La question du cumul des sanctions pénales et fiscales a donné lieu ces dernières années à plusieurs décisions du Conseil constitutionnel (Cons. const. 24/06/2016 n° 2016-545 et 2016-546 ; Cons. const. 22/07/2016 n° 2016-556 ; Cons. const. 23/11/2018 n° 2018-745). Compte tenu des principes constitutionnels de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité, le cumul des sanctions a été déclaré conforme à la constitution sous trois réserves : – l’impossibilité de condamner pénalement un contribuable déchargé définitivement de l’impôt pour un motif de fond ;– l’obligation de réserver les sanctions pénales aux seuls contribuables auteurs des manquements fiscaux les plus graves ; et– l’obligation de plafonner le montant global des sanctions pénales et fiscales au montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.La chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 11 septembre 2019 une série d’arrêts qui apportent des précisions importantes sur la portée de ces réserves.
Par Alice Rousseau, avocate, Alice Rousseau Avocats
1. La chambre criminelle rappelle que le principe non bis in idem ne s’applique pas aux sanctions fiscales
Crim., 11 septembre 2019, n° 18-81.067
Crim., 11 septembre 2019, n° 18-82.430
Le principe non bis in idem, qui empêche qu’une personne soit jugée ou punie deux fois pour les mêmes faits, est énoncé par l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Cet article indique que «nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif». A ce sujet, la France a émis une réserve d’interprétation aux termes de laquelle «seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens […] du présent Protocole».
En application de la réserve d’interprétation française, la Cour de cassation juge de manière constante que l’interdiction d’une double condamnation en raison des mêmes faits ne trouve à s’appliquer que pour les infractions relevant de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale mais n’interdit pas le prononcé des sanctions fiscales (majorations sur les droits éludés) parallèlement aux peines infligées par le juge pénal (Crim., 20 juin 1996, n° 94-85.796 ; Crim., 4 juin 1998, n° 97-80.620).
Afin de tenter de faire échec à cette double sanction et de bénéficier du principe non bis in idem, les prévenus ont soulevé l’absence de validité de la réserve française en application de l’article 57 de la CEDH.
La chambre criminelle n’a toutefois pas fait droit à ce moyen et a indiqué, en substance, qu’il n’appartenait pas aux juges judiciaires de contrôler la validité de la réserve émise par la France.
2. Le juge pénal n’a pas l’obligation de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive du juge de l’impôt
Crim., 11 septembre 2019, n° 18-81.980
Il est extrêmement fréquent que le procès pénal pour fraude fiscale s’ouvre alors que la procédure visant à contester le bien-fondé du redressement est en cours devant le juge fiscal.
Or, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les procédures...