du suivi, des modifications relatives à la refonte de certains cas de gestion (ces fameux cas d’usage et en particulier celui lié à la sous-traitance), ainsi que des modifications concernant le cycle de vie. En qualité de prestataires du marché et candidats à l’immatriculation PDP, il nous revient d’intégrer ces modifications de manière efficace sur nos solutions.

La prochaine étape à venir sera la mise à disposition de l’annuaire. Dans un premier temps, elle sera uniquement mise à la disposition des plateformes candidates à l’immatriculation PDP, afin que nous puissions commencer à gérer les échanges de factures entre nous et en particulier au travers du PoC sur lequel nous travaillons tous avec le FNFE et Peppol. Si ce dernier aboutit, cela nous permettrait de disposer d’un système d’interopérabilité qui utilisera le réseau PayPal et qui nous évitera de mettre en place des connexions point à point, entre chacun d’entre nous.

La mise à disposition de cet annuaire est attendue pour la fin de l’année, ce qui nous permettra, dès début 2025, de passer à la phase pilote.

En ce qui concerne l’immatriculation des PDP, elle se fera en trois phases. La première est attendue pour fin juillet, avec l’établissement d’une première liste de tous les candidats PDP. Ensuite, il y aura une deuxième étape pendant la phase pilote pour valider la capacité des plateformes à se connecter entre elles et avec le PPF. La troisième étape, qui n’arrivera qu’en 2027, sera la phase d’audit de l’ensemble des plateformes qui auront été préimmatriculées, afin qu’elles obtiennent l’immatriculation finale.

Mélanie Proth-Evangelist, senior product marketing manager e-invoicing, Yooz : L’annuaire est un point clé de cette réforme. Pour en expliquer l’importance, j’aime bien comparer le système français avec ce qu’ont fait les Italiens. L’Italie a mis en place une réforme de facture électronique depuis plusieurs années, au travers d’un modèle centralisé, en V. Il s’appuie sur une plateforme centralisatrice unique et publique sur laquelle toutes les entreprises vont aller récupérer et émettre leurs factures. La France pour sa part a choisi un modèle décentralisé, en Y, caractérisé par l’apparition de ces fameuses PDP, des plateformes privées qui vont être immatriculées par l’État. Or, ce fameux annuaire centralisé et géré par le PPF sera la clé de voûte de ce modèle en Y. Il va référencer toutes les entreprises qui sont assujetties à la TVA et déclareront leur plateforme de réception, qu’elle soit privée ou publique. En effet, aujourd’hui les entreprises envoient leurs factures par email, par courrier, mais avec la réforme, ce ne sera plus possible. Il faudra qu’elles le fassent par l’intermédiaire de plateformes. Pour que ces dernières puissent communiquer et délivrer les factures au bon destinataire, il faut qu’elles se reposent sur cet annuaire. Il s’agit vraiment d’un élément très important que nous, acteurs de cet écosystème, avons attendu. D’ailleurs, l’année dernière, lorsqu’avait été annoncé le report de la réforme, les représentants du FNFE avaient demandé qu’on nous mette à disposition un annuaire bien en avance de phase afin que les entreprises ou les plateformes qui sont déjà prêtes puissent commencer à s’échanger des factures. Au cours de la plénière FNFE du 31 mai dernier, où l’AIFE était présente, il nous a été confirmé que les travaux de cet annuaire sont en cours et qu’il allait être livré d’ici la fin de l’année pour qu’on puisse commencer le « petit pilote ». Cet annuaire devrait donc être disponible en mode test et prioritairement accessible pour les PDP qui, pour leur part, vont venir l’alimenter, le mettre à jour et se baser sur cet annuaire pour commencer à tester.

Par ailleurs, la DGFiP a annoncé qu’elle étudiait aussi la possibilité de mettre en place une autorité Peppol nationale. Cet élément pourrait également aider à l’interopérabilité de toutes ces plateformes de cette réforme facture électronique.

Olivier Taligault, global mandate program lead, Basware

« Dès aujourd’hui, les entreprises doivent réaliser un état des lieux des systèmes et des données qui seront concernées par cette réforme et ce, même si elles n’ont pas encore fait le choix du ou des partenaires avec qui elles travailleront par la suite. Gérer cette complexité en amont leur facilitera  le choix d’un partenaire en fonction de l’architecture qui aura été mise en place. »

Olivier Taligault, global mandate program lead de Basware, est un leader expérimenté avec plus de 20 ans d’expérience dans les domaines de la finance d’entreprise, les solutions P2P et la facturation électronique. Son expertise porte sur le conseil en stratégies de transformations des processus IT & finances au sein d’entreprises complexes et variées.

Il a fait ses preuves dans la réalisation de propositions de valeur efficaces pour des solutions d’optimisation des processus comptables & P2P dédiées à des entreprises stratégiques.

Olivier a rejoint Basware pour diriger le programme de mise en conformité de la facturation, suivant les différentes réglementations en vigueur en France et à l’international.

Florent Faguer, responsable marketing – solutions paiements, Tessi : Les premiers reports ont certes été accueillis, à l’époque, plutôt positivement par une bonne partie des entreprises, parce que nombre d’entre elles n’étaient pas forcément prêtes ; mais à vrai dire, pour le dernier report, les choses sont un peu différentes. En effet, ce dernier reporte la date de mise en application de deux ans, c’est bien plus long que ce à quoi nous nous attendions. Il intervient de plus à un moment où une partie des grandes entreprises et des ETI avaient déjà engagé leur projet ou du moins investi dans sa préparation. Il y a d’ailleurs eu une réaction de frustration et d’anxiété du côté des opérationnels et des métiers qui étaient en charge du sujet. En raison de ce nouveau report, les entreprises ont dû faire un choix. D’un côté, nous avons des entreprises qui n’avaient pas encore démarré leur projet de transformation avant l’annonce du report et qui, pour certaines, maintiennent leur choix de repousser, d’attendre les échéances avant de s’y mettre. D’un autre côté, nous avons des entreprises qui étaient en pleine transformation et pour qui le report rend la situation compliquée. Elles s’interrogent sur ce qu’elles vont faire ou doivent faire. Doivent-elles stopper leur projet quitte à le reprendre plus tard ou doivent-elles maintenir leur feuille de route, quitte à en profiter pour étendre le périmètre du projet et embarquer d’autres besoins de transformation ou de mise à jour côté applicatifs ? Malgré tout, nous observons, d’un point de vue opérationnel, que pour certains de nos clients, ces reports successifs ont un certain nombre d’impacts. Chaque report représente des investissements additionnels car ils nécessitent de remobiliser ou mobiliser les ressources nécessaires. Aujourd’hui, certains craignent même de voir une réallocation de leurs budgets, une démobilisation de leurs équipes et la fuite des sachants. Parallèlement, alors que la version des spécifications externes a tardé à arriver et que la publication de la liste des PDP préimmatriculées se fait également attendre, il est encore difficile pour un certain nombre d’entreprises de s’engager avec des partenaires techniques, puisqu’ils ne savent pas tout à fait ce que leur réserve l’avenir. Et finalement, d’un point de vue technologique, si l’entreprise décide de reprendre son projet dans un an, elle prend le risque de se retrouver à devoir faire des mises à jour applicatives de dernière minute, sans compter le risque d’un goulet d’étranglement certain quant à la disponibilité des plateformes. Le mot d’ordre consiste donc à rester mobilisé.

