Par un arrêt du 6 juillet 2016 (CE n° 377904 Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine France), le Conseil d’Etat subordonne le bénéfice de sa jurisprudence Quémener, dans le cas d’une réévaluation suivie d’une confusion de patrimoine de SCI, à la démonstration d’une double imposition. Cette décision soulève un certain nombre de questions quant à sa portée ainsi qu’à ses conséquences pratiques.
Par André Loup, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
Les sociétés Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine France avaient acquis de leur société mère luxembourgeoise, en mars 2006, des titres d’autres sociétés luxembourgeoises, elles-mêmes détentrices de SCI françaises.
Elles ont alors réalisé plusieurs opérations successives – liquidation des sociétés luxembourgeoises, réévaluation des immeubles appartenant aux SCI, et enfin confusion de patrimoine des SCI – qui ont conduit à faire remonter à leur bilan les immeubles sous-jacents pour une valeur réévaluée.
1. Les sociétés avaient compensé le profit de réévaluation des immeubles avec une moins-value d’annulation des titres des SCI
La réévaluation des immeubles détenus par les SCI conduisait à constater un profit imposable entre leurs mains en raison de la translucidité fiscale desdites SCI.
Lors de la confusion de patrimoine de ces dernières, leurs nouvelles associées ont majoré le prix de revient des titres des SCI du montant de ce profit, par application du correctif institué par la jurisprudence SA Ets Quémener (CE 16 février 2000 n° 133296), ce qui conduisait à compenser ici le résultat des deux opérations.
Rappelons que cet ajustement est destiné, depuis l’origine, à neutraliser, pour la détermination des plus ou moins-values de cession de titres réalisées par l’associé, la distorsion susceptible d’exister entre les répartitions fiscale et juridique des résultats d’une société de personnes.
Il consiste :
– à majorer la valeur d’acquisition des titres de la quote-part non distribuée des bénéfices imposables en France de cette société qui a déjà été imposée entre les mains de l’associé avant la cession et pendant la période d’application du régime des sociétés de personnes,
– et à la minorer des déficits non comblés par l’associé que ce dernier a effectivement1 déduits pendant la même période, à l’exclusion toutefois de ceux qui trouveraient leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif.