En tant que praticien du droit des sociétés, on apprend généralement que l’assemblée des associés est souveraine dans ses décisions sous réserve qu’elles soient prises à la majorité adéquate. Ce principe doit toutefois être tempéré par la possibilité que les tribunaux puissent décider, a posteriori, que la décision de l’assemblée a constitué un abus de majorité.
Par Arnaud Burg, associé, DS Avocats
Par un arrêt en date du 24 mai 2016 (n° 14-28121), la chambre commerciale de la Cour de cassation est une nouvelle fois venue rappeler les conditions de l’abus de majorité mais aussi les conséquences subséquentes sur les actes passés en application de la décision attaquée.
En l’espèce, l’assemblée générale d’une SCI qui s’était tenue en présence des quatre associés égalitaires avait décidé la vente d’un terrain acquis par la SCI et de l’immeuble en cours de construction à un prix nettement inférieur à celui de la valeur réelle du bien. Malgré l’opposition de l’un des actionnaires, le bien était ensuite cédé, six mois plus tard, pour la même somme à une société constituée par les trois associés ayant voté en faveur de la résolution. La société, privée de ses seuls actifs, avait été ensuite dissoute par une assemblée générale ultérieure.
Les faits étaient particulièrement clairs sur les deux critères cumulatifs constitutifs de l’abus de majorité à savoir : d’une part la décision adoptée par le ou les actionnaires majoritaires doit être contraire à l’intérêt social de la société et d’autre part elle doit avoir été prise dans l’unique dessein de favoriser les actionnaires majoritaires au détriment des autres actionnaires. Or, au cas d’espèce, cette cession, faite à un prix très inférieur à la valeur réelle de l’immeuble, était bien contraire à l’intérêt social de la société mais également aux intérêts de l’associé minoritaire dont les parts sociales avaient perdu toute valeur...