Dans les grandes entreprises, des préoccupations demeurent

Olivier Taligault : Au-delà des préoccupations autour de l’organisation et des budgets, il y a également des préoccupations plus matérielles. En effet, beaucoup de grandes entreprises et d’ETI peuvent avoir en interne des systèmes d’information variés et un environnement informatique complexe qu’ils vont devoir harmoniser pour répondre aux besoins de la réglementation. C’est également le cas pour les données. Avec la réforme, il y a un certain nombre de données de facturation qui devront être fournies. Or tous les systèmes d’information n’ont pas forcément été paramétrés pour gérer ce genre de données. Dès aujourd’hui, les entreprises doivent réaliser un état des lieux des systèmes et des données qui seront concernées par cette réforme et ce, même si elles n’ont pas encore fait le choix du ou des partenaires avec qui elles travailleront par la suite. Gérer cette complexité en amont leur facilitera par ailleurs le choix d’un partenaire en fonction de l’architecture qui aura été mise en place.

Avec les données se posent également les questions de sécurité et de confidentialité. Les données de facturation sont sensibles car elles donnent un très bon aperçu de l’activité de l’entreprise. Il est donc important que les entreprises en assurent la sécurité. Un certain nombre d’éléments sont déjà prévus dans le cadre de la réforme sur ce sujet, comme la norme SecNumCloud qui évite que les données puissent être hébergées hors d’Europe.

Florent Faguer : Côté organisation, il faut s’attendre à des impacts très positifs puisque l’adoption de la facture électronique va générer de la digitalisation et de l’automatisation des processus avec, in fine, une amélioration de l’efficacité opérationnelle des directions financières. Elle va libérer les ressources qui pourront être affectées en partie à d’autres tâches à plus forte valeur ajoutée. Il va donc falloir, au sein des équipes redéfinir le périmètre de chacun. La chaîne de facturation étant plus rapide et plus efficace, échangeant des données plus fiabilisées, on va voir des équipes comptables qui, au lieu de passer du temps sur la gestion des erreurs, la relance client et la gestion des impayés, pourront également se consacrer à des tâches plus intéressantes. D’autre part, la facturation électronique va renforcer la fluidité des échanges entre les clients et fournisseurs. En effet, les plateformes de dématérialisation proposent souvent des interfaces qui intègrent des messageries pour que clients et fournisseurs puissent communiquer entre eux de façon quasi instantanée. Grâce à ces mêmes interfaces, les RAF et les DAF vont pour leur part accéder à un pilotage de l’activité renforcé et pourront prendre des décisions plus éclairées renforçant leur rôle clé au sein de l’organisation. Certes, il y a aussi quelques impacts négatifs. Avec cette réforme, les entreprises doivent déjà s’engager dans un projet de transformation qui nécessite un investissement financier et en ressources. Il va falloir former les équipes, embarquer ses parties prenantes, ce qui prend du temps et nécessite de se réorganiser. Pour les grandes entreprises, ces projets peuvent générer des difficultés en termes de gouvernance. Pour les petites entreprises, les difficultés relèveront plutôt de l’effort financier ou encore de la formation des collaborateurs.

Mélanie Proth-Evangelist : Ces préoccupations, nous les retrouvons dans les entreprises de toute taille. Après, chaque entreprise est un peu différente, avec ses process, ses systèmes d’information qui sont en place. En revanche, il y a une grande majorité des TPE et PME qui font appel à des cabinets d’expertise comptable. Il y a donc un enjeu particulier pour la profession des experts-comptables parce qu’ils vont vraiment avoir ce rôle de conseillers et d’ambassadeurs de la réforme pour accompagner ces entreprises pour mettre en place les outils adéquats pour être conformes à cette réforme de facturation électronique. L’enjeu pour un expert-comptable, c’est également de garder ses clients sur une seule et même plateforme et éviter ainsi qu’ils aillent sur une multitude de plateformes, ce qui décentraliserait complètement les flux et impacterait forcément sa tenue de compte. Les experts-comptables sont d’ailleurs représentés dans les groupes de travail, aussi bien avec la DGFiP qu’au sein du FNFE. Ils ont un rôle d’évangélisation important à jouer auprès de leurs clients et des petites entreprises.

