Le sujet est connu mais la rigueur est de mise comme vient de le rappeler la Cour de cassation dans plusieurs décisions.
Par Mehdi Caussanel-Haji, avocat associé, et Olivia Houy-Boussard, avocate, Barthélémy Avocats.
1. Avis d’aptitude avec réserve et inaptitude : ne pas confondre
1.1. Modification du contrat de travail
Les restrictions constatées par le médecin du travail, lorsqu’elles impliquent la modification du contrat de travail du salarié doivent-elles conduire le médecin du travail à la formulation d’un avis d’inaptitude ?
Non, répond sans surprise la Cour de cassation le 24 mars dernier (n° 19-16558 FS-PI). La nécessité d’une modification du contrat de travail ne doit pas être prise en compte par le médecin du travail, ou le juge en cas de recours, pour la qualification d’un avis : la circonstance que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en elle-même, la formulation d’un avis d’inaptitude.
1.2. Substitution d’un avis d’aptitude à un avis d’inaptitude
Une salariée, caissière dans un casino, embauchée pour travailler la nuit, a été déclarée inapte à son poste, mais apte à tout poste sans travail de nuit au-delà de 22 heures.
Les juges ont substitué à l’avis d’inaptitude un avis d’aptitude à son poste de caissier avec interdiction du travail de nuit effectué après 22 heures.
Depuis la réforme de la loi Travail, la décision de la juridiction prud’homale sur l’aptitude du salarié se substitue à celle du médecin du travail.
1.3. Salariée embauchée pour un travail de nuit
Cet avis d’aptitude avec réserves bouleversait la situation de travail, puisque la salariée ne pouvait plus occuper le poste pour lequel elle avait été embauchée.
Par ailleurs, le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour entraîne une modification du contrat de travail.
Selon l’employeur, dès l’instant où il était constant que depuis son embauche et jusqu’à la date de l’avis du médecin du travail le 1er octobre 2018, Mme X... était soumise à un horaire de nuit et relevait du régime des travailleurs de nuit, la contre-indication relative à l’exercice de tout travail après 22 heures conduisait nécessairement à envisager une modification du contrat de travail de l’intéressée et s’analysait dès lors légalement en un avis d’inaptitude.
La thèse de l’employeur a été rejetée.
1.4. Avis d’aptitude avec réserves/avis d’inaptitude
Qu’une modification du contrat de travail soit nécessaire à la reprise d’un poste n’a pas de répercussion sur la nature de l’avis : celui-ci reste un avis d’aptitude.
Une déclaration d’inaptitude ne peut intervenir que lorsqu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible.
L’avis d’aptitude impliquait une modification du contrat de travail, et donc l’acceptation de la salariée.
1.5. Que faire ?
L’employeur ne doit pas chercher à reclasser le salarié. Ce dernier doit reprendre son poste suivant les réserves formulées.
Dans le cas d’espèce, l’employeur doit donc proposer à la salariée un poste de caissier le jour, et prendre soin de recueillir son accord express puisque ce poste entraîne une modification de son contrat. Encore faut-il qu’un tel poste soit disponible.
En admettant qu’un poste soit disponible, si la salariée refuse la modification de son contrat de travail, l’employeur doit tirer les conséquences de ce refus et engager une procédure de licenciement. Il ne peut évidemment pas s’agir d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.