On se souvient de l’émoi provoqué par l’instruction du 14 juin 2013 relative à l’intégration dans le calcul du plafonnement de l’ISF des inscriptions en compte sur les compartiments euros des contrats d’assurance-vie multisupports1. Le Conseil d’Etat devrait apporter rapidement un éclairage nouveau sur ce sujet.
Par Eric Ginter, avocat associé, professeur associé à l’Université de Bourgogne, Hoche société d’avocats
Depuis la loi de finances pour 2011, les montants qui sont inscrits en compte sur le compartiment euros des contrats d’assurance-vie multisupports sont assujettis aux prélèvements sociaux au fil de l’eau, c’est-à-dire au fur et à mesure de leur inscription.
Cette disposition avait été adoptée tout à la fois dans un souci de rendement fiscal et pour aligner le sort réservé à ce compartiment euros sur celui des contrats intégralement souscrits en euros.
Ceci a conduit l’administration, par l’instruction précitée, à préciser que ces montants devaient être assimilés à des revenus et, comme tels, être intégrés dans le calcul du «plafonnement ISF».
Cette intégration au numérateur du ratio qui permet de calculer ce plafonnement a pour effet d’amoindrir considérablement la portée de celui-ci.
Dit autrement, cette instruction a eu pour conséquence d’augmenter, parfois dans des proportions très significatives, le montant de l’ISF dont les titulaires de contrats d’assurance-vie multisupports étaient redevables.
Cette instruction ayant été publiée trois jours avant la date limite de dépôt des déclarations, l’administration a laissé jusqu’au 15 octobre aux personnes concernées pour déposer des déclarations d’ISF rectificatives accompagnées du paiement de droits complémentaires correspondants.
Certains se sont acquittés de cette obligation, mais non sans contester celle-ci en déposant un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de l’instruction de juin.
En outre, observant que l’origine de ce problème trouvait sa source dans la loi de finances pour 2011 qui avait introduit la taxation «au fil de l’eau», certains ont soulevé la question de la constitutionnalité de ces dispositions et, par voie de conséquence, de celle de l’instruction qui en tire les conclusions rappelées plus haut.
Le Conseil d’Etat va se prononcer très prochainement sur cette question prioritaire de constitutionnalité dont le rapporteur public, Mme Nathalie Escaut, a estimé qu’elle devait être transmise au Conseil constitutionnel. Une décision sur ce point est donc attendue très prochainement.
Dans ses conclusions, Mme Escaut a mis en doute la légalité de l’instruction du 14 juin qui, de manière assez évidente, rajoute à la loi en prévoyant l’intégration de simples inscriptions en compte dans le revenu servant de calcul au plafonnement de l’ISF.