L’amendement Charasse interdit aux groupes fiscalement intégrés la déduction, au plan fiscal, d’une partie des charges financières supportées par une société cessionnaire, au titre d’une opération dite de « rachat à soi-même »[1]. Le « rachat à soi-même » au sens de ce dispositif consiste en l’acquisition, par une société intégrée fiscalement, de titres d’une société (cible), auprès d’une personne qui contrôle également, seule ou conjointement (c’est-à-dire avec plusieurs autres personnes), la société cessionnaire.
Selon la définition retenue par le Code de commerce, la notion de « contrôle conjoint » nécessite la réunion de deux éléments, à savoir (i) l’existence d’une « action de concert » entre les associés et (ii) la détermination en fait des décisions prises en assemblée générale[2]. Si la saga « Mi-Développement 2 »[3] nous avait déjà éclairés sur le concept d’« action de concert »[4], la haute juridiction vient aujourd’hui apporter des précisions, dans un arrêt « Financière des Eparses » du 6 décembre 2021, sur le second élément, relatif à la détermination en fait des décisions prises en assemblée générale. Cette analyse doit être réalisée non seulement au titre de l’exercice d’acquisition mais également – en cas de contrôle conjoint caractérisé à la date d’acquisition – au titre des exercices ultérieurs (pendant huit ans), les effets de l’amendement Charasse pouvant être interrompus ou suspendus.
Si l’on peut reconnaître la clarté et le pragmatisme du raisonnement opéré par le Conseil d’Etat, il n’en demeure pas moins que la grille d’appréciation proposée demeure relativement complexe et devrait favoriser l’application de l’amendement Charasse en cas d’accord systématique des actionnaires sur les décisions stratégiques de la société cessionnaire (l’existence de désaccords sur des décisions ordinaires ou non stratégiques devant rester, selon le Conseil d’Etat, sans incidence sur le raisonnement).
1. Premier enseignement : le contrôle conjoint suppose non seulement un pouvoir conjoint mais encore une entente effective des concertistes dans la prise de décision
La haute juridiction nous livre une grille d’analyse en deux temps.
1.1. L’analyse du « pouvoir » de décision des concertistes
La qualification du contrôle conjoint consisterait dans un premier à temps à analyser...