Par un récent arrêt, devenu définitif, du 31 janvier 2024, la cour d’appel de Paris souligne, pour la première fois, que l’inspecteur du travail ne peut pas recourir à la notion de fraude à la loi pour constater un délit d’entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel.
1. Fraude à la loi et entreprise unique
L’inspecteur du travail dispose-t-il du pouvoir de reconnaître, entre une pluralité de sociétés, une « entreprise unique » et, partant, de considérer qu’il existerait un délit d’entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel (IRP) si cette « entreprise unique » refuse d’organiser les élections de ces IRP ?
Arguant d’une « fraude à la loi », telle était la thèse soutenue ensemble par divers inspecteurs du travail, le ministère public, un syndicat et des salariés de plusieurs sociétés d’une enseigne de la grande distribution.
Aux termes d’une enquête conduite pendant un an par des inspecteurs du travail, suivie d’une information judiciaire débutée en 2013 et achevée cinq années plus tard, en 2018, l’affaire a été renvoyée devant la 31e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Ont ainsi été poursuivis devant la juridiction pénale une dizaine de sociétés ainsi que leurs dirigeants à qui ils étaient reprochés d’avoir commis divers délits d’entraves en raison de l’existence d’une « entreprise unique » entre ces sociétés et du refus d’organiser les élections des IRP après mises en demeure des inspecteurs du travail.
A l’occasion des débats de première instance, le ministère public (par voie de réquisitions écrites communiquées préalablement à la défense, particularité suffisamment rare pour être saluée) a considéré, sur le fondement d’une jurisprudence ancienne de la chambre criminelle de la Cour de cassation amorcée en 1970 (Cour de cassation,...