La donnée est au cœur de cette réforme

Florent Faguer : La donnée est au cœur de la réforme. Les factures, telles que nous les voyons à échéance, sont dématérialisées dès leur création ou leur réception dans un des formats de données structurées demandés par l’État. Du côté du gouvernement, l’objectif consistait à pouvoir se servir de toutes ces données principalement pour lutter contre la fraude. Du côté des entreprises, ces données deviennent aussi importantes car, selon leur qualité, elles vont déterminer la bonne réception, l’acceptation, le rejet de la facture, mais aussi, in fine, le fait d’être payé ou non. Ces données proviennent essentiellement de référentiels clients, fournisseurs, de ceux contenant les informations relatives aux bons de commande ou articles. Il est donc indispensable de s’assurer de leur bonne qualité. A cet effet, il faut d’abord définir une gouvernance pour déterminer qui sera responsable de la qualité de ces référentiels ou de ces données. Il s’agit ensuite de faire un état des lieux de l’existant avec une phase de revue de ces données. Il convient enfin de les consolider, de les nettoyer et de les mettre à jour. Cette mise à jour est importante mais il faut aussi prévoir son maintien car le référentiel va évoluer dans le temps.

Mélanie Proth-Evangelist : La qualité de la donnée et des référentiels est en effet indispensable. Ça rejoint d’ailleurs la notion de l’annuaire officiel, car c’est grâce à cet annuaire que les factures seront routées correctement. Pour savoir vers qui envoyer les factures et éviter les erreurs de routage, il va falloir qualifier ces référentiels avec le Siren, le Siret des destinataires des factures pour s’assurer que ça arrivera chez le bon destinataire pour être payé à temps, mais aussi avec les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Les plateformes devront savoir si le destinataire est un client français assujetti à la TVA (e-invoicing) ou un client non assujetti à la TVA ou un particulier (e-reporting). Pour qualifier la donnée, il existe des outils. Pour notre part, nous utilisons des outils qui vont aider nos utilisateurs à compléter une fiche client ou à la valider par rapport à des data dont nous disposons déjà dans notre écosystème.

Florent Faguer,  responsable marketing – solutions paiements, Tessi

« Côté organisation, il faut s’attendre à des impacts très positifs de cette réforme puisque l’adoption de la facture électronique va générer de la digitalisation et de l’automatisation des processus avec, in fine, une amélioration de l’efficacité opérationnelle des directions financières. »

Florent Faguer est responsable marketing – solutions paiements chez Tessi. Après une première carrière dans le monde des NTIC/Telecoms et de l’e/m-commerce, il acquiert une expérience diversifiée de la monétique et des moyens de paiement. Marketeur technophile, sensible aux problématiques liées à l’expérience client/utilisateur et orienté résultats, il a eu l’opportunité d’exercer des rôles transverses (élaboration d’offres marketing, développement commercial, pilotage de projet) au sein d’entités de toutes tailles. Depuis 2021, Florent a rejoint le groupe Tessi et a en charge la promotion de Digital Invoice by Tessi, plateforme de dématérialisation des factures et de digitalisation des processus, actuellement candidate au statut de plateforme de dématérialisation partenaire (PDP).

