L’administration française est-elle fondée à remettre en cause la déductibilitéd’un abandon de créances au motif que, localement, il est inscrit comptablement comme un apport en capital ou que le droit fiscal étranger exclut son imposition ?
Par Eva Aubry, avocate, et Jean-René Benichou, avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
C’est à cette intéressante question théorique mais à fort enjeu pratique que le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse négative par un arrêt du 13 avril 2018, comme le laissait présager la décision Senoble Holding qu’il avait rendue tout juste un an auparavant.
1. Le rappel des faits et de la question en litige
Les faits à l’origine du litige sont simples : la société PCD, mère à 100 % de la société américaine LVMH P&C, lui avait consenti deux avances financières qu’elle a décidé d’abandonner au regard de la situation financière obérée de sa filiale, la situation nette de cette dernière restant largement négative après l’octroi de l’abandon de créance.
A cette date, les aides financières n’étaient déductibles qu’à concurrence de la situation nette négative de la filiale assistée car elles n’avaient alors pas pour effet de revaloriser la participation détenue par la société mère. La jurisprudence s’était clairement arrêtée sur le fait que ces principes devaient s’appliquer uniformément, que les sociétés aidées soient des filiales françaises ou étrangères. Il était donc incontestable que l’opération litigieuse constituait un abandon de créance fiscalement déductible en l’état du droit interne alors applicable. L’administration s’est toutefois opposée à cette déduction en invoquant la comptabilisation de l’opération aux Etats-Unis non en produit taxable mais en «paid-in capital» et en la qualifiant juridiquement d’apport.
Pour prétendre s’affranchir des règles fiscales nationales, l’administration s’est notamment prévalue,...