Une récente décision (1) de la Cour de justice de l’UE (CJUE) vient apporter une nouvelle pierre à l’édifice prétorien de la conformité au droit de l’UE de l’imposition à la source des dividendes versées à des entités non-résidentes (au cas particulier des dividendes de source néerlandaise versés à une société française). Après un bref rappel du courant jurisprudentiel, à la fois européen et domestique, dans lequel vient s’inscrire cette décision, nous reviendrons plus précisément sur le raisonnement de la CJUE et ses potentielles conséquences sur la décision à rendre par la juridiction de renvoi.
Par Siamak Mostafavi, avocat associé, et Nicolas André, avocat, Jones Day
1. L’évolution de la jurisprudence de la CJUE s’agissant de l’imposition à la source des dividendes versés à des entités non-résidentes
La question de la conformité au droit de l’UE de l’imposition à la source des dividendes versées par une entité d’un Etat membre à une entité d’un autre Etat membre n’est pas nouvelle et a donné lieu à une abondante jurisprudence de la CJUE. La question de cette conformité est fréquente dans la mesure où le mécanisme de retenue à la source peut engendrer une différence de traitement, notamment lorsque les non-résidents y sont soumis alors que les résidents en sont exonérés, en droit ou de fait. Cette différence de traitement est plus ou moins évidente selon les situations.
La différence de traitement est évidente lorsque le non-résident est soumis à une retenue à la source tandis que le résident est exonéré d’imposition (qu’il s’agisse d’une retenue à la source ou de toute autre forme d’imposition).
Du point de vue du droit fiscal français, plusieurs régimes d’imposition des dividendes perçus par des non-résidents ont ainsi été successivement jugés par la CJUE comme étant incompatibles avec le droit de l’UE, qu’il s’agisse des dividendes versés :
- à des organismes de retraite exonérés d’impôts (décision Centro di Musicologia Walter Stauffer (2)) ;
- à des sociétés relevant du champ d’application du régime des sociétés mères (décision Denkavit (3)) ;
- à des organismes de placement en valeurs mobilières exonérés d’impôts (décision Santander (4)).
La différence de traitement est en revanche moins évidente lorsque le non-résident est soumis à une retenue à la source et que le résident n’y est pas soumis sans être toutefois totalement exonéré d’impôt (il est soumis à un autre régime d’imposition). Dans ce cas, il n’y a pas de différence quant au principe de l’imposition. Il peut en revanche y avoir une différence de traitement entre les deux régimes d’imposition (retenue à la source versus impôt sur les sociétés).