Une réforme qui contribuera à l’amélioration des processus financiers

Mélanie Proth-Evangelist : Pour que cette réforme participe à l’amélioration des processus financiers, il convient de suivre différentes étapes clés. La première consiste aujourd’hui à prendre véritablement conscience qu’il est temps d’agir. La deuxième consiste à bien comprendre les tenants et les aboutissants de la réforme : quels sont les attendus ? Quel est le calendrier ? Qui sont ces nouveaux acteurs ? Comprendre ce qu’est une PDP, le PPF, un OD… La troisième étape consiste à faire un audit de ses processus actuels, comment sont envoyées les factures, comment elles sont reçues, où sont les points de friction. Il convient de cartographier les différents flux des factures entrantes et sortantes, leurs formats, les besoins en termes de flux (clients particuliers en France, à l’international, le public, le privé…), les marges d’amélioration. En effet, il existe forcément des endroits où il est possible de réduire les interventions manuelles et d’automatiser encore plus certains processus. Cette étape est assez cruciale et prend du temps. Mieux vaut commencer à faire cet exercice dès aujourd’hui. Et une fois qu’elles ont mené ces étapes, les entreprises seront en mesure de comparer et de choisir la solution adaptée.

Olivier Taligault : La réforme offre différentes opportunités. Il y a en premier lieu les opportunités intrinsèques à cette réglementation. La première, c’est l’automatisation, à la fois en émission et en réception de factures, de la gestion de ces flux de factures. Cette automatisation représente déjà un gain important, en particulier pour les entreprises qui gèrent des flux et des volumes de factures importants. Le deuxième, c’est la réduction des délais de traitement. La dématérialisation de ces flux permet en effet un traitement instantané. La troisième, c’est le renforcement de la conformité. Cette réforme offre en effet une visibilité complète de tous les échanges en particulier sur la TVA récupérée par l’État. Il y a également des questions de conformité commerciale, par exemple, avec un certain nombre de données qui doivent figurer sur la facture. Quand on est récepteur de factures ou émetteur de factures, il faut s’assurer que la facture qu’on reçoit ou qu’on envoie soit conforme. S’il y a non-conformité d’une facture, il peut y avoir des conséquences importantes et en particulier financières, avec par exemple des amendes.

Ensuite, il y a tous les bénéfices et les optimisations qui peuvent accompagner la réforme. L’automatisation des processus va par exemple permettre d’utiliser le temps des comptables différemment dans une relation plus poussée avec les fournisseurs.

La plupart des prestataires du marché proposent des solutions qui permettent aux entreprises d’interagir directement avec leurs fournisseurs ou les fournisseurs avec les clients. Ces outils vont permettre de renforcer la valeur ajoutée des équipes comptables et surtout de se consacrer à une activité plus stratégique. Aujourd’hui, nous avons aussi des outils qui vont nous permettre de faire des analyses prospectives car nous aurons une donnée immédiatement disponible et fiable. Enfin, la mise en place de la facturation électronique va également permettre aux entreprises de limiter les risques de fraude à la facture.

L’intelligence artificielle s’invite dans le débat

Florent Faguer : Aujourd’hui, nous arrivons déjà à faire des choses beaucoup plus vite et de manière plus fiable avec l’automatisation simple. Demain, l’intelligence artificielle générative jouera un rôle vraiment significatif, notamment pour continuer à améliorer et optimiser les processus existants, mais surtout pour inventer de nouveaux services qui vont venir très certainement apporter leur lot de valeur ajoutée. Ce qui est sûr, c’est que ces derniers mois, l’IA est sur toutes les lèvres. Avant d’en voir les effets concrets dans notre domaine, on peut d’ores et déjà imaginer plusieurs services pour lesquels l’IA aura sûrement une carte à jouer. On pourra par exemple utiliser des modèles d’IA pour détecter directement les anomalies et les fraudes potentielles dans les données de facturation. L’IA permettra également de pousser un cran plus loin l’automatisation, il reste une marge de progression. On pourra par exemple l’utiliser pour identifier et corriger automatiquement les écarts dans les processus de réconciliation des factures et des paiements. Elle pourra également servir à des fins d’analyses prévisionnelles pour aider à la gestion de la trésorerie et à la planification financière : l’IA viendrait alors suggérer, précéder potentiellement les questions ou les alertes pour apporter une véritable dimension de conseil vis-à-vis des directions financières. L’IA pourrait aussi créer des factures personnalisées en fonction des préférences et des besoins des clients, tout en assurant la conformité ou le suivi ou l’évolution de la conformité. Dans le domaine du support client, il sera logique d’utiliser des chatbots ou des assistants virtuels alimentés par l’IA, notamment pour répondre à des questions des clients concernant leurs factures ou aider à la résolution de litiges avec des fournisseurs. Il est également envisageable de faire appel à l’IA pour surveiller et maintenir la cohérence des données entre les différents systèmes et les bases de données pour que les référentiels soient toujours à jour et qu’il y ait une gestion intelligente de toutes ces données, etc. Par ailleurs, avec l’IA, les systèmes de facturation vont encore gagner en efficacité permettant de réduire encore les coûts liés à la facturation. Un certain nombre d’éléments sont ainsi en train d’être mis en place du côté des partenaires et des offreurs. Du côté de l’existant, l’IA a été en premier lieu utilisée dans la détection de la fraude. Actuellement, il y a également des avancées dans le scoring, notamment des fournisseurs et des clients, ainsi que dans l’efficacité d’automatisation des traitements et des contrôles.

