La décision que vient de rendre le Conseil constitutionnel sur l’article 784 du CGI relatif au «rapport successoral1» montre à nouveau que des situations que l’on croyait acquises ne sont pas à l’abri de modifications de la loi fiscale.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat counsel, Hoche Société d’Avocats
L’article 784 du CGI dispose en substance que, pour calculer les droits de succession, qui résultent d’un barème progressif, il faut ajouter à l’actif successoral les donations qui ont été consenties par le défunt à ses héritiers. C’est le «rapport successoral» qui, dans son principe, n’est pas contestable.
Toute la question est de savoir jusqu’à quand il convient de remonter dans le passé. Initialement, le délai de rappel était de six années. En juillet 2011, il a été porté à 10 ans, puis à 15 ans en 2012.
Cet allongement du délai a pour effet de faire prendre en compte pour le calcul des droits des donations que l’on pouvait croire définitivement sorties de ce calcul.
Ainsi, une donation consentie en 2000 était-elle définitivement hors rapport successoral en 2012 lorsque le délai était de 10 ans, mais revenait dans le calcul des droits lorsque ce délai était porté à 15 ans.
Des héritiers placés dans cette situation ont contesté le caractère rétroactif de la loi de 2012, arguant que le législateur avait ainsi porté atteinte à leur espérance légitime de voir certaines donations qui leur avaient été consenties définitivement exonérées, ce dont il résultait une atteinte à une situation légalement acquise contraire aux principes garantis par la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
Lorsqu’il est saisi de telles questions, portant sur l’application rétroactive, ou rétrospective, de la loi fiscale, le Conseil constitutionnel rappelle avec constance qu’«il est à tout moment loisible au législateur […] de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions».
Toutefois, ajoute le Conseil,...