Ni le droit de l’Union européenne, ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’imposent au juge de se fonder sur des preuves loyalement obtenues…
Par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
Le Tribunal de l’Union européenne (TUE) vient ainsi de confirmer la recevabilité, à titre d’éléments de preuve d’une entente anticoncurrentielle, d’enregistrements secrets de conversations téléphoniques réalisés par l’une des entreprises parties à l’entente. Au cas particulier, les enregistrements litigieux avaient été obtenus par la Commission européenne lors d’une inspection dans les locaux de cette entreprise (Arrêt du 8 septembre 2016, aff. T-54/14).
Après avoir rappelé que «les éléments de preuve que la Commission a obtenus régulièrement sont, en principe, recevables dans le cadre d’une investigation pour violation du droit de la concurrence», le TUE s’est appuyé sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour apprécier si, même recueillis régulièrement comme ici par la Commission, ces éléments pouvaient être valablement utilisés alors qu’ils avaient été obtenus par un tiers illégalement, en violation notamment du droit au respect de la vie privée de la personne enregistrée à son insu. Selon cette jurisprudence, l’utilisation en tant que moyen de preuve d’un enregistrement illégal ne se heurte pas en soi aux principes d’équité consacrés par l’article 6 § 1 de la CEDH, y compris lorsque cet élément de preuve a été obtenu en violation des exigences de l’article 8 de la CEDH relatif au droit au respect de la vie privée (CEDH 26 avril 2007 n° 71525/01), pour autant que :
- d’une part, la partie mise en cause n’a pas été privée d’un procès équitable ni de ses droits de la défense ;
- d’autre part, cet enregistrement n’a pas constitué le seul élément de preuve retenu pour motiver la condamnation.
Or, en l’espèce, la Commission avait offert au cours de la procédure à toutes...