Mélanie Proth-Evangelist : On parle beaucoup d’IA aujourd’hui, mais en fait, ça fait déjà des années que ces technologies sont mises à contribution pour aider à la détection de la fraude documentaire, pour vérifier qu’une facture ou un document n’ont pas été falsifiés... Avec l’avènement de la facture électronique et notamment cette réforme facturation électronique en France, les tendances de fraudes vont changer parce qu’une facture structurée par nature sera beaucoup plus compliquée à trafiquer. En effet, il ne faut pas oublier que pour être immatriculées PDP, les plateformes de dématérialisation vont devoir respecter un grand nombre de conditions et notamment vérifier l’identité des utilisateurs de manière substantielle. Quand on va créer une entreprise sur une PDP, cette dernière devra vérifier l’identité de celui qui va émettre la facture en utilisant des technologies de vérification d’identité avancées, ainsi que la conformité des factures aussi bien à l’émission qu’à la réception. Ces factures structurées par nature seront beaucoup plus compliquées à trafiquer pour les faussaires. Donc, on peut imaginer qu’avec l’avènement de cette facturation électronique, il y aura moins de fraudes.

Olivier Taligault : L’IA est aujourd’hui déjà utilisée dans un certain nombre de cas de figure et il y en aura probablement de nouveaux demain qui vont naître de l’évolution de l’IA et des processus des entreprises. Enfin, il y a une tendance globale et mondiale à réglementer autour de la facturation électronique. Néanmoins, chaque pays a sa propre réglementation sur le sujet. Les grandes entreprises qui ont des implantations de production ou commerciales dans les pays qui mettent en place ce type de réglementation vont devoir également s’adapter à ces réglementations-là. Pour harmoniser leurs processus an niveau global, elles pourront notamment s’appuyer demain sur des outils d’IA générative.

Mélanie Proth-Evangelist,   senior product marketing manager e-invoicing, Yooz

« L’annuaire central est un point clé de cette réforme. Il va référencer toutes les entreprises qui sont assujetties à la TVA et déclareront leur plateforme de réception, qu’elle soit privée ou qu’elle soit publique. »

Mélanie Proth-Evangelist est senior product marketing manager e-invoicing de Yooz. Avec plus de 15 ans d’expérience dans le marketing en France et aux Etats-Unis, où elle a vécu 12 ans avant de rejoindre Yooz, Mélanie Proth-Evangelist est passionnée par la tech au service des entreprises. Elle a notamment travaillé pour des start-up tech, une société de conseil en innovation et une SAAS publique spécialisée dans l’EDI. Aujourd’hui spécialisée sur les thématiques de facturation électronique chez Yooz, elle aime être au contact direct des clients pour aider à mettre en œuvre des initiatives stratégiques produit, mieux s’aligner sur leurs attentes et besoins, et ainsi améliorer l’expérience utilisateur.

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